La Maison Blanche a publié le 4 décembre un document intitulé National Security Strategy of the United States of America (novembre 2025). Il s'agit d'un fichier PDF officiel de 33 pages, disponible publiquement sur le site de la Maison Blanche. Ce document expose les priorités de l'administration Trump pour la politique étrangère et la sécurité nationale, en mettant l'accent sur une approche "America First" (Les États-Unis d'abord) qui se veut pragmatique, un recentrage sur l'hémisphère occidental (les Amériques), et des critiques acerbes envers les alliés européens.
Ce texte marque un virage isolationniste et transactionnel par rapport aux stratégies précédentes (y compris celle de Trump en 2017), et il a suscité des réactions vives en Europe. Voici un décryptage des thèmes principaux, qui mêlent rejet de l'hégémonie globale, promotion d'un conservatisme social et une rhétorique lucide sur la démographie et l'immigration.
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| Les critiques contre l'Europe ont été fraîchement accueillies dans les médias traditionnels (subventionnés) en Europe |
Un abandon du rôle de "gendarme du monde"
Le document rejette explicitement l'hégémonie globale post-Guerre froide, qualifiée d'"indésirable et impossible". Il prône un "corollaire Trump" à la Doctrine Monroe, recentrant les efforts militaires sur l'hémisphère occidental pour contrer la migration, les cartels et l'influence chinoise en Amérique latine.
Le texte énonce que « Tous les pays, toutes les régions, toutes les questions ou toutes les causes, aussi louables soient-elles, ne peuvent pas être au centre de la stratégie américaine. L'objectif de la politique étrangère est la protection des intérêts nationaux fondamentaux ; c'est le seul objectif de cette stratégie.
Les stratégies américaines depuis la fin de la guerre froide ont échoué : elles se sont résumées à des listes de vœux pieux ou d'objectifs souhaités ; elles n'ont pas clairement défini ce que nous voulons, mais ont plutôt énoncé des banalités vagues ; et elles ont souvent mal évalué ce que nous devrions vouloir.
Après la fin de la guerre froide, les décideurs de la politique étrangère américaine se sont convaincus que la domination permanente des États-Unis sur le monde entier était dans l'intérêt supérieur de notre pays. Pourtant, les affaires des autres pays ne nous concernent que si leurs activités menacent directement nos intérêts.»
Fierté nationale et promotion des familles "traditionnelles"
Le renouveau patriotique et interne est au cœur du document, avec un appel à une "renaissance américaine" via la réindustrialisation (de 30 000 à 40 000 milliards de dollars d'ici les années 2030), la fin de la "discrimination positive" (affirmative action), et une sécurité des frontières comme "élément principal de la sécurité nationale", y compris l'usage de force létale contre les cartels.
Le document insiste sur un retour aux valeurs fondamentales :
« Nous voulons une Amérique qui chérit ses gloires passées et ses héros, et qui aspire à un nouvel âge d'or. Nous voulons un peuple fier, heureux et optimiste, convaincu qu'il laissera à la prochaine génération un pays meilleur que celui qu'il a trouvé. Nous voulons des citoyens qui ont un emploi rémunérateur, sans que personne ne soit laissé pour compte, et qui tirent satisfaction de savoir que leur travail est essentiel à la prospérité de notre nation et au bien-être des individus et des familles. Cela ne peut se faire sans un nombre croissant de familles traditionnelles solides qui élèvent des enfants en bonne santé. »
La primauté des nations souveraines
Dans une vision résolument anti-globaliste, le document affirme la centralité de l'État-nation. Il affirme:
« L'unité politique fondamentale du monde est et restera l'État-nation. Il est naturel et juste que toutes les nations accordent la priorité à leurs intérêts et préservent leur souveraineté. Le monde fonctionne mieux lorsque les nations accordent la priorité à leurs intérêts. Les États-Unis accorderont la priorité à leurs propres intérêts et, dans leurs relations avec les autres nations, les encourageront à faire de même.
Nous défendons les droits souverains des nations, Nous défendons les droits souverains des nations, nous nous opposons aux incursions des organisations transnationales les plus intrusives qui sapent la souveraineté, et nous sommes favorables à la réforme de ces institutions afin qu'elles soutiennent plutôt qu'elles n'entravent la souveraineté individuelle et qu'elles favorisent les intérêts américains. »
La discrimination positive, une "idéologie radicale" à combattre
La méritocratie est érigée en pilier de la prospérité américaine, avec une attaque frontale contre les politiques d'égalité raciale:
« La prospérité et la sécurité des États-Unis dépendent du développement et de la promotion des compétences. La compétence et le mérite comptent parmi les plus grands atouts de notre civilisation : lorsque les meilleurs Américains sont embauchés, promus et honorés, l'innovation et la prospérité suivent. Si la compétence était détruite ou systématiquement découragée, les systèmes complexes que nous tenons pour acquis – des infrastructures à la sécurité nationale en passant par l'éducation et la recherche – cesseraient de fonctionner. Si le mérite était étouffé, les avantages historiques des États-Unis dans les domaines de la science, de la technologie, de l'industrie, de la défense et de l'innovation s'évaporeraient. Le succès des idéologies radicales qui cherchent à remplacer la compétence et le mérite par le statut de groupe favorisé rendrait l'Amérique méconnaissable et incapable de se défendre. Dans le même temps, nous ne pouvons pas permettre que la méritocratie soit utilisée comme justification pour ouvrir le marché du travail américain au monde entier au nom de la recherche de « talents mondiaux » qui sapent les travailleurs américains. Dans chacun de nos principes et de nos actions, l'Amérique et les Américains doivent toujours passer en premier.
"L'ère de la migration de masse doit prendre fin"
L'immigration de masse est présentée comme une menace existentielle, liée à la sécurité nationale:
« Dans tous les pays du monde, les migrations massives ont mis à rude épreuve les ressources nationales, accru la violence et la criminalité, affaibli la cohésion sociale, faussé les marchés du travail et compromis la sécurité nationale. L'ère des migrations massives doit prendre fin. La sécurité des frontières est l'élément primordial de la sécurité nationale. Nous devons protéger notre pays contre les invasions, non seulement contre les migrations incontrôlées, mais aussi contre les menaces transfrontalières telles que le terrorisme, le trafic de drogue, l'espionnage et la traite des êtres humains. Une frontière contrôlée par la volonté du peuple américain et mise en œuvre par son gouvernement est fondamentale pour la survie des États-Unis en tant que république souveraine. »
Équilibre (ou endiguement ?) avec le rival chinois : statu quo à Taïwan
Sur le front asiatique, l'approche est pragmatique : équilibre avec la Chine via une dissuasion sur Taïwan sans découplage total.
« Étant donné qu’un tiers du trafic maritime mondial transite chaque année par la mer de Chine méridionale, cela a des implications majeures pour l'économie américaine. Il est donc prioritaire de dissuader tout conflit autour de Taïwan, idéalement en préservant la supériorité militaire. Nous maintiendrons également notre politique déclaratoire de longue date sur Taïwan, ce qui signifie que les États-Unis ne soutiennent aucun changement unilatéral du statu quo dans le détroit de Taïwan.
Nous construirons une armée capable de contrer toute agression n’importe où dans la première chaîne d'îles. Mais […] nos alliés doivent se mobiliser et dépenser – et surtout agir – beaucoup plus pour la défense collective. »
La "décadence" de l'Union européenne
Les critiques les plus vives visent l'Europe, décrite comme en "déclin civilisationnel":
« L'Europe continentale a perdu des parts du PIB mondial, passant de 25 % en 1990 à 14 % aujourd'hui, en partie à cause des réglementations nationales et transnationales qui sapent la créativité et l'ardeur au travail.
Mais ce déclin économique est éclipsé par la perspective réelle et plus sombre d'un effacement civilisationnel. Parmi les problèmes majeurs auxquels l'Europe est confrontée, citons les activités de l'Union européenne et d'autres organismes transnationaux qui sapent la liberté politique et la souveraineté, les politiques migratoires qui transforment le continent et créent des conflits, la censure de la liberté d'expression et la répression de l'opposition politique, l'effondrement des taux de natalité et la perte des identités nationales et de la confiance en soi.
Si les tendances actuelles se poursuivent, le continent sera méconnaissable d'ici 20 ans, voire moins. Dans ces conditions, il est loin d'être évident que certains pays européens disposeront d'une économie et d'une armée suffisamment solides pour rester des alliés fiables. Bon nombre de ces nations redoublent actuellement d'efforts dans la voie qu'elles ont empruntée. Nous voulons que l'Europe reste européenne, qu'elle retrouve sa confiance en sa civilisation et qu'elle abandonne sa stratégie infructueuse de suffocation réglementaire.»
Analyse géo-stratégique de ce document par le colonel Jacques Baud (officier à la retraite du renseignement suisse)

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