vendredi 2 août 2024

Madrid ne pourra plus lever d'impôt en Catalogne selon un préaccord

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, à gauche et le président de la Généralité catalane Pere Aragonès

Le Parti des socialistes de Catalogne (PSC), arrivé premier mais sans majorité absolue aux élections régionales de mai dernier, est parvenu à un « préaccord » avec la gauche indépendantiste catalane (ERC). Le pacte prévoit que les députés régionaux d’ERC votent l’investiture du candidat socialiste, Salvador Illa, à la tête de la région, en échange d’une série de conditions programmatiques dont la plus spectaculaire concerne les impôts. Le PSC s’engage, avec le feu vert du gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez, à céder à la région la capacité de lever l’ensemble des impôts sur son territoire, à lui transférer les compétences en matière de gestion et de contrôle fiscal, et à plafonner sa contribution au pot commun.

Des deniers publics qu’elle percevrait donc par elle-même, la Catalogne consentirait à en reverser une fraction à l’état. Fonds qui serviront d’un côté au remboursement des politiques régaliennes (défense, sécurité…) payées par Madrid et dont bénéficie la Catalogne, et de l’autre à une solidarité avec les territoires moins favorisés. Mais cette solidarité sera limitée par le principe dit d’ordinalité. Lequel, inscrit noir sur blanc dans l’accord, est une vieille revendication des indépendantistes catalans qui limite la redistribution fiscale. En clair, si la Catalogne, parce qu’elle a sur son sol davantage de contribuables aisés que d’autres régions, est la deuxième contributrice par habitant, elle doit être la deuxième réceptrice des fonds versés par l’état. Et ce indépendamment des besoins de ses habitants.

Le projet doit encore être entériné par un vote des militants de la gauche indépendantiste (ERC), prévu ce vendredi, puis traduit par une loi dont il n’est pas dit qu’elle convainque la majorité des députés espagnols. Sur le papier, le plan ressemble beaucoup à ce qui existe déjà au Pays basque et en Navarre depuis le retour de l’Espagne à la démocratie, un système hérité de privilèges féodaux. Sauf que le PIB catalan représente 19% du PIB espagnol, contre 6 % pour le Pays basque et 1,7 % pour la Navarre.

« L’état ne peut pas se permettre de renoncer à lever l’impôt sur près de 30 % de son économie, dans trois des régions les plus riches en PIB par habitat, résume Ignacio Zubiri, professeur de finances publiques à l’université du Pays basque (UPV). C’est un jeu à somme nulle. Tout le monde perd sauf la Catalogne, qui gagne. Si cette dernière ne participe plus, ou très peu, à la solidarité nationale, il ne restera que la région de Madrid pour financer l’éducation ou la santé publique des communautés les moins dotées. Et face à une crise économique, il n’y aura plus que les pauvres à qui augmenter les impôts. » Zubiri souligne enfin le paradoxe de confier les clés du Trésor public à qui promeut la partition du pays.

« Imaginez un instant qu’au moment de déclarer l’indépendance, en 2017, ils aient eu la main sur tous les impôts… »

La proposition catalane scandalise les autres communautés autonomes, l’opposition de droite et même une partie significative des « barons » du Parti socialiste espagnol (PSOE). « Ça suffit ! », s’est rebellé le président socialiste de la Castille-la Manche, Emiliano Garciapage, connu pour sa liberté de ton et, cette fois-ci, suivi par plusieurs homologues d’ordinaire plus réservés.

«Qu’une communauté autonome exige de recevoir autant que ce qu’elle apporte est obscène et honteux. Botin (la multimillionnaire PDG de la banque Santander, NDLR) ne doit pas recevoir autant que ce qu’elle paie », a-t-il illustré.

Le texte prévoit que dès 2026 l’agence des impôts catalane, qui ne gère aujourd’hui que des taxes mineures, perçoive elle-même l’impôt sur le revenu.

Conscients, peut-être, que la quasi-indépendance fiscale n’est pas acquise, les signataires ont prévu toute une série de dispositions transitoires, dont le fameux principe d’ordinalité et en plus une augmentation « substantielle » des transferts de l’État dans la région.

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