dimanche 11 avril 2010

Le « mythe » de la Révolution tranquille

Article du Droit de Gatineau sur la Révolution tranquille.

S'il devait résumer la Révolution tranquille en un seul mot, Gilles Paquet, professeur émérite de gestion à l'Université d'Ottawa, choisirait « mythe ».

Dans le cadre d'une série de conférences présentées à la Grande Bibliothèque de Montréal sous le thème La Révolution tranquille, 50 ans d'héritages, M. Paquet abordera demain l'empreinte qu'a laissée cette époque dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la culture.

Après un demi-siècle, le professeur Paquet estime qu'il faut « remettre les pendules à l'heure ». « Il y a une sorte de mythologie qui s'est créée au début, croit-il. [...] On a attribué trop facilement au volontarisme politique et aux bureaucrates des choses qui étaient enclenchées mécaniquement par le baby-boom. »

Les changements dans le système d'éducation issus de la Révolution tranquille sont parmi les facteurs qui expliquent, aux yeux de M. Paquet, le fort taux de décrochage au Québec. « Ce n'est pas parce que nos enfants ici sont plus fous qu'ailleurs. »

« Le problème, quand l'État prend le contrôle de quoi que ce soit, c'est qu'il veut centraliser. Le cours d'éthique et de culture religieuse est un cas patent d'une religion d'État qui va être enseignée partout. »

La Grande Noirceur et les fruits de la Révolution tranquille dans un cahier d'activité ECR

Page 56 — cahier-manuel d'éthique et de culture religieuse Entretiens II pour la 1re  secondaire des éditions La Pensée (autres pages ici)



Le conférencier se réjouit toutefois de la présence d'écoles privées au Québec, « Si on n'avait pas eu Daniel Johnson père, qui a continué à financer les écoles privées, on serait dans un merdier encore plus grand, croit M. Paquet. C'est la concurrence entre les deux systèmes qui nous sauve. »

En matière de soins de santé, Gilles Paquet affirme que la gratuité des services publics et l'absence de services privés ont été néfastes. « Si la suite royale du Château Laurier était gratuite, on aurait des files d'attente sans fin, image-t-il. Le pire, c'est qu'on a aussi rendu quasiment tabou le recours au privé. »

L'imposition d'une nouvelle contribution en santé, récemment annoncée par le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, se veut d'après M. Paquet « une approche bien timide » pour remédier aux problèmes du système.

De tout cela a découlé une « culture du bénéficiaire », selon le professeur. « On est tellement habitué d'avoir des acquis sociaux qu'on en devient dépendant. »

Une « fabulation »

L'image qui reste de la Révolution tranquille est donc beaucoup plus belle qu'elle ne devrait l'être, croit Gilles Paquet. « On vit dans le rêve, c'est une fabulation qui nous a véritablement fait plaisir, on s'est dit qu'on avait vécu une période extraordinaire. »

Il estime que l'Outaouais, de par sa proximité avec l'Ontario, était toutefois un peu à l'écart des autres régions du Québec. « L'Outaouais n'a jamais été embarqué aussi pleinement dans la mythologie et la fabulation, parce qu'on pouvait comparer avec ce qui se passait à côté tous les jours. »

Voir aussi :

Héritage de la Révolution tranquille : lent déclin démographique du Québec ?


Révolution tranquille : Entre imaginaire et réalité économique et sociale





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

5 commentaires:

Durandal a dit…

« L'observateur attentif [de l'élection provinciale de 1660] aurait dû lire un message dans le fait que l'Union nationale, alors dirigée par Daniel Johnson père, ait conservé sa position et soit arrivée à peu près à égalité avec le parti libéral parmi les votes francophones. Malgré les clameurs de libération, la population n'était pas manifestement convaincue de préférer un gouvernement bureaucratique et universitaire à un régime autoritaire et cynique [...] en juin 1966, la croyance populaire libérale répandue dans l'establishment du pouvoir québécois et chez les observateurs du reste du Canada a été profondément ébranlée par la victoire serrée de Daniel Johnson père, même s'il a obtenu moins de voix que Lesage en raison du vote traditionnellement massif des Québécois anglophones [sic] en faveur des libéraux. [...] Depuis une centaine d'années, l'opinion nationaliste au Québec avait été défendue par des hommes totalement conservateurs, nottament, au XXe siècle, par des Henri Bourassa, Lionel Groulx, Maurice Duplessis et Daniel Johnson père. Avec la mort innatendue de ce dernier et l'émergence de Lévesque en tant que séparatiste affirmé, le flambeau est passé de la droite à la gauche, bien que, dans le cas de Lévesque, il se soit agit d'une gauche passablement modérée. »

Conrad BLACK, Maurice Duplessis, Montréal, Les Éditions de l'Homme, 1999, p. 18-19.

« Entre la dispartion de Duplessis et la réélection de l'Union nationale, le Parti libéral du Québec a régné avec panache et s'est immortalisé en tant qu' "équipe du tonerre", laquelle équipe a mis fin à la "Grande Noirceur" et amorcé la "Révolution tranquille". Comme c'est souvent le cas durant les transitions politiques et sociologiques complexes, le changement a été à bien des égards plus symbolique que profond, et ses bienfaits se sont révélés beaucoup plus ambigus qu'ils le semblaient au début. »

Ibid, p. 9.

Anonyme a dit…

Conrad Black!

On a déjà lu des historiens plus crédibles.

Jonathan a dit…

"On a déjà lu des historiens plus crédibles."

Malgré ses déboires et malversations, le qualité du travail d'historien de Conrad Black n'a jamais été en cause.

Sa biographie en deux tomes sur Maurice Duplessis(à l'origine sa thèse de maîtrise) est aujourd'hui encore un ouvrage de référence et sa biographie de Franklin D. Roosevelt fut extrêmement bien reçue aux États-Unis.

Sébas a dit…

Au moins 3 autres intellectuels Québécois remettent en cause l'expression 'grande noirceur'...

Extraits:

1)

"C’est justement grâce à leur travail et à leur engagement valeureux que je trouve injuste l’expression "grande noirceur". Autant de lumière n’aurait pu surgir en 1960 d’une obscurité antérieure aussi opaque. Cette lumière est largement redevable à l’action formatrice des religieux. René Lévesque a étudié au séminaire de Gaspé, Georges-Émile Lapalme à celui de Joliette. Les abbés Dion et O’Neil ont éveillé bien du monde."

-Bernard Landry, ancien premier ministre du Québec

Source:
http://www.vigile.net/L-Eglise-a-peche

***

2)

"Étatisme et déclin du Québec constitue une analyse décapante de la Révolution tranquille, pivot autour duquel gravite l'interprétation reçue de l'histoire du Québec. Avant, c'était la grande noirceur ; après, la modernité libératrice et le progrès triomphant. L'observation des faits contraint pourtant à peindre un tout autre tableau. Si la Révolution tranquille a marqué chez nous un tournant de l'évolution économique et sociale, ce fut un tournant pour le pire qui a signalé le début d'un élargissement progressif de l'écart entre la croissance de l'Ontario, du Canada et des États-Unis, d'une part, et celle du Québec, de l'autre"

-Jean-Luc MIGUÉ

"Étatisme et déclin du Québec.
Bilan de la Révolution tranquille"

Montréal, Les Éditions Varia, 1999

http://aaacla.qc.ca/etatisme.html

***

3)

"Les changements culturels et sociaux à ce chapitre seraient venus de toute façon, même sans la montée étatiste que nous avons connu. Celle-ci n'est d'aucune façon la cause de ces changements, tout comme il est absurde de faire un lien entre la domination de l'Église et les politiques économiques relativement peu interventionnistes du temps. Au 19e siècle, l'anticléricalisme qui a dominé à certaines époques se déployait dans un contexte politique où l'État occupait encore moins de place. Bref, revenir à l'État plus limité d'avant la Révolution tranquille n'implique aucunement revenir au contrôle social étouffant de ce qu'on a appelé la Grande Noirceur.

Au contraire, cela implique de se débarrasser de la nouvelle morale étouffante contemporaine imposée par les nouveaux curés, les bureaucrates: celle qui nous oblige aujourd'hui à ne pas fumer où il ne faut pas ou à mettre notre ceinture de sécurité ou à ne pas dire certaines choses offensantes sur certains groupes ou à suivre des centaines d'autres diktats et à éviter des centaines d'autres interdits sous peine d'amende ou de prison. Étrangement, ceux qui ont peur de revenir à la Grande Noirceur sont exactement les mêmes qui nous imposent cette Super Grande Noirceur fanatique de la rectitude politique. Dans les années 1950 et avant, on subissait peut-être l'opprobre social et ecclésiastique si on avait des relations sexuelles défendues, si on dansait ou allait au cinéma, si on lisait des livres à l'index; aujourd'hui, on subit la persécution juridique si on fait ce qu'on veut avec notre corps dans des tas d'autres activités. C'est ça le progrès?!"

-Martin Masse
http://www.quebecoislibre.org/000805-2.htm

Durandal a dit…

Erratum : 1960, pas 1660.