dimanche 1 septembre 2024

Mathieu Bock-Côté sur la tentation autoritaire de l'Occident (Angleterre, Brésil, France)

 
Le basculement autoritaire du Royaume-Uni de Mathieu Bock-Côté
 
Il y a quelques semaines à peine, de puissantes émeutes anti-immigration secouaient le Royaume-Uni. À lire la presse internationale, il fallait y voir un soulèvement d’extrême droite, animé par une pulsion raciste. Elles furent assurément le théâtre de gestes absolument condamnables. Les choses étaient pourtant plus complexes. On connaît le point de départ des événements : le massacre de trois jeunes filles par le fils d’un immigré rwandais. Mais la simple mention de ce fait faisait déjà scandale dans le système médiatique britannique, qui préférait présenter le meurtrier comme un Gallois parmi d’autres, puisqu’il était né au pays de Galles. Il fallait y voir un fait divers. On a vite cessé de le mentionner, d’ailleurs, dans la mise en récit des événements.

Le commun des mortels y a pourtant vu, avec raison, une tentative délibérée d’occultation du réel, rappelant le scandale de Telford, en 2018. On avait alors découvert l’existence d’un système d’esclavage sexuel de jeunes filles de la classe ouvrière britannique organisé par un gang pakistanais. La chose était connue depuis longtemps, par la police et par les services sociaux, mais tue, de peur de susciter une accusation de racisme. Ce n’était pas la première fois. Le sort affreux réservé à ces fillettes dévoilait pour plusieurs le lien entre immigration et insécurité.

Ces émeutes ont donc jeté dans la rue des milliers de Britanniques. Le pouvoir travailliste, déstabilisé a voulu les mater, par tous les moyens nécessaires, au point même de faire quasi officiellement alliance avec les milices islamistes rapidement mobilisées auxquelles la police multiplia les gestes de soumission, évoquant le fameux roman de Michel Houellebecq.

Naturellement, toute violence, qu’elle soit contre les biens ou les personnes, est condamnable. Mais le pouvoir ne s’est pas contenté de réprimer les violents, et a trouvé dans cette révolte l’occasion idéale pour renforcer les lois encadrant la liberté d’expression de manière particulièrement liberticide – on parlera sans exagérer de lois de censure. Elles se multiplient partout en Occident.

Le prétexte est toujours le même : le régime diversitaire prétend sauver la démocratie en combattant la « désinformation » et les « propos haineux ». La désinformation est toutefois assimilée à toute remise en question du « narratif officiel » dans les sociétés occidentales contemporaines. Quant aux propos haineux, ils désignent toute critique un tant soit peu articulée du mythe de la diversité heureuse et des revendications formulées en son nom. Pour le faire, on amalgame à des propos authentiquement séditieux des critiques simplement musclées du multiculturalisme.

 

 
Le problème n’était-il pas qu’on puisse exprimer librement de tels propos ? Très rapidement, Elon Musk fut désigné comme le grand coupable des événements. Le réseau social X (anciennement Twitter) fut présenté comme le vecteur virtuel principal de cette révolte anti-immigration. X cause problèmes dans la mesure où il dégage un espace où un contre-récit peut prendre forme, délivré de dominante. Il permet autrement dit une forme de dissidence narrative à grande échelle, favorisant à sa suite une dissidence politique.

La maîtrise des réseaux sociaux, au nom de leur « modération », est devenue grande obsession d’un pouvoir inquiet devant une possible révolte populaire. Le moindre écart de conduite sur les réseaux sociaux doit être sanctionné. On a ainsi vu des Britanniques condamnés pour avoir retweeté un « mème ». Le gouvernement de Keir Starmer a même libéré des places en prison pour faire de la place aux émeutiers et militants des réseaux sociaux qui les auraient soutenus. On peinera à ne pas y voir un retour du délit d’opinion.

Le régime diversitaire ne tolère pas qu’on le contredise. L’opposition à l’immigration massive est assimilée au racisme, et il faudrait se montrer intraitable avec elle, mais le racisme antiblanc, lui, n’existerait pas – on ne saurait donc le sanctionner. La délinquance conquérante n’existerait pas non plus : en parler relèverait de la désinformation et il faudrait censurer sans la moindre hésitation ceux qui prétendraient le contraire. Tout comme ceux parlant de la submersion migratoire : ne propageraient-ils pas à la fois une théorie conspirationniste et des propos haineux ? La censure devient ici l’expression achevée d’une démocratie nettoyée de ses scories.

C’est paradoxalement au nom de l’état de droit que se met en place un régime autoritaire résolu à mater une population en colère, que cette révolte soit électorale, comme on le voit avec la diabolisation des partis populistes, médiatique, comme elle s’exprime sur les réseaux sociaux, ou dans la rue. Partout, on voit ce basculement s’opérer, pour sauver la démocratie contre un peuple hanté, et même possédé, par le démon du populisme, et qu’il faut par tous les moyens neutraliser.


Voir aussi

Robert Reich, ministre américain du Travail sous Obama veut faire arrêter Elon, pense que remettre en question l'intégrité des élections est très dangereux et devrait être interdit.

Il a récemment écrit plusieurs articles dans le journal britannique de gauche The Guardian à cet effet. Il n'hésite pas à invoquer la désinformation russe, trait du complotisme éculé de gauche depuis l'élection de Trump:

« Selon un nouveau rapport du Center for Countering Digital Hate (Centre de lutte contre la haine numérique), M. Musk a lui-même publié 50 fausses déclarations électorales sur X depuis le début de l'année. Elles ont été vues au total 1,2 milliard de fois. Aucune d'entre elles n'a fait l'objet d'une « note de la communauté » de la part du supposé système de vérification des faits de X.

Il est de plus en plus évident que la Russie et d'autres agents étrangers utilisent X pour perturber la course à la présidence de cette année, vraisemblablement en faveur de Trump. Musk n'a pas fait grand-chose pour les arrêter. »
Évidemment, Robert Reich s'est rendu coupable de désinformation lui-même. Par exemple dans ce tweet où il invente une marge de profits astronomiques d'une chaîne de grande distribution américaine (Kroger). Sous-texte : l'inflation n'est pas due à l'impression massive d'argent (la dette exorbitante des États-Unis) mais à la « cupidité des entreprises ». Il a été repris par une « note de la communauté » sur X qui rappelle les faits.


Robert Reich considère donc que remettre en cause l'intégrité des élections est très dangereux « pour la démocratie » et ce genre de discours devrait être interdit.

À moins, bien sûr, que Robert Reich ne suggère comme en 2018 (vidéo ci-dessous) que la Russie, avec l'aide des républicains, trafique les machines à voter. Ces inquiétudes-là étaient parfaitement légitimes... et en rien complotistes. Bien que jamais prouvées bien sûr.

 
 
 
 
 
 
 
 

Aucun commentaire: