samedi 30 novembre 2024

Extension du domaine de l’antiracisme

Chronique de Mathieu Bock-Côté dans le Figaro.

Sous prétexte de sanctionner les propos haineux, discriminatoires ou racistes, on entend en fait empêcher la mise en circulation d’informations ou d’analyses troublant le récit de la diversité heureuse.

Le 27 novembre, Érik Tegnér, le directeur du média Frontières, lançait un appel à l’aide sur 𝕏 (ex-Twitter) en dévoilant la campagne de harcèlement dont il est la cible. Le 11 décembre, il se retrouvera ainsi, à l’initiative de SOS-Racisme , devant la 17e chambre pour avoir accueilli sur sa plateforme Marguerite Stern, qui s’y était inquiété du lien entre l’immigration et l’insécurité . Ce n’était pas la première fois. Sous prétexte de sanctionner les propos haineux, discriminatoires ou racistes, on entend en fait empêcher la mise en circulation d’informations ou d’analyses troublant le récit de la diversité heureuse.

Journalistes, militants, intellectuels ou politiques peuvent ainsi se retrouver devant les tribunaux pour délit d’opinion – c’est la fameuse formule voulant que « le racisme (ne soit) pas une opinion mais un délit », qui s’appuie évidemment sur une définition extravagante et toujours plus étendue du racisme. Il en est de même aujourd’hui pour ce qui est de la « transphobie » : qui n’adhère pas à l’idée voulant qu’il suffise à un homme de s’identifier comme femme pour être désormais socialement et médiatiquement reconnu ainsi, et cela, de manière obligatoire, sera victime de harcèlement juridique.

Tout ce qui contredit le dogme fondateur du diversitaire relève ainsi de l’hérésie idéologique juridiquement sanctionnée. Et ce sont généralement les associations militantes qui conduiront les réfractaires devant les tribunaux. Elles ont pour fonction de transformer les dissidents en parias, frappés d’interdit professionnel et condamnés à la peine de mort sociale. Elles le font d’autant plus qu’ils leur sont désignés par des médias, se donnant pour mission de signaler les délinquants idéologiques à surveiller, en les étiquetant de sale manière pour que tous les sachent dangereux.

La censure jusque dans le domaine privé

Plus tôt cette année, c’est le mensuel L’Incorrect qui a été chassé de sa banque. La persécution bancaire n’est pas réservée à la presse de droite. Nombreux sont les militants « identitaires » à avoir été frappés du même sort – l’acharnement contre cette mouvance, qui a vu son association principale dissoute, nombre de ses comptes sur les réseaux sociaux suspendus ainsi qu’un de ses colloques annulé par crainte des discours qu’on pourrait y entendre, laisse croire que le régime diversitaire y voit le visage de l’ennemi de l’intérieur.

Même les réactions populaires contre le régime diversitaire et ses politiques sont de plus en plus mises en péril, comme on l’a vu avec l’interdiction de la manifestation prévue à Romans-sur-Isère pour honorer la mémoire de Thomas, tué il y a un an par une bande annonçant son intention de « planter du Blanc ». L’arrêté a été finalement suspendu par la justice. Il s’agit toutefois de faire monter le coût de la liberté d’expression, pour créer un environnement public et médiatique suffisamment dissuasif pour que chacun comprenne qu’il vaut mieux se taire que de tout risquer pour avancer une idée interdite.

La censure des « discours haineux » jusque dans le domaine privé pousse ainsi chacun à une vigilance et à une inhibition permanentes. Tout cela nous rappelle l’existence d’un dispositif de censure sophistiqué allant de l’État avec ses lois jusqu’au délateur de salon, invité à multiplier les signalements à l’Arcom, qui infligera ensuite aux contrevenants de lourdes amendes. Demain, c’est la possibilité juridique même de la critique de l’immigration massive qui sera peut-être interdite, au nom de la censure de la « théorie du grand remplacement », comme on l’a proposé, en 2023, à l’Assemblée nationale. N’a-t-elle pas ouvert la porte, il y a un an, à l’interdiction médiatique du climatoscepticisme ?

Dogme diversitaire

S’il est permis de critiquer les excès de ce dispositif de censure, on en remet plus rarement en question les fondements, et encore moins la légitimité. C’est pourtant la possibilité même du délit d’opinion qu’il faudrait juridiquement abolir. La liberté d’expression devrait être limitée par l’interdiction de la diffamation et de l’appel à la violence. Le reste, même le plus choquant, devrait être autorisé. Conséquemment, les associations militantes ne devraient plus être en droit de traîner devant les tribunaux les individus tenant des propos qu’ils réprouvent. Cette possibilité juridique ne devrait plus exister.

Nos sociétés ont réinstauré le blasphème à travers le dogme diversitaire. Et pour cela, à l’échelle de l’histoire, il s’agit d’abolir à nouveau le délit de blasphème et le dispositif institutionnel de la nouvelle inquisition. Ce ne sont pas seulement les excès de la censure qu’il faut réprouver, mais le régime de censure lui-même, en le démantelant loi par loi, subvention par subvention, tribunal par tribunal, autrement dit pièce par pièce. Il est étonnant qu’ils soient si peu nombreux, à droite, à en être conscients.

Aucun commentaire: