vendredi 4 janvier 2019

Accès à l'université — Sélectivité et égalité sont-elles antithétiques ?

La sélectivité et l’égalité sont souvent considérées comme antithétiques ; mais il y aurait des preuves contraires dans le domaine de l’éducation. The Economist s’est penché sur la question.

Le mois dernier, parmi les demandes des Gilets Jaunes qui défilaient dans les rues de France, certains étudiants protestaient contre la manière dont le gouvernement avait modifié le système d’admission à l’université, en passant d’un système qui admettait à peu près tout le monde à un système qui mettait en place un minimum de sélectivité.

Les mécontents se plaignent que les changements sont inégalitaires. Mais les chiffres de l’OCDE semblent démontrer que certains pays parmi les plus égalitaires d’Europe ont les systèmes universitaires les plus sélectifs, et inversement. Voir le graphique ci-dessous.


L’enseignement supérieur finlandais est l’un des plus sélectifs d’Europe. Seul un tiers des candidats sont acceptés. La Finlande a également l’un des niveaux les plus élevés de mobilité intergénérationnelle en Europe, qu’il soit mesuré par les résultats scolaires ou par la différence entre les classes sociales des parents et des enfants. L’enseignement supérieur finlandais jouit d’un degré d’autonomie inhabituel : la plupart de ses universités sont indépendantes de l’État.

En revanche, le système universitaire français est une branche de l’État depuis que Napoléon l’a décrété en 1808, et c’est l’un des systèmes les moins sélectifs de l’Europe. Notons, toutefois, que les universités sont les parents pauvres de l’éducation supérieure en France, alors que les prestigieuses grandes écoles françaises sont extrêmement sélectives. Mais cette étude de l’OCDE est intéressante pour les pays où l’accès à l’université est très peu sélectif. L’entrée à l’université en France est considérée comme un droit dès lors qu’ils réussissent le baccalauréat (le DEC au Québec). Or le taux de passage au bac ne fait qu’augmenter : il était de 87,9 % en 2017 pour tous les candidats qui s’y présentaient, allant jusqu’à 90,6 pour le baccalauréat général, premier diplôme universitaire. Les bacheliers français peuvent s’inscrire dans des filières et pour des matières dont ils ne connaissent rien. Les réformes de l’année dernière, qui permettent aux universités d’obliger les étudiants à suivre des cours de rattrapage s’ils le jugent nécessaire, n’auront que peu de conséquences.

Pourtant, malgré ce système tertiaire français inclusif, la mobilité intergénérationnelle est faible en France, qu’il soit mesuré par les résultats scolaires ou par la catégorie professionnelle. C’est peut-être en partie parce que seuls 40 % des étudiants en France obtiennent leur diplôme dans les délais prévus, ce qui représente un gaspillage financier important. Les taux d’abandon ont tendance à être plus élevés chez les étudiants défavorisés.

L’approche universitaire finlandaise est également rentable sur le plan de la qualité. Le pays se classe en tête de l’indice Universitas 21, qui classe 50 pays en fonction de la qualité de leur université et du PIB par habitant. La France arrive en 19e place, derrière la Grèce et la Chine.

Source : The Economist

Voir aussi

Pourquoi l’université serait-elle le seul secteur où toute sélection serait bannie ?

Japon — la sélection à l'entrée des universités

Angleterre : retour de la sélection dès l’entrée dans le secondaire, disparue depuis 50 ans

Universités — Quand le refus de la sélection engendre la spirale du gaspillage

Effet d'écrémage lié à la liberté scolaire : faible ou déjà présent (notamment par la géographie)

Aucun commentaire: