lundi 22 décembre 2025

La laïcité étriquée contribue à vider la France de sa substance

Le 120e anniversaire de la loi de 1905 est l’occasion de rappeler qu’une conception étriquée de la laïcité contribue à vider la France de sa substance affirme Laurent Dandrieu dans ce texte paru dans Valeurs actuelles. 

Il a beaucoup été question, la semaine dernière, de laïcité, à l’occasion du 120e anniversaire de la loi séparant les Églises et l’État: une loi qui fait figure aujourd’hui de vache sacrée, mais dont la commémoration n’en a pas moins révélé des divergences profondes. Ceux qui la laïcité reste le pilier central et intangible de la République se divisent entre partisans d’une application libérale ou intransigeante; pour certains, elle laisse encore trop de place aux religions dans l’espace public, pour d’autres, elle ne serait plus que l’alibi d’une islamophobie agressive ; certains, enfin, y voient au contraire un rempart bien faible contre l’islamisme, arguant qu’on ne contient pas une idéologie conquérante avec un principe de neutralité.

Ces derniers ont raison sur au moins un point : c’est que la religion n’est pas qu’une question cultuelle et que toute religion porte avec elle une dimension culturelle. La réflexion française [note du carnet: dans la francophonie plus généralement] sur la laïcité est trop souvent une réflexion idéologique, abstraite, qui fait l’impasse sur cette empreinte culturelle du catholicisme et donc sur sa dimension identitaire — surtout depuis que le progressisme est parvenu à faire de l’identité le gros mot absolu, diabolisant cette notion comme un concentré de révisionnisme, de fascisme, de racisme et de colonialisme. 

Beaucoup voient la laïcité comme une relégation de la religion à la sphère privée — comme si la foi était un gadget qu’on allume à la maison et qu’on éteint dès qu’on sort de chez soi. Beaucoup croient, en jugulant l’expression publique de la foi, chasser du même mouvement le christianisme de la société — comme s’il n’avait pas modelé, des siècles durant, nos villes, notre patrimoine, notre culture, notre langage, nos paysages mêmes. D’où les querelles incessantes sur les crèches, les calvaires et les clochers, les spectacles qui évoquent les racines chrétiennes de la France, la possibilité pour les écoles privées d’intégrer dans leur éducation une dimension chrétienne ou la simple mention, par tel ou tel politique, de sa foi personnelle

Le maire de Béziers, Robert Ménard, a inauguré sa deuxième crèche de Noël depuis son élection, objet régulier d'attaques en justice au nom d'un principe de laïcité étriquée

Avec, sur le versant gauche de la laïcité, une intransigeance vis-à-vis du catholicisme qui se marie avec une grande mansuétude envers l’islam. Quand le sociologue Jean Baubérot, gardien du temple de la laïcité, déclare dans Libération du 9 décembre que « la loi de 1905, ce ne devait pas être une loi de combat. Nous en sommes pourtant là », il faut entendre que le combat lui semblait naturel tant qu’il visait les chrétiens, mais qu’il lui paraît illégitime quand il prétend imposer aux musulmans les mêmes contraintes…

Or, il ne faut pas se lasser de le rappeler après de Gaulle, « la République est laïque, mais la France est chrétienne »Vouloir effacer cette évidence, c’est vouloir vider la France de sa substance, en faire une coquille vide ouverte à toutes les ingénieries politiques, idéologiques ou démographiques. C’est vouloir effacer l’identité profonde, charnelle et spirituelle de la France, et prétendre la remplacer par un principe désincarné. Comme le rappelle le philosophe Pierre Manent dans Situation de la France (Desclée De Brouwer), « La laïcité est un dispositif de gouvernement qui n’épuise pas le sens de la vie commune, et qui d’ailleurs en donne une représentation abstraite et fort pauvre. On n’habite pas une séparation ».

La nature civilisationnelle ayant horreur du vide, le vide ainsi créé par une laïcité qui serait une négation de notre identité chrétienne aura vocation à être comblé par une identité de remplacement : la seule qui candidate à ce remplacement est pour l’heure celle, créolisée, proposée par Jean-Luc Mélenchon, qui n’est que le paravent hypocrite d’une France islamisée.

Mais ce n’est pas seulement pour faire barrage à cette identité de remplacement que la France doit retrouver le moyen de combiner une laïcité apaisée avec le respect de son identité chrétienne : c’est avant tout parce que c’est le seul moyen pour elle de rester fidèle à sa vocation. C’est sous l’égide du christianisme que la France a modelé sa culture ; c’est sous le regard de la chrétienté que la France a composé la partition unique qu’elle a fait entendre au monde. Ce n’est qu’en restant fidèle à cette partition et à ses racines chrétiennes qu’elle conservera un rôle à jouer dans le concert des nations.

Combiner une laïcité apaisée avec le respect de son identité chrétienne est le seul moyen pour la France de rester fidèle à sa vocation.

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