lundi 3 décembre 2018

Pacte de Marrakech : subventionner les médias selon leur attitude vis-à-vis de l’immigration ?

Le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » doit être signé à l’occasion de la conférence de Marrakech, les 10 et 11 décembre, sous l’égide de l’ONU. Mais la liste des désistements s’allonge de jour en jour. Contrairement à de nombreux pays européens, au Canada cette future signature ne fait pas débat dans les grands médias.

Selon l’AFP, le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, doit signer le Pacte mondial pour les migrations en décembre lors d’un sommet à Marrakech au Maroc. Le premier ministre Justin Trudeau a réitéré, à la Chambre des communes, le 21 novembre dernier, que le [gouvernement du] Canada ne se retirera pas du pacte, se disant convaincu « qu’il faut accroître l’immigration et accepter plus de "réfugiés" de partout au monde »...

L’AFP qui se veut rassurante caractérise ainsi le Pacte migratoire : il s’agit d’« un accord non contraignant qui vise à réguler les flux migratoires entre les nations de l’ONU et ne peut légalement rien imposer à ses signataires ».

Comme pour désamorcer toute contestation l’AFP et les grands médias insistent sur le « non contraignant ». Mais pourquoi signer un pacte si ce n’est pour l’utiliser afin d’interpréter des décisions ultérieures du gouvernement en s’y référant ? On peut également imaginer qu’à l’occasion de certains contentieux, devant des juridictions internationales ou nationales, des avocats utilisent ce pacte comme instrument de référence pour essayer d’orienter l’interprétation à donner à des décisions.

Le point 17 du Pacte à l’égard du débat public est inquiétant et il pourrait bien servir de justification à une immixtion grandissante de l’État dans ce débat public.

Le pacte de Marrakech prône ainsi « l’élimination de toutes les formes de discrimination, dont le racisme, la xénophobie et l’intolérance, à l’endroit des migrants et de leur famille », et s’attache à « promouvoir une information indépendante, objective et de qualité, y compris sur Internet, notamment en sensibilisant les professionnels des médias aux questions de migrations ». Indépendante grâce à une sensibilisation gouvernementale ?

Ce point encourage également la lutte contre les discriminations à l’égard des migrants « en cessant d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie et le racisme », tout en garantissant — un peu hypocritement — « le plein respect de la liberté de la presse ». Or, au Canada, le Premier Ministre Trudeau a déjà montré qu’il fait peu de différence entre la critique de l’immigration — irrégulière de surcroît ! — et la xénophobie... Se rappeler Justin Trudeau sermonnant une Beauceronne lui demandant quand le fédéral paierait les frais toujours non remboursés au début novembre 2018 liés à l’immigration « irrégulière » invitée par Trudeau (« vos immigrants ») : « Cette intolérance par rapport aux immigrants n’a pas sa place au Canada. Cette intolérance par rapport à la diversité vous n’avez pas votre place ici ! [...] Votre intolérance n’a pas sa place ici. »





Le gouvernement pourrait donc se voir justifier de couper les subventions aux médias critiques en matière d’immigration et n’aider que ceux qui y sont activement favorables. Rappelons que les médias sont extrêmement dépendants du bon vouloir gouvernemental en la matière : Radio-Canada ne vit quasiment que de subventions de l’État alors que la presse privée traditionnelle, fortement concurrencée notamment par Radio-Canada, périclite et se voyait récemment offrir un ballon d’oxygène de 595 millions par l’État. Le Parti conservateur du Canada voit d’un mauvais œil l’aide annoncée aux médias, craignant que les libéraux tentent de mettre les journalistes à leur solde en pleine année électorale.


Invitation de Justin Trudeau aux candidats immigrants de la Terre entière

Ailleurs dans le monde, la grogne monte autour de la signature de ce Pacte. Le gouvernement belge pourrait au mieux ne pas signer le pacte (le parlement le ferait sans doute) ou pire tomber si le Premier ministre Michel se rend à Marrakech contre l’avis de la puissante N-VA flamande. Les États-Unis, l’Italie, la Hongrie, puis l’Australie, la République tchèque, Israël, la Pologne, l’Autriche, la Bulgarie, la Slovaquie ont fait savoir qu’ils ne signeraient pas le Pacte de Marrakech.
Campagne choc de la N-VA (droite) flamande : « le Pacte des migrations de l’ONU = le séjour illégal n’est plus punissable »


Le Parlement allemand a voté une motion selon laquelle le Pacte ne peut pas empiéter sur le droit allemand. Mais cela ne fait pas pourtant cesser les critiques à l’encontre de la signature de ce Pacte. La décision du Bundestag pourrait, de l’avis de Frank Schorkopf (48 ans), spécialiste de droit international de Göttingen être réduite à néant par le principe de la « responsabilité commune » fixé dans le pacte. C’est ce qu’il a déclaré à l’hebdomadaire Der Spiegel. Sur la radio Deutschlandfunk, Reinhard Merkel, spécialiste du droit public à Hambourg, reproche au gouvernement fédéral « une tromperie suggestive ». Le pacte « déclenchera un certain appel d’air » et « renforcera nettement la migration venant des États pauvres vers les États riches », « venant surtout d’Afrique. […] Nous allons subir de nouvelles vagues migratoires. » L’espoir que le pacte fasse baisser la pression migratoire est naïf, a déclaré Reinhard Merkel. « L’accord aura très certainement des conséquences en droit international. On convient d’objectifs. La façon dont ces objectifs sont mis en œuvre reste l’affaire des États. Mais il est convenu qu’ils doivent être mis en œuvre, et ce de façon vraiment obligatoire sur le plan juridique. » Matthias Herdegen, spécialiste de droit international à Bonn, qui avait également au début posé sa candidature à la présidence de la CDU, déclare dans le journal Die Welt : « Ce n’est pas un pacte sur les migrations, c’est un pacte mondial pour les migrations. » D’après Herdegen, « nous nous dirigeons vers un droit à l’immigration ». « Le Haut-Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme parle d’ailleurs déjà d’un tel droit. » Enfin, comme le rapporte le Bild, Jan Henrik Klement, 43 ans, spécialiste de droit public à l’université de Mannheim, attire l’attention sur les conséquences à long terme du Pacte de l’ONU sur les migrations. Il nous déclare : « Le fait que le pacte ne soit pas juridiquement contraignant ne signifie pas qu’il restera sans effet. Si l’Allemagne veut respecter ses engagements politiques, les contenus du pacte devront se traduire dans l’action du gouvernement et de l’administration. Cela peut par exemple prendre la forme de dispositions administratives. Il y a de nombreux exemples de transposition dans le droit dur de ce que l’on appelle le “droit souple” [ou “droit mou”]. Il existe des mécanismes politiques pour la mise en œuvre du Pacte. On le voit nettement en particulier dans la mise en place prévue dans le projet d’un “Forum de contrôle des migrations internationales” de l’assemblée générale de l’ONU. »

Pour Alexandre del Valle dans Valeurs actuelles, le Pacte vise en fait à favoriser une immigration extraeuropéenne massive, tant légale qu’illégale (les deux étant confondues de façon perverse), que les pays d’accueils européens sont sommés d’accepter et d’organiser sous peine d’être qualifiés de « racistes » et « xénophobes ». Les Républicains (centre-droit) de France s’opposent à la signature du pacte migratoire de l’ONU et dénoncent un texte « néfaste » qui instaure un « droit à l’immigration ». Le député de centre-droit des Alpes-Maritimes Eric Ciotti estime ainsi que « le pacte sur les migrations de l’ONU représente la pire réponse aux crises migratoires » et que c’est un texte « néfaste » qui « instaurera un appel d’air mondial et une forme de droit international à la migration ». « Au nom de l’intérêt de l’État et de sa souveraineté, j’appelle Emmanuel Macron à refuser de signer ce pacte », conclut Eric Ciotti.

Alexandre del Valle poursuit :
Outre la mise en place de « campagnes d’information », de sites internet et de procédures d’information avant le départ et dès l’arrivée du « migrant », les États d’accueil doivent fournir à ce dernier des renseignements détaillés sur les formalités à remplir, les conditions de vie et les outils juridiques en vigueur et bien sûr garantir l’accès aux soins de santé, la justice et au marché du travail, mesures déjà en vigueur en France d’ailleurs, où la seule aide aux migrants irréguliers « mineurs non accompagnés » (souvent faux mineurs d’ailleurs), coûte déjà deux milliards par an. D’évidence, le Pacte est bel et bien un projet de facilitation massive de la « migration », ou plutôt de « l’immigration », régulière comme irrégulière. Les « campagnes plurilingues » qui « doivent » donner l’état des conditions de vie dans chaque pays d’accueil potentiel sont par ailleurs la porte ouverte au magasinage migratoire. De même, les procédures de « réunification familiale » — un « droit » du migrant et qui faciliterait son inclusion dans sa société d’accueil ! — doivent selon les rédacteurs du Pacte être simplifiées et accélérées.

À nouveau, le Pacte ne parle du « migrant » que comme entité générique dépourvue de culture, d’identité voire d’origines, comme bénéficiaire de principe de « droits » qu’il revient au pays hôte de « protéger ». Entre un Nigérian, qui peut avoir en moyenne 6 enfants et dont la culture familiale induit des liens très forts sur plusieurs générations, et le Suisse (moins de deux enfants par femme), le Pacte ne fait pas de différence. Quoique très précis sur les mesures concrètes à prendre vis-à-vis du migrant, le document est d’une abstraction confondante sur le comment du financement, l’impact sur les pays concernés, ou tout simplement les circonstances de telles mesures.

Lorsqu’il s’agit de faire « participer » le secteur privé et les employeurs à l’inclusion des migrants — notamment en permettant la formation « sur le terrain », des cours de langue ciblant l’occupation professionnelle, la reconnaissance de compétences obtenues autrement que par le diplôme — les Nations Unies semblent avoir balayé d’un revers de main la situation économique et la réalité du marché du travail de la vaste majorité de ses membres. La France compte en effet 5 649 600 demandeurs d’emploi, l’Espagne plus de dix millions. Les prérequis incombant aux jeunes européens sont de plus en plus exigeants, notamment en termes de compétences en langues étrangères (rappelons qu’à Bruxelles il est fréquent que le candidat doive connaître trois langues), pourtant, le Pacte demande que la « maîtrise de la langue » soit revue à la baisse afin de magiquement « faciliter l’emploi des migrants »...

Appel à la censure et « rééducation » de l’Occidental rempli de préjugés anti-immigration


Le Global Compact est un « tout pour l’autre » vertigineux, où les mesures éminemment concrètes à l’égard des migrants forment un contraste saisissant avec la simple « considération » accordée aux inquiétudes « légitimes » des États et communautés d’accueil. Le citoyen sera donc heureux de savoir que les Nations Unies ont constaté son « désarroi », mais le Pacte lui rappelle benoîtement que la migration est avant tout un « avantage » et, au pire, un « défi ». C’est d’ailleurs en ces termes que le Pacte déclare que l’accès à une information « objective, factuelle et claire sur les avantages et les défis de la migration » doit être fourni à tous, afin de « dissiper les discours qui génèrent une perception négative des migrants ». L’objectif n° 16 du Pacte global est de « donner les moyens aux migrants et sociétés de réaliser une inclusion et cohésion sociale complètes », et c’est à ce titre qu’il s’agit de promouvoir le reportage éthique sur le sujet des migrants. Passant sans vergogne du devoir d’objectivité à la nécessité de dissiper le négatif, le Pacte enjoint les signataires à mettre en lumière les « contributions positives » des migrants.

L’active participation des médias est requise dans cette vaste entreprise de positivisme forcené, notamment en formant et sensibilisant les professionnels des médias aux problématiques et à la terminologie liées à la migration. Ceux qui feraient montre d’intolérance, de xénophobie, de racisme et toute autre forme de discrimination à l’égard des migrants verraient leurs subsides se tarir. La même vigilance serait de mise en période électorale, ce qui laisse à penser que le Pacte Global vise à interdire l’immigration comme sujet politique ! Autorités publiques et médias seraient ainsi soumis à des mécanismes spécifiquement mis en place pour protéger le migrant — ce qui laisse à penser que pour les Nations Unies, les nationaux d’un pays sont nécessairement hostiles aux nouveaux venus, et que la culture nationale ne vaut pas la peine, elle, d’être protégée, promue, ou « mise en lumière ». Avec des activités culturelles (sport, musique, les arts, festivals culinaires, volontariat et autres événements sociaux), le Pacte entend faciliter (décidément le mot-clé de cet accord) la compréhension et l’appréciation mutuelles des cultures migrantes et celles des communautés de destination.

Tout comme en France la protection des minorités évacue l’antisémitisme musulman (ciblant pourtant une « minorité »), l’élan humaniste et gestionnaire du Pacte Global se préoccupe du migrant dont les droits doivent être protégés des assauts que lui porterait nécessairement la communauté d’accueil. La culture du migrant doit d’ailleurs être « incluse », « acceptée », « appréciée », « mise en lumière », par les autochtones, dont la culture d’accueil est censée tout absorber, en s’adaptant au besoin jusqu’à la distorsion à « l’Autre » appelé à être considéré comme le « Même ». C’est jusque dans les soins de santé que le Pacte entend faire subir cette adaptation culturelle et économique : il s’agit en effet « d’incorporer les besoins de santé des migrants aux politiques de soins de santé nationale et locales » et ce, notamment, en réduisant les barrières de communication... y compris culturelles, en sensibilisant les fournisseurs de soins de santé aux cultures diverses. La disruption générée dans les hôpitaux occidentaux, où médecins masculins ne peuvent ausculter nombre de patientes musulmanes sans un tiers mâle présent par exemple, ne serait dans cette optique à sens unique que le fruit d’un manque d’acceptation par la culture arrivante de la culture d’accueil, et ce problème est évacué au profit d’un discours d’intégration où c’est la communauté d’accueil qui doit absolument « intégrer ».

Le texte du Pacte



Version française PDF hébergée par la Commission fédérale des migrations CFM suisse.



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