lundi 10 mars 2014

Et certains prétendent que l'école d'État est neutre...

Lu dans le Point du 6 mars 2014 une critique exaltée du documentaire « La Tour de Babel ». Dans celui-ci, l’on montre de jeunes immigrés qui viennent d’arriver en France. Ils sont Irlandais, Serbes, Brésiliens, Tunisiens, Chinois ou Sénégalais... Pendant un an, Julie Bertuccelli a filmé les échanges, les conflits et les joies de ce groupe de collégiens âgés de 11 à 15 ans, réunis dans une même classe d’accueil pour apprendre le français.

Dans ce petit théâtre du monde s’expriment l’innocence, l’énergie et les contradictions de ces adolescents qui, animés par le même désir de changer de vie, remettraient en cause beaucoup d’idées reçues sur la jeunesse et l’intégration. Ce documentaire qui joue sur les sentiments se veut résolument optimiste.

Selon le Nouvel Obs, la militante réalisatrice Julie Bertuccelli voulait aussi montrer que « cette différence est une grande richesse, surtout aujourd’hui avec tous les discours nauséabonds qu’on entend ».


« Dieu n'est pas dans la classe », de dire la prof comme dernière remarque...

Dans ce creuset miniature, on suit de jeunes gens désireux de « faire un futur en France ». Xin, petite Chinoise mutique en septembre, se montre de plus en plus souriante et épanouie au fil de l’année. Les frictions et les sujets délicats comme la religion ne sont pourtant pas éludés. Les élèves débattent et s’écharpent autour des religions, du big bang et même des extraterrestres.

Mais, selon Le Point, « le doute cartésien finit par l’emporter sur les croyances, et Djenabou peut conclure par un « On ne sait même pas si Dieu il existe ! », preuve que l’école de Jules Ferry a encore un sens. »

En quoi cette école est-elle alors neutre sur le plan des croyances des enfants, si le scepticisme religieux ou l’agnosticisme s’y impose et que par là elle montre que l’école de Jules Ferry a encore un sens ?






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Rémi Brague : « Notre modernité n’ose pas revendiquer ses racines chrétiennes »

Pour le philosophe, notre modernité, dont les idoles se nomment Progrès et Droits de l’homme, n’ose pas revendiquer ses sources chrétiennes. Il s’en explique dans « Modé­rément moderne » (Flam­marion). Rémi Brague est philo­sophe. Membre de l’Institut, il est professeur de philo­sophie médié­vale à l’université de Paris-I.

Pour le journaliste Jérôme Cordelier du Point (27 février 2014), ce livre va secouer. Pour décortiquer les Temps modernes – après avoir étudié l’Antiquité et le Moyen Âge dans deux précédents ouvrages –, le philosophe Rémi Brague agite dans son mélangeur les plus grands concepts qui, parfois, passent dans notre époque désabusée pour des gros mots. Et il ne craint pas d’y mettre des majuscules.

S’affirmant comme chrétien, allant même jusqu’à souligner, longs arguments à l’appui, que « c’est le christianisme qui a inventé la culture », cet intellectuel iconoclaste n’hésite pas à aborder les questions qui fâchent – « La culture supporte-t-elle l’idée de vérité ? » – ni à attaquer des positions établies – le « Comment on écrit l’Histoire », de Paul Veyne, par exemple.

Le philosophe ne comprend pas que la Modernité s’échine à « déconnecter » (mot à la mode) l’Histoire en marche du passé, et l’homme de foi ne se résout pas à ce que l’Europe se soit coupée – du moins en théorie – de ses racines chrétiennes. En maniant son stylo comme un stylet, Brague pourfend quelques manichéismes solidement ancrés dans notre Histoire, en premier lieu l’antagonisme fondateur entre esprit des Lumières et obscurantisme. C’est brillant, provocateur, drôle, parfois de mauvaise foi (sans jeu de mots), mais souvent décapant.


Extraits de « Modérément moderne » :

Les idées modernes sont des idées prémodernes. Seul le nom est nouveau. La Modernité met en œuvre une stratégie pour laquelle la négation est indispensable. Le choix d’une désignation nouvelle correspond au besoin de dissimuler l’origine de ce que l’on emprunte, à la façon dont un receleur maquille une marchandise volée. Les exemples abondent à l’époque dite des Lumières, qui a renommé les vertus chrétiennes traditionnelles.

C’est ainsi que la première vertu théologale de la charité est devenue la « bienfaisance », alors que la seconde, l’espérance, devenait l’« optimisme ». Le nom même de l’Europe, pour désigner non plus une direction ou un espace géographiquement limité, mais une civilisation, permettait surtout de se dispenser de parler de la Chrétienté. Comme exemple clé, on pourrait citer les « droits de l’homme » tant chantés. Les conduites qui violent ces prétendus « droits » et qui, en conséquence, sont dûment et à juste titre clouées au pilori par les déclarations qui les énumèrent, sont, quant au contenu, exactement les mêmes que celles qu’interdisaient le Décalogue ou encore les maîtres de vertu païens de toutes les écoles. La seule différence tient à ce que ces contenus, dont on cherchait jadis l’origine en Dieu ou dans la Nature, sont désormais passés sous le joug de l’« homme ». Cet homme qui a des droits et qui est conscient d’en avoir est donc l’« homme moderne », dont on parle de façon répétée. Au point, parfois, d’en faire un critère : il y a des choses, nous dit-on, que l’homme moderne ne peut plus accepter, les miracles, par exemple. N’y aurait-il pas là quelque outrecuidance ? […]

Les sophismes du progrès

L’esprit public des sociétés occidentales a fait de l’adhésion au progrès le critère du bien, le soupçon de le rejeter ou de s’y opposer devenant le blâme par excellence, capable de discréditer sans appel celui qui en est accusé. En témoigne l’apparition de l’adjectif « progressiste », connoté positivement dans les langues européennes. Il est attesté en anglais dès 1848 et a gagné depuis toutes les autres langues. L’adjectif a fait florès dans les gauches européennes, où il ne cesse d’être menacé par des adversaires toujours renouvelés (« conser­vateur », « réaction­naire », « intégriste », « fonda­men­taliste ») et toujours pourfendus. On oublie trop souvent la version hitlérienne de l’idée de progrès. L’élimination des juifs planifiée par l’État national-socialiste avait pour but, elle aussi, selon ce que déclare très explicitement « Mein Kampf », d’écarter un obstacle à un progrès conçu non plus comme social, mais comme racial.

L’allemand de Hitler est très laid, mais il me faut ici traduire ces passages trop peu connus : « L’homme qui méconnaît les lois de la race et qui les méprise se prive vraiment du bonheur qui lui semble destiné. Il empêche la marche victorieuse de la meilleure race et aussi, de ce fait, la condition préalable de tout progrès humain. » En revanche, « l’Aryen fournit les imposantes pierres et les plans pour tout progrès humain ». Quand il dégénère en se mêlant aux races inférieures, « de même que le conquérant effectif et intellectuel s’est perdu dans le sang des [peuples] soumis, c’est aussi le combustible pour le flambeau du progrès de la civilisation (Kultur­fort­schritt) humaine qui se perdit ». Quant au juif, « ce n’est pas grâce à lui qu’a lieu un quelconque progrès de l’humanité, mais malgré lui ».

Cette bouillie verbale et mentale a au moins le mérite de montrer que l’idée de progrès, et de progrès de la civilisation, se laisse aussi mettre au service du crime. […] Le christianisme, héritier de l’Ancien Testament, a introduit dans la conscience occidentale la représentation biblique d’une histoire non plus cyclique, mais linéaire, tendue entre une origine et un accomplissement. C’est pourtant seulement avec la Modernité que l’idée de progrès s’enracine dans la conscience européenne. Elle s’installe d’abord à la suite de faits incontestables comme les Grandes Découvertes, rendues possibles par certaines inventions décisives. La liste de ces conquêtes, comme la boussole, l’imprimerie et même la poudre à canon, revient sans cesse sous la plume des écrivains de cette époque, à partir de Francis Bacon. Au siècle des Lumières, l’idée de progrès apparaît dans toute sa netteté et désormais privée des représentations qui la nuançaient encore. Là aussi, c’est un fait très réel, une victoire spectaculaire de la science, l’astrophysique newtonienne, qui lui donne sa plausibilité. Du fait de l’accroissement des connaissances et des techniques, les Lumières glissent à l’idée d’une amélioration du genre humain quant à la morale et à la civilisation. Une vision de l’Histoire animée d’un mouvement quasi spontané vers le meilleur se met en place à partir du milieu du XVIIIe siècle avec Turgot (1750) puis Condorcet (1794) […] Au début du XIXe siècle, et jusqu’à la ligne de partage des eaux que je vais dire, le progrès devient l’objet d’une croyance, d’une sorte de religion. Ainsi, le positivisme d’Auguste Comte fait du progrès le « dogme vraiment fondamental de la sagesse humaine, soit pratique, soit théorique ».

Une étape capitale est franchie au milieu du XIXe siècle, avec Darwin. Le progrès est censé devenir un fait constatable, car la théorie de l’évolution fournit une base scientifique. […] En enracinant le progrès dans l’évolution spontanée de la nature, on s’engage dans une dialectique ambiguë. D’une part, on gagne en sûreté : il n’est plus besoin d’espérer, à la limite il suffit d’attendre, même s’il vaut mieux aider l’évolution à accoucher de ce dont elle est grosse en poussant dans la bonne direction, voire en dégageant la route des obstacles qui l’encombraient. Mais, d’autre part, les résultats ne peuvent plus guère être mis au crédit de l’homme, entraîné qu’il est par un courant dont il n’est pas le maître et qui le dépasse. Au point qu’on peut se demander si le fleuve qui vient de plus en amont que lui ne le laissera pas un jour sur le rivage, comme une coquille vide. Nous en sommes là.

L’homme de la rue, que nous sommes tous par une dimension de nous-mêmes, ainsi que les sophistes qui lui vendent leur prêt-à-penser, croient encore au progrès ; les gens qui réfléchissent sont plus prudents.



« Modérément moderne »
par Rémi Brague
paru le 5 mars,
chez Flammarion,
à Paris,
382 pages.
ISBN-13: 978-2081331112



Italie — Pas de bonnes notes, pas de foot

En Italie, certaines écoles ont passé un accord avec les clubs de foot locaux. L’école leur communique les bulletins scolaires et seuls les bons élèves sont sélectionnés pour jouer les matchs. Venue du monde enseignant, l’initiative a séduit les clubs.

Ainsi, l’AS Roma a étendu la pratique à tous ses viviers de jeunes joueurs. Si certains pères persuadés d’avoir un Maradona à la maison ont refusé la sanction, la grande majorité des mères applaudissent. « Non seulement mon fils ne délaisse plus les études pour le foot, mais désormais il travaille mieux que ceux qui ne jouent pas », affirme une maman.

Un viatique pour l’avenir alors que, sur les 300 000 enfants qui jouent au foot dans la péninsule, seulement 7 feront une carrière de footballeur.




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À Sudbury Valley, fais ce qui te plaît !

À l’école Sudbury Valley, dans le Massachusetts, les élèves font ce qu’ils veulent. Certains pêchent à la ligne, d’autres jouent à des jeux vidéo ou font la cuisine. Il n’y a pas de cours, ni devoirs, ni salles de classe. Les élèves, âgés de 4 à 19 ans, peuvent demander à la dizaine d’instructeurs de leur parler d’un sujet. La philosophie de l’école, c’est que les enfants sont curieux de nature et apprennent mieux quand ils le veulent que lorsque l’enseignement est imposé. L’apprentissage de la lecture, par exemple, aura lieu lorsqu’un gamin qui désire faire des gaufres va devoir lire la recette et donc demander une aide.

L’établissement est dirigé par un conseil des élèves qui décide de tout. Près de 80 % des élèves intègrent une université à leur sortie. Trente-cinq écoles se sont créées sur le même modèle, dont 2 en Belgique.

Source : Le Point, 6 mars 2014.




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