mercredi 17 janvier 2018

DPJ — Un juge parle d'« un manquement important [aux] devoirs » de la direction

Le fouillis qui régnait dans un dossier de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) Mauricie–Centre-du-Québec, une organisation qui fait l’objet d’une enquête, a excédé un juge au point où il a renvoyé un petit garçon dans sa famille biologique avant même d’en avoir évalué la situation. Elle avait été jugée négligente et violente 12 mois auparavant.

Le magistrat a durement critiqué le service pour « un manquement important à ses devoirs » dans le dossier du garçonnet de 2 ou 3 ans, dont le dossier traînait depuis des mois devant la justice.

Un placement de quatre mois dans une famille d’accueil s’est illégalement transformé en placement de plus d’un an pour l’enfant, alors que les services sociaux se renvoyaient la balle, a dénoncé le juge Bruno Langelier, dans une décision rendue le mois dernier. La loi prévoit que le sort d’un enfant doit être réévalué et fixé au plus 60 jours après la fin d’un placement : dans ce cas, 250 jours s’étaient écoulés - plus de quatre fois le maximum.

Alors que la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec demandait un nouveau report du dossier, le 7 décembre, le magistrat a coupé court au processus en ordonnant le renvoi de l’enfant chez ses parents biologiques. Cette décision pose un risque de « préjudice sérieux », mais est la seule « qui respecte la loi », a-t-il écrit.

Selon une sommité en droit de la famille et de la jeunesse, la situation est « un cafouillage qui démontre une incompétence crasse ».

« Je ne peux pas croire que ça existe au Québec. On lit ça et on se demande si c’est réel tellement c’est absurde », affirme le professeur de droit Alain Roy, de l’Université de Montréal.


La DPJ Mauricie–Centre-du-Québec fait déjà l’objet d’une enquête « systématique » de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse pour des problèmes « préoccupants » dans le traitement des enfants.

« Manquement important à ses devoirs »

Si le dossier du garçonnet a eu de tels retards, c’est en partie parce que la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec croyait que ce cas devait être traité par une autre DPJ — dont elle ne veut pas révéler le nom. La situation semble liée à un déménagement des parents biologiques.

Mais selon le juge Langelier, la DPJ Mauricie–Centre-du-Québec n’a pas pris les moyens nécessaires pour transférer le dossier rapidement si elle jugeait ne plus être concernée. Il a écrit ne pas pouvoir accepter des « désordres » dans le dossier ou « les difficultés administratives » comme argument pour prolonger encore davantage les solutions temporaires appliquées à l’enfant.

« La situation actuelle prive un jeune enfant de sa mère et les parents sont privés de leur enfant depuis si longtemps, et ce, dans un cadre qui ne respecte pas la loi depuis si longtemps », a-t-il écrit, ajoutant que tolérer de nouveaux délais « n’aurait tout simplement aucun sens ».

« La DPJ a des pouvoirs exorbitants qui lui sont attribués par la Loi sur la protection de la jeunesse ; d’avoir agi comme il l’a fait dans la présente situation révèle un manquement important à ses devoirs. »

Parce que la loi ne prévoit pas de sanction pour les DPJ qui font mal leur travail, le professeur Alain Roy craint que le déplacement des enfants ne serve parfois de punition. « Je trouve ça inacceptable qu’on fasse payer l’enfant, que l’enfant en paie le prix », a-t-il dit. Il évoque la possibilité d’insérer dans la loi un autre moyen de punir les services sociaux dans de tels cas.

Mais c’est tout de même l’« incompétence » de la DPJ qui le choque davantage. « Si c’est ça notre système de protection de la jeunesse, il y a de quoi entamer des processus d’enquête », a-t-il dit.

Source : La Presse.

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