dimanche 6 mars 2011

Réaction contre l'imposition de l'année bilingue aux jeunes écoliers francophones québécois

Pour Christian Dufour, politologue à l'ENAP,
« La décision du premier ministre Jean Charest de bilinguiser intégralement la 6e année de l'école primaire francophone à la grandeur du Québec — cinq mois en français et cinq mois en anglais — résulte de la conjonction de deux facteurs.

Tout d'abord, il existe une soif évidente d'anglais, tout particulièrement dans ces régions massivement francophones où les anglophones sont absents, y compris la ville de Québec.

Joue également une idéologie du bilinguisme intolérante qui, indépendamment de la réalité québécoise et des contraintes de notre environnement nord-américain, veut imposer une nouvelle norme: désormais tous les Québécois doivent être bilingues par principe sous peine de ne pas être mondialisés, modernes et ouverts. Ne parler que le français devient la marque d'un statut inférieur. »
L'anglais, ouverture sur le « monde »

Notons au passage, que c'est exactement le discours de Gérard Deltell, chef de l'ADQ, qui désire « intensifi[er] l'enseignement de l'anglais afin que la prochaine génération soit fière de nos institutions francophones, mais bilingue et plus ouverte sur le monde. » Comme si l'anglais ouvrait sur le monde africain plus que le français, le monde hispanique plus que l'espagnol. Comme si les traductions n'existaient pas, comme si la connaissance intensifiée de l'anglais n'ouvrait pas surtout sur le monde anglo-saxon et non le monde tout court. Monde anglo-saxon dans lequel le Québec baigne pourtant déjà. Et puis comment être fier des « institutions francophones » si le signal donné c'est que l'anglais est la langue qui ouvre sur le monde, la connaissance, l'emploi ? On attend d'ailleurs de l'ADQ son plan pour renforcer la position du français au Québec. Mais là, silence radio. L'ADQ montre bien par là qu'il est un parti surtout ancré autour de Québec où l'anglais n'est en rien une menace immédiate au fait français.

Mesure excessive, manque de souplesse

Pour M. Dufour,
« une mesure excessive à sa face même, incompatible à terme avec le maintien de la claire prédominance du français sans exclusion de l'anglais au Québec. En effet, on veut imposer la 6e année bilingue aux jeunes du Saguenay et de Québec, mais également à Gatineau et dans le West Island, où vivent beaucoup de jeunes francophones souvent déjà bilingues et pour qui le défi linguistique est avant tout de vivre en français.

Il y a également ces écoles de l'île de Montréal où les jeunes issus de l'immigration apprennent tant bien que mal le français faute d'un nombre suffisant de francophones de langue maternelle, sans compter toutes ces parties de la grande région métropolitaine où l'apprentissage de l'anglais se fait tout naturellement au contact des anglophones. Vouloir bilinguiser la 6e année dans ces milieux est aberrant. »
Bilinguisme généralisé d'État, aucune mesure pour le français ?

Pour le politologue de l'ENAP,« M. Charest donne suite à la proposition de l'aile jeunesse du Parti libéral à laquelle il s'était opposé il y a deux ans, alors qu'il avait insisté sur le fait qu'il fallait avant tout protéger le français. » Mais, de s'indigner M. Dufour, où sont donc les mesures pour un meilleur enseignement du français — « un problème nettement plus grave que celui de l'anglais — alors que le gouvernement du Québec se lance dans une opération totalement inédite de promotion systémique de l'anglais ? »

« La bilinguisation intégrale de la 6e année rend compte d'une tendance de fond qui ne porte pas le Québec vers l'excellence mais nourrit la médiocrité d'une société tentée par l'abdication de ce qu'elle est.  » de conclure l'essayiste Dufour.

Complicité du PQ

Comme le souligne également M. Dufour, l'élément nouveau dans cette lutte linguistique, c'est « la complicité de ces souverainistes qui veulent nous faire croire qu'ils seront en mesure d'imposer le cégep en français à des adultes de 18 ans quand ils ne sont même pas capables de préserver l'enseignement en français à des enfants de 11 ans. »

Ce n'est pas étonnant. Le PQ n'a plus aucune structure philosophique, d'appareil intellectuel qui lui permette de contester le point de vue antinationaliste du PLQ.  Comme dans le cas du cours d'éthique et de culture religieuse, c'est de moins en moins l'identité du Québec, son caractère historique français, qui semble intéresser le PQ, mais c'est la volonté de « s'ouvrir sur le monde », le combat contre les éléments conservateurs dans la société québécoise et la lutte pour la « laïcité » (entendre le laïcisme le plus souvent) qui semblent mobiliser les ardeurs des apparatchiks du PQ.

« Et si l'anglais était une menace ? »

Si une langue étrangère (pas uniquement l'anglais bien sûr) peut être un enrichissement personnel (comme le développement de n'importe quelle autre compétence), c'est nettement moins vrai pour une société dans son ensemble. Rappelons que l'usage des langues dans une société se ramène nettement plus à un jeu à somme nulle qu'à un « enrichissement » irénique  de ladite société : plus on donne de place à une langue (à l'école, au travail, dans la famille, sur les frontons et panneaux) moins on en donne à une autre.

Valérie Lesage dans Le Soleil le rappelle dans un article intitulé « Et si l'anglais était une menace ? » :

« Si vous avez l'impression qu'on entend de moins en moins de chansons francophones sur certaines radios commerciales, ce n'est peut-être pas juste une impression mais un fait. Et il est drôlement temps qu'un coup de barre soit donné pour remettre en valeur la chanson d'expression française.

La semaine dernière, l'émission J.E. soulevait le problème dans un de ses reportages. Une étude de l'ADISQ menée en 2008 montre que des stations de radio de Corus et d'Astral Media se servent abondamment des montages anglophones, ce qui diminue la portée des quotas de musique francophone, établis par le CRTC à 55 % aux heures de grande écoute et à 65 % dans une semaine de diffusion. En liant trois pièces anglophones, desquelles seulement quelques secondes sont supprimées, les radios calculent qu'un montage vaut une chanson... qui dure en moyenne 11 minutes 11 secondes. »
Il existe un temps limité d'antenne, de jours de classe, plus l'État en donne à l'anglais en imposant celui-ci, moins il en donne au français.





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9 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous avez que l'actualité a publié un sondage : 2/3 des Québécois sont pour que la 6e année soit bilingue:

http://www.lactualite.com/societe/plus-danglais-au-primaire-yes-sir

Vous avez encore tort !

Loulou a dit…

J'ai beaucoup ri en entendant Larose dire que le fait que les jeunes francophones apprennent plus d'anglais est une mesure d'équité *sociale* !!!

1) Pas régionale, mais sociale, comme s'il n'y avait que les riches qui à Montréal connaissaient l'anglais.

2) Comme si l'anglais était quelque chose de précieux.

L'entendre contre Dufour ici :

http://www.radio-canada.ca/emissions/christiane_charette/2009-2010/chronique.asp?idChronique=137640

Aussi caractéristique que la présentatrice dit d'emblée que Dufour est radical... Dingue.

Pour une école libre a dit…

Anonyme,

Nous ne sommes pas surpris de ce sondage dans le climat actuel de fascination pour l'anglais (aucun parti n'ose s'y opposer, aucun artiste ne se lève, aucune personnalité), alors que l'on ne dénonce pas la lente anglicisation de Montréal et Gatineau. Tout cela « pour être ouvert » et « à cause de la mondialisation ».

Pour le reste, 76 % des parents veulent le choix entre le cours ECR et une formation confessionnelle, mais la`subitement on ne parle plus de suivre ce que les gens veulent...

http://www.coalition-cle.org/media/rapport_coalition_pour_la_liberte_en_educationMai2009.pdf

Sébas a dit…

@ Anonyme:

Les sondages sont souvent des outils pour manipuler les "moutons"...

Demandons ceci dans un sondage ou un référendum:

Voulez-vous que (A) l'état IMPOSE dans les écoles la bilinguisation OBLIGATOIRE ou (B) offre l'immersion (dans les langues de votre choix), en option ?

;-)

Et sondage pour sondage, voici quelque chose pour vous:

SONDAGE

Question du 2011-02-08 (Cyberpresse)

Le député conservateur Maxime Bernier croit que les Québécois devraient être libres de choisir la langue d'enseignement de leurs enfants. Êtes-vous d'accord?

61% = non
37% = oui

p.s.
Nombre de votes: 19 740


Lien:
http://img135.imageshack.us/f/loi101libresdechoisirla.jpg/

***

Et bien, dans un journal très fédéraliste et "nationalist canadian", les lecteurs disent EXACTEMENT le contraire du sondage dans l'actualité.... avec en prime, un échantillon beaucoup plus représentif...

Oui monsieur.

;-)

Sébas a dit…

Pour le sondage de l'actualité, c'est encore moins "scientifique" que je pensais:

"Sondage CROP-L'actualité mené par l'intermédiaire d'un panel Web auprès de 1000 adultes du 18 au 21 janvier 2011."

Lorsqu'on connait un peu le fonctionnement du "ouèbe", l'on sait que c'est assez facile pour les militants d'une cause de se "démultiplier"...

Tirez vos propres conclusions de ce sondage...

p.s.
Certains aiment bien accorder de la crédibilité(ont-ils la foi?), à des humains (souvent manipulateurs), et après ils viennent rire des croyants (en Dieu).

Très "rationnel" et "scientifique" comme approche...

Anonyme a dit…

Sebas,

Je pense que le sondage de Cybrepresse de 19 000 personnes en ligne n'est pas représentatif (pas de redressement statistique) alors que le sondage de L'Actualité est sans doute redressé (on demande l'age, le revenu, la région, etc).

Perpétue a dit…

Un de mes enfants s'est retrouvé il y a quelques années dans une de ces classes de 6ième année où le programme normal de l'année était très compressé pour faire place à beaucoup d'Anglais.

Il n'a pas tenu le coup, c'était trop difficile pour lui (il souffrait d'un très léger déficit d'attention, mais avait toujours bien réussi jusque-là). La directrice a refusé de le mettre dans l'autre classe où le programme était normal: la classe normale était pour ceux qui savaient déjà l'Anglais. Je n'ai pas eu d'autre choix que de retirer mon fils de cette école.

D'après mon expérience, ce genre de programme fera perdre pied à plus d'enfants qu'on ne croit.

Sébas a dit…

@ Perpétue:

On devrait donc être moins liberticide (c'est drôle que ceux qui nous vendent cette idée, parlent de "liberté"... mais passons), et laisser le choix aux écoles, parents et élèves?

i.e.
Offrir ce cours (et d'autres langues que l'anglais pour ceux qui maitrisent déjà cette langue) en option... et au niveau secondaire?

@ Anonyme:

Avez-vu lu mon message du 7 mars 2011 à 7:10:00 ?

Sébas a dit…

@ Perpétue:

Ah, oubliez ça... j'ai "oublié" que nous vivions au Québec et en Occident... là où au nom de la "démocratie", du "mieux vivre-ensemble", de la "tolérance" et de la "liberté"... on n'enlève les droits démocratiques (les uns après les autres), on devient de plus en plus liberticide et on devient de plus en plus intolérant face à la différence.