dimanche 16 avril 2023

Damnés travelos lecteurs de contes...

Extraits d'une chronique de Christian Rioux:

On raconte même que la plus célèbre drag queen du théâtre québécois lirait des livres pour enfants dans une bibliothèque perdue entre Candiac et Saint-Constant, prêchant la bonne parole aux petits sans oublier de leur dire de ne pas se bousculer dans les rangs.

Qu’est-il donc arrivé à nos drag queens ? « C’est la mode », ânonnait un animateur de radio qui ne croyait pas si bien dire. Car, le phénomène n’est pas que québécois. Il est mondial. Il n’y a pas qu’à Sainte-Catherine que les « grandes folles » se sont recyclées dans le « conte » pour enfants. Chez l’Oncle Sam, il y a longtemps que la Duchesse de Langeais a troqué les ors de la scène pour les réfectoires de garderies afin de prêcher la bonne parole genrée.  

Selon le Times, sur l’île britannique de Man, une drag queen aurait expliqué à des enfants de 11 et 12 ans qu’il y avait 73 « genres » — pas un de plus, pas un de moins — et surtout comment on pouvait prélever à une fille un bout de peau pour lui fabriquer un pénis.

Lorsqu’il s’agit d’imiter les États-Unis, la France n’est jamais en reste. On a donc vu des drag queens dans une bibliothèque près de Rennes présenter, en partenariat avec le ministère de la Culture, un spectacle intitulé Uniques en son genre. À Paris, dans le XIIIe arrondissement, près de la Butte-aux-Cailles, un atelier de lecture en a invité une comme oratrice. À Bordeaux, dans le cadre du mois de la petite enfance sur l’égalité filles-garçons, l’une d’elles a organisé un atelier de « maquillage sensoriel » pour enfants de 18 mois à 4 ans. Même chose à Toulouse, où Shanna Banana et Brandy Snap ont lu des livres dans un centre pour jeunes du quartier Saint-Cyprien.

Chaque fois, cela fait évidemment du buzz. Et la presse de s’en étonner… et d’en faire ses choux gras. Comme s’il ne coulait pas de source que ces pseudo-spectacles n’étaient finalement que de médiocres séances de rééducation destinées à propager la plate morale de la théorie du genre. L’opération ne trompe personne. À quand des strip-teaseuses et des gogo boys pour apprendre aux enfants à se brosser les dents ?

Autrefois maîtresses de la subversion qui se riaient des genres et de l’ambivalence sexuelle, voilà nos drag queens transformées en tristes commissaires de la bonne parole genrée. Voilà l’« interdit d’interdire » métamorphosé en « fais-pas-ci-fais-pas-ça… et n’oublie pas de te laver les mains ». Quelle triste fin pour celles qui furent les maîtres du quiproquo, du second degré, de l’équivoque et de l’ambiguïté. Mais il faut bien gagner sa vie…

[...]

Étrange phénomène digne d’une époque puritaine qui voit les drag queens coloniser les garderies et la presse culturelle nous faire la morale. Quand la Duchesse de Langeais se prend pour Madame Bec-Sec et Hosanna pour un pasteur de la diversité, c’est peu de dire qu’on a changé d’époque.

« Les enfants doivent être indulgents envers les grandes personnes », me direz-vous avec les mots de Saint-Exupéry. On ne saurait si bien dire. De grâce, rendons leur neutralité aux écoles et aux bibliothèques, leur innocence aux enfants et leur fantaisie aux drag queens. Le mélange des genres n’est pas toujours un succès. Quand l’art dégénère en moraline, ce n’est bon ni pour l’art ni pour la morale


Aucun commentaire: