jeudi 26 mai 2011

France — La théorie du genre dans les nouveaux manuels de biologie français

Au Québec, la lutte contre l'homophobie que l'on nous présente sans rire comme une des causes principales du décrochage scolaire et de l'« intimidation » à l'école, sert à la promotion de différentes théories pour le moins très minoritaires comme la théorie du genre. Celle-ci prétend que le « genre » d'un individu est une construction sociale différente de son « sexe » anatomique.  Un plan inter-ministériel québécois de lutte contre l'« homophobie » a été lancé il y a un an, il reprend servilement la rhétorique du lobby LGBT et son vocabulaire : « Les jeunes sont particulièrement vulnérables aux manifestations homophobes, surtout lorsqu’ils traversent une période de questionnement sur leur orientation sexuelle ou sur leur identité de genre. » (p. 16) Pas son identité sexuelle, mais son identité de genre. Ce plan vise également à lutter contre l'hétérosexisme défini comme l'« affirmation de l’hétérosexualité comme norme sociale ou comme étant supérieure aux autres orientations sexuelles ; pratiques sociales qui occultent la diversité des orientations et des identités sexuelles dans les représentations courantes, dans les relations et les institutions sociales ». Il faudrait, selon la ministre, lutter contre cette attitude pour normaliser l’homosexualité sur le plan social.

Cette même théorie du genre est désormais présente dans les nouveaux manuels français de SVT (Sciences de la vie et de la Terre). On trouvera ci-dessous l'analyse de catholiques français opposés à cette théorie et à sa diffusion dans les manuels scolaires.

Avertie la semaine dernière par le lycée saint Joseph de Draguignan (Dominicaines du Saint-Esprit) qui venait de recevoir les nouveaux manuels de SVT des classes de 1re L et ES [1re année de cégep concentration non scientifique] issus de cette réforme des éditeurs NathanBordas et Belin, la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon a pu mesurer la gravité des changements opérés par le ministère de l’Education nationale par rapport aux précédents programmes. De même, la direction diocésaine de l’enseignement catholique a été immédiatement alertée.

Défaire la « matrice hétérosexuelle » de la société

D’une manière générale, les chapitres en question sont une attaque en règle contre la loi morale naturelle, largement inspirée de la théorie du « genre », rejetant toute signification anthropologique et éthique à la différence naturelle des sexes. « Dans ce nivelage, la différence corporelle, appelée sexe, est minimisée, tandis que la dimension purement culturelle, appelée genre, est soulignée au maximum et considérée comme primordiale (…) Selon cette perspective anthropologique, la nature humaine n’aurait pas en elle-même des caractéristiques qui s’imposeraient de manière absolue : chaque personne pourrait se déterminer selon son bon vouloir, dès lors qu’elle serait libre de toute prédétermination liée à sa constitution essentielle »1.

Pour les tenants de la théorie du genre en effet, l’homme et la femme n’ont pas de dynamisme naturel qui les pousserait l’un vers l’autre, seuls les conditionnements sociaux rendraient compte de cette soi-disant inclination. A l’appui de cette thèse, Nathan cite ce texte hautement contestable : « Les sociétés forgent des modèles et des normes associés au féminin et au masculin. Dès le plus jeune âge, chacun va inconsciemment être imprégné par un schéma identitaire auquel il doit se conformer pour être accepté et reconnu par le groupe social. Ces attitudes sont tellement intériorisées que nous reproduisons les stéréotypes sans nous en rendre compte » (p.190). La formulation est ambiguë. Nul ne nie qu’il existe un comportement social masculin et féminin et que la valorisation de certains stéréotypes peut conduire à des abus. Mais la théorie du gender promeut une anthropologie alternative refusant que la différence sexuelle inscrite dans le corps possède naturellement un caractère identifiant pour la personne.

Bordas fait lui aussi dépendre la prédominance de l’hétérosexualité du contexte culturel et social dans lequel nous baignons : « Si dans un groupe social il existe une très forte valorisation du couple hétérosexuel et une forte homophobie, la probabilité est grande que la majorité des jeunes apprennent des scénarios hétérosexuels » (p. 182).

Pour illustrer leur démonstration, les manuels citent l’existence d’autres espaces culturels de « troisièmes genres », « ni homme ni femme », comme les Hijras en Inde (Belin, p. 145) ou les Mahu en Polynésie (Bordas, p. 176).

Une fois inculquée aux élèves cette idée que la différence des rôles assignés à l’homme et à la femme dans une société donnée est produite par la culture, il est loisible de s’affranchir du modèle hétérosexuel et de relativiser l’inclination naturelle vers l’autre sexe. Ne s’agit-il pas de dissocier la société de sa matrice hétérosexuelle comme le préconise Judith Butler dans l’ouvrage qu’elle a publié aux États-Unis en 1990  Trouble dans le genre : Le féminisme et la subversion de l'identité ?

La théorie du genre dissocie identité sexuelle et orientation sexuelle

Conséquence logique du raisonnement, l’orientation sexuelle est clairement déconnectée de l’identité sexuelle, l’homosexualité ou la transsexualité relevant de la liberté souveraine des individus. L’hétérosexualité n’a en aucun cas le privilège de l’universalité : « Je peux être un homme et être attiré par les femmes. Mais je peux aussi me sentir 100 % un homme viril et être attiré par les hommes. Et je peux être une femme attirée par les hommes ou une femme attirée par les femmes » (Belin, p. 133).

Bordas fait état d’« une étude récente [résumé en allemand ici] qui montre bien l’influence du contexte culturel et social : à Hambourg en 1970, dans les années de la révolution sexuelle, 18 % des adolescents avaient des activités homosexuelles alors qu’en 1990, avec le SIDA et les changements culturels, ils n’étaient plus que 2 % » (p. 182). L’homosexualité serait donc choisie d’autant plus facilement que la société l’accueillera « sans discrimination » (Nathan, p. 181).  [La source allemande n'est pas aussi catégorique : elle parle de 18 % des garçons de 16 et 17 ans interrogés qui auraient eu au moins UNE relation homosexuelle, pas DES activités homosexuelles. De là à passer à une affirmation sur l'orientation sexuelle de ces jeunes, il y a un pas ! En allemand : « Von den sechzehn- und siebzehnjährigen Jungen, die durch unser Institut 1970 interviewt worden waren, gaben noch achtzehn Prozent an, schon EINMAL Sex mit einem Jungen gehabt zu haben; 1990 berichten nur noch zwei Prozent über solche Erfahrungen. » Notons, en outre, que l'auteur de cette étude, Gunter Schmidt, a été critiqué pour sa bienveillance envers la pédérastie : « there are successful pedophile relationships which help and encourage the child »]

Les bases biologiques du plaisir sexuel

D’une manière générale, c’est la sexualité humaine qui est totalement « désacralisée » au fil des pages. La masturbation, martèle Belin, jadis encouragée dans l’Antiquité, n’est devenue un « péché » qu’avec « l’avènement du monothéisme en Occident ». Heureusement, depuis les années 70 elle est à nouveau considérée « comme une activité sexuelle normale » (p. 139). Le même éditeur fait d’ailleurs de cette pratique un critère de puberté ou indicateur de maturité sexuelle (p. 132).

Mais surtout, les nouveaux programmes font dépendre l’activité sexuelle de l’activation du « système de récompense » présent dans le cortex cérébral des primates hominoïdes (chimpanzé, bonobo, homme). Contrairement aux autres mammifères (mouton, rat,…) dont le comportement sexuel est contrôlé essentiellement par les hormones, la sexualité humaine est la résultante d’un circuit de récompense commandé par des aires cérébrales selon le schéma suivant : désir – action – satisfaction.

L’évolution chez l’animal a abouti à une diminution de la dépendance hormonale au profit d’un contrôle cérébral devenu prépondérant chez l’homme. Pour Nathan, « le système de récompense fournit la motivation à notre comportement dans l’attente d’une gratification. Le comportement sexuel est ainsi guidé par la recherche du plaisir attendu » (p. 195). Son collègue Belin cite les propos d’un chercheur en neurosciences et sexologie : « Au cours de l’évolution, l’influence des hormones et des phéromones diminue tandis que l’influence de la cognition et du système de récompense cérébral augmente. Libérées des contraintes hormonales, les activités sexuelles peuvent exister dans de nombreuses situations qui n’ont plus aucun rapport avec la reproduction. Les récompenses cérébrales, perçues comme sensations érotiques intenses, deviendraient le principal facteur à l’origine des activités sexuelles » (p. 137). Pour ce chercheur, le système de récompense présent dans notre cerveau permet un comportement érotique essentiellement fondé sur « la maximalisation du plaisir ».

Dissocier sexualité et procréation

Ce modèle d’explication induit deux conséquences majeures sur le plan anthropologique.

Premièrement, le cortex cérébral étant le support des fonctions cognitives de l’être humain (Nathan, p. 197), elles-mêmes modelées par le contexte culturel et éducatif de la société, l’idéologie du genre est «  validée » sur le plan scientifique dans un raccourci saisissant. Nous adoptons certains comportements stéréotypés parce que notre cerveau a été stimulé depuis la plus petite enfance par des messages véhiculés par la société. Scientifiquement, l’hétérosexualité n’est pas une réalité fondatrice des relations humaines mais la conséquence de l’imprégnation du milieu social sur la composante cognitive de notre cortex.

Les primates hominoïdes et singulièrement l’homme ayant dissocié leur comportement sexuel de la fonction de reproduction, la « maîtrise technique de la procréation » est en quelque sorte un « produit culturel » qui s’inscrit nécessairement dans le cadre explicatif de la théorie de l’évolution. La procréation doit être radicalement désolidarisée de la sexualité. Les droits à la contraception, à l’avortement et à la procréation artificielle sont bien les nouveaux impératifs catégoriques de la (r)évolution culturelle en cours, ceux qui permettront aux individus d’exercer un pouvoir effectif sur leurs corps sans lequel il n’y a pas de remise en cause possible des « valeurs traditionnelles ». N’est-ce pas les « féministes du genre » qui ont forgé dans les années 90 le concept de « santé reproductive » ? Aussi les trois manuels que nous avons pu étudier insistent-ils tous sur l’avortement médicamenteux et la contraception d’urgence – dont la nouvelle pilule du lendemain EllaOne occupe déjà une place de choix –, qui sont autant de moyens de contrôler chimiquement la fonction de reproduction (cf. Nathan, p. 178).

On l’a compris, la théorie du genre comme toute idéologie est particulièrement difficile à réfuter dés lors que l’on en accepte l’axiome de départ. Vous aurez beau accumuler des arguments fondés sur la nature et la raison, vos adversaires vous rétorqueront qu’ils ne sont que la résultante de facteurs culturels, et qu’ils vous semblent d’autant plus évidents qu’ils ont une position hégémonique dans la société.

Le langage de l’amour vrai

Experte en humanité, l’Église a pris la mesure depuis la Conférence de Pékin de la désintégration de l’ordre éthique et politique véhiculé par cette doctrine. Dans un document remarquable signé par celui qui n’était encore que le cardinal Ratzinger, elle nous rappelle que « le masculin et le féminin se révèlent comme faisant ontologiquement partie de la création2 », qu’il existe des « valeurs masculines » et un « génie féminin » sur lesquels s’appuyer pour bâtir la civilisation de l’amour.

Au cours de son allocution du 13 mai devant les membres de l’Institut Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, Benoît XVI a proposé de « conjuguer la théologie du corps avec celle de l’amour » pour redécouvrir la beauté, la bonté et la vérité de la sexualité conjugale. Le Pape a en effet rappelé qu’il y a dans le corps de l’homme et de la femme « un langage qu'ils n'ont pas créé, un eros enraciné dans leur nature, qui les invite à se recevoir mutuellement par le Créateur, pour pouvoir ainsi se donner. (…). La véritable fascination de la sexualité naît de la grandeur de cet horizon qui s'ouvre : la beauté intégrale, l'univers de l'autre personne et du « nous » qui naît dans l'union, la promesse de communion qui se cache, la fécondité nouvelle, le chemin que l'amour ouvre vers Dieu, source de l'amour. L'union en une seule chair se fait alors union de toute la vie, jusqu’à ce que l'homme et la femme deviennent également un seul esprit (…).

Dans cette lumière, ajoute le Saint-Père, la vertu de la chasteté reçoit un nouveau sens. Ce n'est pas un «  non » aux plaisirs et à la joie de la vie, mais le grand « oui » à l'amour comme communication profonde entre les personnes, qui exige temps et respect, comme chemin parcouru ensemble vers la plénitude et comme amour qui devient capable d'engendrer la vie et d'accueillir généreusement la vie nouvelle naissante ». Un discours à dix mille lieues de l’idéologie du genre, mais surtout capable de proposer de manière convaincante aux jeunes qui nous sont confiés le dessein originel de Dieu et la vocation à laquelle ils sont appelés à répondre pour réaliser leur vraie nature d’homme ou de femme.

Vers une objection de conscience ?

Les promoteurs de la théorie du genre n’ont jamais caché vouloir faire de la subversion de l’éducation un axe essentiel de leur combat. Rien de tel pour formater les consciences des jeunes de tout un pays que de contrôler les programmes et les manuels scolaires. L’importance des changements opérés dans les classes de 1re est telle qu’on peut parler sans exagérer d’une « zapatérisation » [du nom du Premier ministre socialiste espagnol] des programmes de l’Éducation nationale. Or, si l’on regarde de l’autre côté des Pyrénées, on s’aperçoit que des dizaines de milliers de familles catholiques avec le soutien appuyé de la Conférence épiscopale espagnole et le concours de juristes compétents se sont d’ores et déjà organisées pour contester les cours obligatoires sur la théorie du genre du gouvernement Zapatero, voire retirer leurs enfants en posant un acte d’objection de conscience. Allons-nous devoir en arriver là en France ?


[1] Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 31 mai 2004.

[2] Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Eglise et dans le monde, 31 mai 2004. Citons également le discours de Benoît XVI aux participants du congrès international « Femme et homme, l’humanum dans son intégralité », 9 février 2008.


Source : Liberté Politique


Voir aussi

Cours à la sexualité — parent québécois obtient une exemption

Les jeunes chimpanzés femelles jouent à la poupée (fait absent des manuels inspirés de la théorie du genre)





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