mercredi 21 novembre 2007

La coalition Stoppons la réforme réclame un moratoire

La coalition Stoppons la réforme appelle la ministre de l'Education, Michelle Courchesne, à décréter un moratoire sur la réforme de l'éducation afin d'apporter des correctifs jugés urgents et nécessaires à l'apprentissage des élèves québécois.

Cette coalition, qui dit regrouper 7 000 personnes, réclame aussi l'appui de tous les partis politiques du Québec dans cette démarche afin trouver des solutions au déficit croissant du niveau de connaissances des élèves.

« Le constat est cruel. Les élèves de la réforme qui ont été promus au secondaire n'ont pas les connaissances requises, dans de nombreuses disciplines. Nous devons toutes et tous mettre l'épaule à la roue et trouver rapidement des solutions pour endiguer ce problème qui ne pourra aller qu'en s'aggravant. Nous, les enseignantes et enseignants affiliés à la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), allons proposer prochainement des pistes visant à corriger cette réforme. Il faut sans plus tarder remettre l'école sur ses rails. Les partenaires de la Coalition feront de même. Nous souhaitons donc que tous les partis politiques prennent le parti de l'éducation et de l'instruction en donnant leur aval à un moratoire pour prendre le temps de corriger la situation, » d'affirmer Pierre St-Germain, président de la FAE.

Le moratoire que réclame la Coalition porte sur les points suivants :
  • — l'implantation des nouveaux programmes de la réforme en 4e et 5e secondaires ainsi qu'à l'éducation des adultes;
  • — le développement de nouveaux manuels ou de matériel pédagogique en lien avec l'actuelle réforme;
  • — l'offre de perfectionnement principalement centrée sur l'approche socioconstructiviste afin de l'axer sur les méthodes d'enseignement et les connaissances à enseigner;
  • — les programmes universitaires de formation des maîtres.
« Il faut, même dès aujourd'hui, décréter le moratoire sur les programmes universitaires de formation en éducation. Aux dires de nombreux enseignants eux-mêmes, il est urgent de procéder à une révision en profondeur des programmes universitaires en formation des maîtres qui accordent trop peu de place aux savoirs disciplinaires. Le "modèle unique" de formation à l'enseignement, centré sur 12 compétences attendues et imposées par le MELS à toutes les universités québécoises, révèle des lacunes évidentes : il fait partie des problèmes que nous connaissons actuellement. Comment peut-on espérer former des enseignants "cultivés" et "qualifiés" en se contentant de les préparer à devenir de simples "accompagnateurs" d'élèves qui "construisent" eux-mêmes leurs connaissances ? En termes clairs, il est essentiel de revenir à un meilleur équilibre entre les connaissances de base et les savoirs techniques. Faut-il rappeler que pour enseigner une matière, quelle qu'elle soit, il faut bien la connaître, » de poursuivre M. Gérald Boutin, professeur à l'UQAM au département d'éducation et de formation spécialisées et, jusqu'à tout récemment, directeur de la formation pratique à cette même institution.

Le nouveau bulletin (le 5e en 7 ans), avec ses notes en pourcentages, ses moyennes de groupe, de même que la réintroduction de l'échec et du redoublement n'ont pas réglé les problèmes fondamentaux de la réforme de l'éducation. En 1996, la Commission des États généraux sur l'éducation a recommandé de mettre l'accent sur les matières de base au primaire et au secondaire et de viser l'égalité des chances pour tous les élèves. « On se rend compte aujourd'hui que le fait d'augmenter le temps alloué au français ou à l'histoire n'a pas donné les résultats escomptés. En plaçant en priorité le développement des compétences au détriment de l'acquisition des connaissances, toutes ces heures supplémentaires n'ont pas servi à l'enseignement des règles de base et à la maîtrise du contenu disciplinaire. Comme parent, je souhaite que l'on place en priorité l'enseignement de la matière et son évaluation et, par la suite, que l'on vérifie si les élèves peuvent l'appliquer en élaborant des projets, » de constater Mme Sonia Saumier, parent de quatre enfants et porte-parole de la première heure de la Coalition.

M. Robert Comeau, professeur associé au département d'histoire de l'UQAM et directeur de la revue Bulletin d'histoire politique, s'inquiète également de cette approche par compétences qui affecte toutes les disciplines. « Le programme d'histoire et d'éducation à la citoyenneté des 3e et 4e secondaires ont provoqué un tollé il y a deux ans. Le ministère de l'Éducation ne semble pas avoir compris le message puisqu'il s'apprête à récidiver avec les programmes de 5e secondaire en occultant de grands pans de l'histoire contemporaine sous prétexte qu'à l'heure d'Internet, les élèves n'ont plus besoin de cours d'histoire sur les grands phénomènes du XXe siècle. Comme si on pouvait se faire une opinion sur les enjeux actuels sans avoir des connaissances historiques du XXe siècle. Il faut que ça cesse! L'école doit d'abord nous permettre d'apprendre et d'élever notre niveau de connaissances. Une fois la connaissance acquise, le temps viendra "plus tôt que plus tard" pour les élèves de mettre en pratique leurs connaissances, » de commenter M. Comeau, membre du conseil d'administration de la Société des professeurs d'histoire du Québec (SPHQ).

Les porte-parole de la Coalition soutiennent que le rôle de l'école n'est pas de faire en sorte que chaque enfant reconstruise des connaissances qui ont pris des siècles à se développer, mais au contraire de transmettre ces connaissances qui font désormais partie de la culture universelle pour que les nouvelles générations puissent aller plus loin en construisant de nouvelles connaissances. « La France et la Suisse ont compris que le développement des compétences et le socioconstructivisme n'étaient pas l'apanage d'un système éducatif qui vise l'instruction et l'égalité des chances de réussite de tous les élèves. Les Français reviennent dès l'an prochain à un apprentissage systématique de la lecture sur la base de méthodes qui ont fait leurs preuves. Nous devons nous inspirer d'eux, » de conclure Pierre St-Germain.