Dans son allocution télévisée et son discours du Trône prononcés l’automne dernier, la Première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, avait déclaré que son gouvernement se préparait à plus que doubler la population de l’Alberta d’ici 2050, pour atteindre 10 millions d’habitants, soit trois millions de plus que ce que les autorités provinciales avaient prévu pour le milieu du siècle.
Elle souhaite également voir la population de Red Deer décupler. D’environ 106 000 aujourd’hui à un million d’habitants. (Red Deer se trouve sur la rivière du même nom, anciennement rivière du Daim-Rouge en français.)
Danielle Smith a récemment réitéré son ambition de doubler la population de sa province d’ici 2050 dans une vidéo (voir ci-dessous).
I need Danielle or someone from her team to explain this to me because this isn’t making sense.
— Kirk Lubimov (@KirkLubimov) August 8, 2024
Alberta Premier Danielle Smith:
“Let’s have an aggressive target to double our population.”
Smith wants to get Alberta’s population to 10m people so we can be taken seriously by the . . . pic.twitter.com/IOvFrDSvuJ
Pour que l’Alberta ait le poids politique qu’il mérite
Le taux de chômage en Alberta est déjà parmi les plus hauts au Canada
À 7,1 %, le taux de chômage de l’Alberta est bien supérieur à la moyenne nationale qui se situe à 6,4 % et à celui du Québec à 5,7 %.
Notons que les immigrés récents (moins de 5 ans au Canada) ont un taux de chômage plus du double aux Canadiens nés au Canada.
Logements hors de prix
Le marché immobilier de l’Alberta est très cher, car il y a très peu de logements disponibles, manque conjugué à une forte demande et à une forte activité de vente. Pour mai 2024, le prix de référence des maisons en Alberta, soit 514 200 $, est le plus élevé jamais atteint, et il est en hausse de 9,3 % d’une année sur l’autre.
Augmentation de la population de 200 000 personnes en 2023 (+ 4,4 % de la population)
Les deux tiers des personnes qui viennent de s’installer en Alberta sont des immigrants.
Ces chiffres font suite à l’augmentation de la population de la province de 202 324 habitants en 2023 — soit environ deux fois la population de Red Deer — avec un taux de croissance de 4,4 %, le plus élevé depuis 1981.
L’augmentation de la population au cours du premier trimestre de 2024 est due aux résidents internationaux non permanents, qui représentent près de 60 % de l’immigration en Alberta.
« La différence, cette fois, c’est que l’Alberta, et en particulier Calgary, qui a été la plus grande ville d’immigrants en croissance au Canada, compte de nombreuses communautés établies d’immigrants qui ont migré ici au cours des dernières décennies », a-t-elle déclaré.
70 % des Albertains opposés à davantage d’immigration
Les immigrants au Canada en général soient plus nombreux que les gens au Québec (y compris donc les anglo-allophones de Montréal) à trouver que les cibles d’immigration sont trop élevées… Le rejet le plus important vient de l’Ontario et de l’Alberta, à égalité, avec 70 % des personnes interrogées qui trouvent que les cibles d’immigration sont trop élevées.
Mais depuis quand en démocratie occidentale les politiciens écouteraient-ils leurs électeurs « racistes » ?
Les immigrés sont urbains et votent massivement pour la gauche (NPD, Libéraux)
Madame Danielle Smith a défendu une vision résolument souverainiste des pouvoirs de sa province. Elle a fait adopter à la fin 2022 une Loi sur la souveraineté et l'a invoquée un an plus tard pour s'opposer aux règles imposées par le gouvernement fédéral de Justin Trudeau sur l'électricité propre.
Il est cependant douteux qu'elle convertisse ces nouveaux venus en des souverainistes albertains conservateurs en assez grand nombre puisque ceux sont ne partagent pas les caractéristiques de ces électeurs conservateurs actuels : souvent ruraux, chrétiens et d'extraction européenne avec une solide tradition d'autonomie au sein de petites communautés.
Les personnes nées à l'étranger étaient plus enclines à dire (en octobre 2019) que Justin Trudeau serait le meilleur premier ministre (41 %) que celles nées au Canada (33 %). Ils tendent aussi à voter plus pour le NPD que le BQ ou le Parti vert.
Le même sondage de 2023 nous apprenait que le NPD de gauche avait une avance de 30 % dans la ville d'Edmonton (60 % contre 30 %), tandis que l'UCP conservateur était largement en tête à l'extérieur des deux plus grandes villes (57 % à l'UCP contre 40 % au NPD).
Madame Smith pense-t-elle vraiment qu'elle fera de ces millions d'immigrants (l'immense majorité « racialisée ») urbains des conservateurs et des souverainistes albertains ?
L'accroissement de la population n'assure pas la prospérité
L'accroissement de la population ne garantit en rien la prospérité, il suffit de regarder la Grande-Bretagne, la France avec une forte immigration ou même le Canada sous Trudeau où le PIB/habitant a diminué depuis 4 ans alors que l'immigration connaissait des sommets. À l'inverse, des pays peu peuplés comme la Suisse ou la Norvège sont prospères.
Le PIB par habitant du Canada a diminué de 0,4 % par an depuis 2020 - le pire taux parmi les 50 premières économies développées du monde. Les nouveaux investissements et la croissance de l'emploi sont principalement le fait du gouvernement.
Les initiatives du secteur privé se limitent essentiellement au marché de l'immobilier, ce qui ne contribue guère à la productivité et à la prospérité. De nombreux jeunes n'ont pas les moyens d'acheter dans l'un des marchés immobiliers les plus chers du monde. Pressés de citer une réussite numérique, les Canadiens citent Shopify - mais le magasin en ligne est le seul nom technologique parmi les 10 plus grandes entreprises du pays, et ses actions s'échangent à la moitié de leur pic de 2021.
Danielle est immigrationniste, mais est-elle conservatrice ?
Danielle Smith envisage donc d’essayer de doubler la population de l’Alberta quasi exclusivement grâce à l’immigration, au lieu de se concentrer sur la réduction du coût de la vie, la réduction de la criminalité et l’incitation des Albertains à avoir plus d’enfants afin d'assurer une lente croissance démographique homogène.
En quoi, Danielle Smith est-elle conservatrice ? Que veut-elle conserver ?
Danielle Smith
La conservatrice Danielle Smith n’a aucun enfant. Cette absence de descendance avait été critiquée par d’autres conservateurs albertains qui mettaient en doute sa sincérité dans la défense des familles. Notons qu’elle et son second mari, David Moretta, qui se sont mariés en 2006, auraient eu l’intention d’avoir des enfants selon un communiqué émis par Danielle Smith. La déclaration indique que le couple a demandé l’aide d’une clinique de fertilité, mais que les traitements auraient été infructueux.
Controverses sur ses affirmations relatives à son ascendance
Mme Smith a fait des déclarations sur son ascendance qui ont été démenties par des généalogistes et par les archives de l’immigration canadienne.
Son arrière-grand-père paternel était Philipus Kolodnicki, dont le nom a été anglicisé en « Philip Smith » à son arrivée au Canada.
En octobre 2022, elle a affirmé que M. Kolodnicki avait quitté l’Ukraine après la Première Guerre mondiale, qui s’est achevée en 1918, pour échapper au communisme. Elle a déclaré que ses convictions politiques étaient « en grande partie nées d’une méfiance totale à l’égard du socialisme que mon arrière-grand-père a fui ». Dans un profil publié en 2012 dans le Globe and Mail, Mme Smith a affirmé que Kolodnicki était un immigrant ukrainien arrivé au Canada en 1915.
Les dossiers d’immigration examinés par le Toronto Star montrent que Kolodnicki est arrivé au Canada en 1913, avant la Première Guerre mondiale ou la Révolution d’octobre 1917. Kolodnicki a également indiqué que sa nation d’origine était l’Autriche et que sa race était la Ruthénie, un terme qui, à l’époque, désignait les ancêtres des Ukrainiens, des Biélorusses et des Rusyns modernes.
À partir de 2012, Mme Smith a affirmé publiquement qu’elle avait des racines cherokees grâce à son arrière-arrière-grand-mère, Mary Frances Crowe. Mme Smith a également affirmé que Mme Crowe avait été victime de la Piste des larmes et déplacée de force au Kansas dans les années 1830. Une enquête d’APTN National News a examiné les registres de recensement américains et a découvert que Mme Crowe était née en 1870 en Géorgie, environ 20 ans après que le gouvernement américain a forcé les Cherokees à quitter leur terre natale.
Kathy Griffin, généalogiste cherokee du Texas qui a travaillé avec APTN, n’a pas trouvé de preuve que les ancêtres de Smith étaient membres des tribus historiques cherokee, notamment la Bande orientale des Indiens cherokee, la Bande unie Keetoowah des Indiens cherokee de l’Oklahoma ou la Nation cherokee. Les ancêtres de Smith ne figuraient pas non plus sur le Dawes Roll, un registre américain répertoriant les membres des tribus Cherokee, Creek, Choctaw, Chickasaw et Seminole.
À la suite du reportage d’APTN, l’attaché de presse de Mme Smith a déclaré que cette dernière n’avait pas fait de « recherches approfondies sur ses ancêtres » et qu’elle avait « entendu parler de son héritage par ses proches ».
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