lundi 12 octobre 2009

Reconstruction multiculturelle de l’identité québécoise : les censures à lever

Extraits de l'article « La nouvelle identité multiculturelle et la bruxellisation de Montréal » de Mathieu Bock-Côté paru dans le numéro d'octobre 2009 de l'Action nationale.
La première censure à lever est celle qui est posée sur la question de l’immigration, ce qui n’ira pas sans risque, ce qui ne se fera pas sans courage. Depuis les propos de Jacques Parizeau sur le rôle du vote ethnique dans la défaite référendaire de 1995, l’immigration est un tabou au Québec et nul ne peut contester la propagande officielle qui l’entoure sans risquer les pires épithètes. Pour avoir seulement contesté la hausse des quotas d’immigration, sans même plaider pour leur réduction, Mario Dumont au printemps 2008, a subi les foudres de la caste médiatique qui l’a accusé sans gêne de racisme et de xénophobie, de pratiquer une politique assimilable à celle de l’extrême-droite, Maka Kotto, le député péquiste, allant jusqu'à assimiler le discours de l’ADQ au « lepénisme » français, comme si la question de l’immigration, dans une société moderne, ne relevait pas de la discussion publique et devait être confiée aux seuls experts qui partagent tous sans surprise la même vision de ses bienfaits et de sa nécessité – un mythe déconstruit fort brillamment par Benoit Dubreuil en rappelant la contradiction publique entre un discours célébrant à la fois la nécessité économique d’une immigration massive et le constant rappel des ratés de l’intégration au marché du travail des communautés immigrantes. Il ne fallait pas se surprendre, d’ailleurs, que 51 % des Québécois, dans un climat marqué par la censure intégrale de la question de l’immigration et la diabolisation de ceux prenant le risque de la transgresser, trouve néanmoins le moyen d’appuyer le chef adéquiste en allant même plus loin que lui. Le mythe de l’intégration réussie doit se dégonfler. Si la plupart des immigrés s’intègrent bien à la nouvelle identité montréalaise, ils ne s’intègrent qu’en une proportion encore trop faible à l’identité québécoise. Comme l’a soutenu Christian Dufour, le Québec ne devrait pas se sentir « condamné à approuver automatiquement l’augmentation des niveaux d’immigration ». L’immigration n’a pas vocation à augmenter systématiquement et si le Québec peut continuer à accueillir une part raisonnable d’immigrés chaque année, il n’a pas pour autant à se définir obligatoirement comme un pays d’immigration où cette dernière aurait pour vocation de remplacer la population d’accueil. On ne parlera jamais sérieusement de la question de l’identité québécoise si on ne pose pas au même moment celle de nos capacités réelles d’intégration, qui ne sont certainement pas aussi élevées que nous le répètent les zélateurs de la religion multiculturelle.

La deuxième censure est celle posée par le multiculturalisme qui, au Québec comme ailleurs, entraîne les peuples à se laisser culpabiliser, à se reconnaître dans une image dégradée de leur histoire, de leur passé, ce qui les convainc conséquemment de renoncer à leur héritage historique propre pour plutôt se fondre dans la nouvelle civilisation multiculturelle. La méthode est simple : la criminalisation de l’expérience historique de nos sociétés, jugées coupables de racisme, de sexisme et d’homophobie justifie leur déconstruction administrative et leur reconstruction intégrale selon les préceptes de l’égalitarisme identitaire. C’est parce que toute la tradition est contaminée qu’elle doit être liquidée et que la société doit s’emplir d’une nouvelle définition d’elle-même. La nation est appelée à se convertir au multiculturalisme et les immigrés n’auraient pas à prendre le pli de la première mais bien du second. Le multiculturalisme entend convertir la démocratie à la politique de la reconnaissance en en faisant le critère pour évaluer son libéralisme, avec pour conséquence l’appel à décentrer la communauté politique de son héritage fondateur pour plutôt la recomposer selon la dynamique du pluralisme identitaire. C’est cette censure qui cherche à nous convaincre qu’il est illégitime d’intégrer les immigrés non seulement aux chartes de droits et aux valeurs qu’elles incarnent, mais aussi et surtout au substrat culturel de la nation, à son identité historique. Il faudra réaffirmer la légitimité d’une définition de la société québécoise, de la communauté politique québécoise, en tant qu’expérience historique appelée à exprimer un peuple particulier n’ayant aucune vocation à se dissoudre dans les paramètres de l’universalisme progressiste.

La troisième censure est celle de la paix linguistique. Le Québec ne vit pas une situation de paix linguistique en ce moment. Loin de là. Sa métropole est plutôt soumise à une transformation linguistique incessante qui sous le signe du progrès du bilinguisme, neutralise pratiquement le français comme norme politique, culturelle, économique et administrative. Mais cette réalité, les élites ne veulent pas la reconnaître et préfèrent rationaliser systématiquement la régression sociologique de l’identité québécoise dans la métropole en y reconnaissant plutôt le signe d’une hybridation identitaire sans précédent qui donnerait sa véritable originalité à la métropole. C’est seulement en reconnaissant le caractère très critique de la situation linguistique qu’il sera possible de penser les mesures qui s’imposent pour assurer un authentiquement redressement national, parmi celles-ci, la francisation des services gouvernementaux dans les rapports avec les communautés immigrées, l’extension de la loi 101 au niveau collégial et la réorientation complète du projet des deux CHU pour assurer la pleine mission nationale de la médecine francophone.

Dernière censure, certainement pas la moindre, la censure progressiste héritée de la Révolution tranquille qui évide la langue française de la culture du Québec historique et qui a entrainé la désoccidentalisation progressive de l’identité québécoise en quelques décennies. Un peu comme si le Québec n’avait d’autre matière pour définir son identité que la langue française et les valeurs progressistes assimilées aux gains de la Révolution tranquille, comme la laïcité ou l’égalité homme-femme. Fernand Dumont l’a écrit à plusieurs reprises, une langue est aussi une culture, un univers de sens où s’ouvre la possibilité d’un destin partagé. Quelquefois, on peut croire que la langue française est tout ce qui reste de la culture québécoise tout comme la souveraineté est tout ce qui reste du nationalisme québécois. Il faut pourtant assumer de nouveau l’épaisseur historique de cette culture, ce qui nous entraine vers la question de l’école, qui transmet de moins en moins la culture québécoise pour plutôt servir de laboratoire où fabriquer un nouveau peuple conforme à l’idéologie progressiste. Le nouveau cours d’histoire est exemplaire de cette dénationalisation de l’identité québécoise, comme l’a noté Charles-Philippe Courtois dans une étude publiée par l’Institut de recherche sur le Québec. De la même manière, le cours Éthique et culture religieuse travaille à neutraliser le patrimoine historique constitutif de l’identité québécoise en transformant l’école en laboratoire d’un multiculturalisme radical qui inversera la dynamique d’intégration pour rassembler le Québec dans une culture droit-de-l’hommiste sous le signe de la Charte des droits. Devenir Québécois devrait impliquer l’intériorisation du patrimoine culturel et historique de la nation, ce qui veut dire qu’il devrait être transmis de manière décomplexé et qu’il devrait s’accoupler avec une éventuelle citoyenneté traduisant politiquement l’appartenance au Québec.






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5 commentaires:

Durandal a dit…

Dans l'univers des progressistes, tout ce qui n'est pas de gauche ou au centre est automatiquement "fasciste/nazi" ou "ultra-capitaliste sauvage".

En réalité la position de M. Dumont était loin de l'extrême-droite...

Geler le taux d'immigration = centre-droit

Réduire le taux d'immigration = droite

Renvoyer chez eux une partie des immigrants = extrême-droite

Et ainsi de suite...

Augmenter légèrement l'immigration = centre-gauche

Augmenter fortement l'immigration = gauche

Immigration pratiquement illimitée = extrême-gauche

Romanus a dit…

Comme l'a dit Ratzinger, l'extrême-droite, c'est tout ceux qu'on aime pas.

Tout ceux qui critiquent le messie Obama aux É.U. sont classés extrême-droite. C'est frappant dans les média québécois et canadiens.

La démonisation, ca fait un temps... l'utopie post-moderniste va s'effondrer sous le poids de ses propres contradictions... c'est une question de temps.

On ne sait plus ce que c'est que la véritable extrême-droite.

Romanus a dit…

Comme je le disais, on ne sait plus ce que c'est que l'exreme-droite:

http://cbergeron.wordpress.com/2009/10/16/lextremiste-wilders/

Je dis ça, je dis rien a dit…

La Presse, le Devoir sont des journaux du pire conformisme, ils ne servent à rien si ce n'est comme vivier à journalistes médiocres et objet d'étude aux sociologues interressés par la médiocrité de ces plumitifs.

Surtout n'achetez pas ces journaux, laissez-les couler s'ils ne comprennent pas qu'ils sont médiocres et ne cherchent pas à devenir un peu plus raisonnable (pardon d'«extrême droite» comme ces perroquets diraient).

Refus de la vie a dit…

Pierre Chaunu est mort. On salue l'immense historien (voir ci-après la longue dépêche de l'AFP). On oublie de dire que celui qui dénonçait le suicide démographique (par exemple dans « Le refus de la vie ») allait au bout de sa pensée, en étant un militant de la vie contre l'avortement. Il avait été notamment le premier secrétaire général de l'association des amis du professeur Lejeune.

On oublie aussi de souligner qu'il était avant tout chrétien. Prédicateur de l'Eglise réformée de France. Mais nullement sectaire, et au contraire partisan d'une alliance de tous les chrétiens pour défendre la civilisation chrétienne. Lors de la polémique sur la célébration du 15e centenaire de Clovis et la visite du pape Jean-Paul II, il avait publié « Baptême de Clovis, baptême de la France, de la religion d'Etat à la laïcité d'Etat » (en collaboration avec Eric Mansion-Rigau).

Parmi ses très nombreux livres, on ne peut pas oublier La femme et Dieu (Réflexions d'un chrétien sur la transmission de la vie), Brève histoire de Dieu, Dieu (Apologie), La mémoire de l'éternité, La mémoire et le sacré, Ce que je crois, Histoire et foi (2000 ans de plaidoyer pour la foi), et sa monumentale histoire de la Réforme.

Dans la Lettre ouverte aux églises (écrite en 1977 en collaboration avec l'autre grand historien protestant François Bluche), il constatait qu'en dix ans le nombre des entrées dans les séminaires catholiques français avait « chuté de 10 à 1 », et qu'au programme on avait « remplacé s. Thomas d'Aquin par Marx et Feuerbach ». De ce fait, disait-il, « la réussite d'Ecône », avec « l'ordo de s. Pie V maintenu », « souligne l'échec des nouveaux séminaires », ce qui explique l'acharnement de l'épiscopat français contre l'œuvre de Mgr Lefebvre.

Il a également participé au Livre noir de la Révolution française.

L'historien Pierre Chaunu, l'une des grandes figures de l'école historique française, est décédé jeudi soir à son domicile à Caen, à l'âge de 86 ans, a-t-on appris auprès de l'Académie des Sciences morales et politiques dont il était membre.

Ancien professeur d'histoire moderne à la Sorbonne, Pierre Chaunu était l'un des fondateurs de l'histoire quantitative qui s'appuie sur les mathématiques et les statistiques, et utilise l'économie et la démographie pour analyser les évolutions historiques. Le grand public le connaissait surtout pour ses cris d'alarme concernant la démographie européenne.

Spécialiste de l'Amérique espagnole et de l'histoire sociale et religieuse de la France des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle, il est l'auteur de plusieurs dizaines de livres.

Né le 17 août 1923 à Belleville (Meuse), "à la lisière du champ de bataille de Verdun", selon ses propres termes, agrégé d'histoire et docteur ès lettres, Pierre Chaunu a commencé sa carrière comme professeur au lycée de Bar-le-Duc en 1947.