dimanche 3 avril 2011

Égypte — violences contre les coptes

L'hebdomadaire Al-Harma nous informe que deux hommes ont été tués vendredi 11 mars dans des violences entre musulmans et chrétiens dans le village de Soul près du Caire, et une église y a été incendiée le lendemain. Depuis, des coptes manifestent au Caire pour réclamer justice.

Nouvelles tensions

Les coptes s’attendaient à la disparition de ce genre d’incidents confessionnels pendant l’ère post-Moubarak. Ils ont constaté que les agressions qui les visaient ont stoppé net pendant les 18 jours qu’il aura fallu pour renverser le régime. Aujourd’hui, ils sont déçus de revivre le cauchemar qu’ils ont dû endurer des années sous Moubarak.

Église occupée incendiée par des musulmans mécontents

Samedi, l’église de Saint-Mina et Saint-Georges dans le village de Soul, dépendant du gouvernorat de Hélouan et situé à 30 km au sud du Caire, a été incendiée par des musulmans mécontents. Le prêtre et deux fidèles qui étaient à l’intérieur de la chapelle en sont sortis indemnes. Selon les premières enquêtes, la mise à feu de l’église a été envisagée comme un acte de vengeance. La veille, une querelle avait éclaté à cause d’une relation amoureuse entre un chrétien et une musulmane du village, et s’est soldée par la mort de leurs pères respectifs.

Après les funérailles du père chrétien, plusieurs villageois musulmans en colère rassemblés autour de l’église y ont mis le feu. L’armée est intervenue après cet incident pour entamer un dialogue avec les deux familles.

Manifestations coptes au Caire

Mais c’est au Caire que la colère des coptes a éclaté. Quelques milliers d’entre eux, y compris de nombreux prêtres (chose rare pour le clergé copte), dont ceux du village de Soul, manifestent depuis samedi devant le bâtiment de la Radio et de la Télévision en plein centre-ville. Lundi soir, les protestataires ont bloqué le pont du 6 Octobre au-dessus de la place Tahrir, provoquant des embouteillages sans précédent. En même temps, d’autres manifestants ont coupé la route du 26 Juillet reliant Le Caire à la cité du 6 octobre, causant des affrontements avec les automobilistes et des dégâts.

Pour la liberté de construire de nouveaux lieux de cultes

Les manifestants ont réclamé la reconstruction de l’église incendiée ainsi qu’une liberté de construire de nouveaux lieux de culte. « On refuse que les églises soient un moyen de règlement de compte à chaque fois que des jeunes sont impliqués dans ce genre de relations amoureuses. On ne s’attendait pas à la répétition de ce genre d’incidents, surtout après que les coptes et les musulmans se sont unifiés durant la révolution », lâche le père Balamun, prêtre de l’église incendiée. Le maréchal Hussein Tantaoui, ministre de la Défense et chef du Conseil militaire suprême, a pris la décision, inédite sous l’ex-président, de reconstruire l’église avant les fêtes de Pâques.

Mais si l’ancien régime est accusé d’utiliser à son propre profit les tensions entre les communautés musulmane et chrétienne, aujourd’hui encore il paraît qu’il y a toujours des gens qui ont intérêt à raviver ces frictions. Ces groupes fantômes sont présentés tantôt comme des policiers qui veulent semer la panique pour restaurer leur poignée de fer sur la société, des islamistes intégristes qui sortent de leurs grottes après des décennies de répression, tantôt comme des hommes de religion fanatiques dont la culture prendra plus qu’un mois pour intégrer les principes d’égalité et de citoyenneté.

Prêtre copte égorgé

Quoi qu’il en soit, les coptes s’inquiètent. Le 23 février, un prêtre copte a été retrouvé égorgé dans son appartement à Assiout en Haute-Egypte. Ses voisins ont affirmé avoir entendu 4 personnes qui proféraient des slogans islamistes au moment de l’assassinat.


Démolition d'une partie d'un monastère, huit blessés par balle

Le 24 février, une altercation a éclaté entre des militaires qui démolissaient un mur qui aurait été construit sur les terrains de l’État au monastère de Saint-Bichoy dans le désert de Ouadi Al-Natroun et des moines. Il s'agit d'un des premiers et des plus anciens monastères au monde. Subissant des jets de pierre, les militaires ont tiré. Huit personnes, dont deux moines, ont été blessées par balle.

Les moines avaient érigé un mur d'enceinte bas à la frontière d’un côté du monastère vulnérable aux attaques. Selon eux, le terrain appartient au monastère.


Attaque du monastère de Saint-Bichoy


Attaques au monastère de St Makarios d'Alexandrie à Fayoum

L’armée a également attaqué le monastère de St Makarios d’Alexandrie dans le Ouadi el-Rayan, à Fayoum, à 100 km du Caire. Elle a pris d’assaut le monastère et tiré à balles réelles sur les moines. Le Père Mina a déclaré qu’un moine a été tué et plus de dix ont subi des blessures causées par des matraques. L’armée a démoli, une clôture nouvellement construite ainsi qu'une salle du monastère. Elle a aussi confisqué des matériaux de construction. Les moines avaient fait construire une clôture pour se protéger des attaques subies le 25 janvier par des musulmans et des voleurs armés, attaques lors desquelles six moines avaient été blessés, dont un dans un état critique.

Musulmans coupent l'oreille d'un chrétien

L'Agence internationale de presse assyrienne rapporte que, le 20 mars, un groupe de musulmans a attaqué M. Ayman Anwar Mitri, un homme de 45 ans chrétien copte de la ville de Qena en Haute-Égypte, et lui ont coupé l’oreille. Les musulmans ont affirmé qu’ils ne faisaient qu’appliquer la charia parce que M. Mitri aurait eu une « liaison illicite » avec une femme musulmane.

Les musulmans ont appelé la police et dit « Nous avons appliqué la loi d’Allah, maintenant et [vous pouvez] appliquer votre loi », a raconté M. Mitri dans un entretien accordé à l’Organisation égyptienne des droits de l’homme.

Volonté de désamorçage de la part des coptes

S’il se montre satisfait face à la « bonne volonté de l’armée » et ses décisions de reconstruire l’église incendiée et d’ouvrir une enquête judiciaire sur les incidents du monastère, l’avocat Naguib Gabriel, qui s’intéresse au dossier copte, ne cache pas pour autant son inquiétude face à ce qu’il appelle des « vagues de haine ».

Absence politique des coptes

Pour Nabil Abdel-Fattah, du Centre des études politiques et stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, le problème et la solution sont avant tout d’ordre politique. « Les coptes ont quasiment disparu de la vie politique depuis la Révolution de 1952 (…). Si sous le régime démocratique très attendu, les coptes n’obtiennent pas leurs pleins droits de citoyens, dont celui de construire librement leurs lieux de culte, ces tensions interconfessionnelles n’auront aucune chance de cesser », pense Abdel-Fattah.







Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

3 commentaires:

Boutros a dit…

Bizarrement Al Jazira n'en parle pas de ces problèmes, voir pourquoi :


http://vimeo.com/21596790

Jonathan a dit…

La première fois que j'avais entendu parler des Coptes, c'était à l'émission Points Chauds animer par François Bogingo à Télé-Québec. Une journaliste disait que la minorité chrétienne d'Égypte nourrissait un sentiment de persécution qui ne reposait que sur le fait qu'elle n'avait plus autant d'influence et de pouvoir qu'avant dans la société égyptienne depuis Nasser. "Un peu comme les Anglo-québécois", ajoutait la journaliste, faisant ainsi sourire les gens sur le plateau.

Il ne faut jamais se fier aux médias de masse pour comprendre le monde.

Anonyme a dit…

Bien sûr, les anglo-québécois subissent actuellement des persécutions tout à fait comparables à celles des coptes égyptiens......