mercredi 16 janvier 2013

Baisse relative du nombre de diplômés par rapport à l'Ontario après la Grande Noirceur

La plupart des historiens prétendent que le Québec a connu une période sombre durant la prétendue « Grande noirceur », c'est-à-dire la période de 15 ans qui s’étend de l’Après-guerre jusqu’au décès de Maurice Duplessis en 1959. Pourtant, les données statistiques de l'époque semble contredire cette interprétation.

Loin de connaître le déclin relatif et le retard croissant suggérés par les livres d'histoire, le Québec a plutôt vécu une période de « Grand rattrapage » économique et social de 1945 à 1960. C'est ce que montre Vincent Geloso, candidat au doctorat en histoire économique à la London School of Economics, dans une publication qu'il signe aujourd'hui avec l'Institut économique de Montréal (IEDM).

Au chapitre de l'éducation supérieure par exemple, pour chaque tranche de 100 Ontariens qui possèdent un diplôme universitaire, seulement 71 Québécois en détiennent un en 1951. Dix ans de censée « Grande noirceur » plus tard, cette proportion passe à 85.

Par contre, durant ce que l'on nomme la « Révolution tranquille » (les années soixante), le Québec recommence à perdre du terrain et ce chiffre baisse à 78 en 1981. Les plus récentes données disponibles indiquent que ce taux est maintenant de 80. Un recul similaire a été 
observé par rapport au reste du Canada.

Cette progression  a été encore plus évidente pour les femmes.  La proportion de celles qui avaient un diplôme universitaire au Québec en 1951 était moins de la moitié de la proportion observée en Ontario, à 44 %, comparée à 82 % en 1961.

Étrangement, la plupart des historiens prétendent que le Québec est devenu une société de plus en plus arriérée sur le plan de l’éducation durant les années d’après-guerre. Les données montrent tout le contraire. Un écart existait toujours entre le niveau d’éducation des jeunes Québécois et celui des autres jeunes Canadiens, mais cet écart allait rapidement en s’amenuisant.

Alors que le Québec avait connu un déclin relatif par rapport au reste du Canada avant la Seconde Guerre mondiale, le contraire est survenu lorsque la guerre a pris fin. Les Québécois francophones ont abandonné les occupations rurales et se sont dirigés massivement vers des occupations administratives, professionnelles, et vers d’autres emplois dans le secteur des services, dont les salaires étaient semblables à ceux observés à Toronto. Même les ouvriers non spécialisés occupant des emplois dans le secteur manufacturier ont vu leurs salaires augmenter légèrement plus vite qu’à Toronto entre 1946 et 1960.

En fait, loin de connaître le déclin relatif et le retard croissant suggérés dans les livres d’histoire, le Québec a plutôt vécu un grand mouvement de rattrapage économique et social avec le reste du Canada durant cette période, en particulier en ce qui a trait à l’épargne et à l’investissement, à l’éducation et au niveau de vie en général.

De plus, la croissance économique durant les années d'après-guerre est elle aussi caractérisée par un grand rattrapage. En effet, l'écart entre le revenu personnel disponible par habitant du Québec par rapport à celui du reste du Canada a été réduit de 8,8 points de pourcentage de 1945 à 1960, mais seulement de 3,7 points additionnels de 1960 à 1975.

On peut observer un phénomène de convergence similaire en ce qui concerne les niveaux d’éducation. Le Québec a alors commencé à réduire l’écart avec le reste du Canada qui s’était créé durant les décennies précédentes en ce qui a trait à la proportion d’enfants allant à l’école. L’écart dans le taux effectif de fréquentation s’est considérablement rétréci de 1945 à 1957. Voir ci-dessous.


En bref, la situation relative du Québec au sein du Canada s’est améliorée à un rythme soutenu durant les deux périodes (la Grande Noirceur et la Révolution tranquille), mais la plupart des gains en termes de résultats éducationnels et de niveau de vie ont été réalisés avant 1960, et non après. C’est le contraire de ce que des générations d’étudiants ont appris dans les cours d’histoire, et de ce que les termes « Grande Noirceur » et « Révolution tranquille » sont censés signifier.

Les statistiques disponibles contredisent l’affirmation selon laquelle la période qui va de 1945 à 1960 a été caractérisée par le retard et la stagnation. Elles ne permettent pas non plus d’appuyer l’idée selon laquelle la société québécoise a effectué une rupture radicale avec son passé à partir de 1960. Il est grand temps de remettre en question les clichés et les mythes associés à ces périodes et de les nommer d’une façon plus appropriée.

« L'instauration d'un État plus interventionniste à partir des années 1960 n'aura donc pas accéléré le rattrapage du Québec. Au mieux, on observe que le progrès entamé des années plus tôt par rapport aux autres provinces se poursuit à un rythme un peu plus lent. Au pire, on voit s'effriter des gains comme pour l'éducation supérieure », conclut M. Geloso.

Entretemps, voici comment on compare dans un cahier d'ECR la merveilleuse modernité héritée de la Révolution tranquille et cette époque des sombres que l'on nomme la Grande Noirceur.


L'école de la Grande Noirceur selon un cahier d'ECR...
Page 56 — cahier-manuel d'éthique et de culture religieuse Entretiens II
pour la 1re secondaire des éditions La Pensée


Voir aussi

Grande Noirceur — Non, l'Église n'était pas de connivence avec le gouvernement et les élites

La Grande Nouérrceurrr : portrait de famille monochrome, rictus, pénurie francocentrique et ânonnements (5 pages)

La Grande Noirceur, revue et corrigée

Le « mythe » de la Révolution tranquille

Héritage de la Révolution tranquille : lent déclin démographique du Québec ?

Révolution tranquille : Entre imaginaire et réalité économique et sociale




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