Il est une idée reçue dans certains manuels scolaires (par exemple d'ECR) : le christianisme mène au saccage de la Terre alors que d'autres religions ou spiritualités sont plus respectueuses de la Terre, notamment la spiritualité autochtone. Nous avons déjà vu que les Amérindiens d'antan n'étaient pas plus écologistes que les Européens de l'époque, ils choquaient même certains pères missionnaires par leur peu d'intérêt pour l'écologie ou leur cruauté. Voici maintenant un extrait d'un article du professeur de philosophie Rémi Brague paru dans Le Point cette semaine :
« Je commencerai par raconter une histoire, une sorte de parabole. La scène se passe dans un hôpital. Deux malades occupent la même chambre. Le premier dit à son voisin : « Ben dis donc, tu te rends compte, depuis mon accident, j’ai reçu la visite de toute une série de docteurs qui m’ont tous examiné en hochant gravement de la tête. Et la dernière fois, c’est le médecin chef qui s’est déplacé en personne pour m’opérer. On me prescrit toutes sortes de pilules de toutes les couleurs, avant et après mon opération. Les autres, on leur donne de l’aspirine ou on les renvoie simplement chez eux. Pas à dire, je dois être un type formidablement important, une grosse légume de toute première classe, pour qu’on se donne tant de peine pour moi ! » À quoi l’autre malade répond : « Espèce d’idiot, c’est simplement que ton cas est bien plus grave que les autres. A ta place, je ferais drôlement attention… »
On a là une image de la situation de l’homme par rapport aux animaux. Les animaux ne sont pas malades. Ils ont tout ce qu’il leur faut pour chercher leur bien et l’atteindre : l’instinct de conservation les pousse à se nourrir, l’instinct sexuel à perpétuer leur espèce. L’homme, lui, est dans une situation paradoxale. Il dispose de bien plus d’outils pour s’orienter : il a avant tout une raison qui lui permet de connaître la réalité qui l’entoure et, surtout, de choisir la meilleure démarche à suivre pour parvenir à ses fins. Il a une conscience grâce à laquelle il peut distinguer
le bien et le mal. Et pourtant, ce bien qu’il pressent nettement, et même qu’il désire, il n’arrive pas à l’atteindre. Pis, il devient plus bête que les animaux et mille fois plus bestial qu’eux.
C’est pourquoi le christianisme parle peu des animaux. Ce n’est pas qu’il ne les aime pas ni qu’il accorde à l’homme un privilège indu. C’est que, comme le dit le Christ, on n’envoie pas un médecin aux bien-portants, mais aux malades. Or les animaux ne requièrent pas des soins aussi énergiques. Seul l’homme a besoin d’un traitement de cheval. Les animaux peuvent se débrouiller seuls. Le mauvais sort que l’homme leur fait subir ne peut se guérir qu’en guérissant l’homme qui en est coupable. Il trahit sa mission, alors qu’il avait reçu la tâche de veiller sur eux en faisant preuve de ce que l’on appelle, avec une ironie finalement un peu cruelle, « humanité ».
Quand saint Paul semble régresser par rapport au Deutéronome, qui prescrit de ne pas museler les bœufs (25, 4), en demandant en quoi Dieu se soucierait des bœufs (I Corinthiens, 9, 9), saint Augustin explique très bien que, si Dieu n’a en effet pas à s’en occuper particulièrement, c’est qu’il sous-traite, qu’il a confié à l’homme le soin de le faire et les capacités naturelles qui le lui permettent (De Agone Christiano, VIII, 9).
Le célèbre verset de la Genèse qui explique que Dieu a fait l’homme « à Son image, comme Sa ressemblance » semble inviter celui-ci à « dominer sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre » (1, 26). Mais, en fait, on a montré qu’à peu près personne, ni chez les juifs ni chez les chrétiens, n’a jamais utilisé le verset pour justifier l’exploitation abusive de la terre et de ses autres habitants. Les rabbins et les Pères de l’Église y voyaient une allégorie de la façon dont l’homme doit se rendre maître des passions dont les animaux, même s’ils ne les possèdent pas, sont pourtant les symboles. Et ce n’est qu’avec les Temps modernes, une fois mis en place le projet de s’approprier la nature en en devenant « maîtres et possesseurs », que certains ont cherché à légitimer cette tentative à coups de citations bibliques. »
« Je commencerai par raconter une histoire, une sorte de parabole. La scène se passe dans un hôpital. Deux malades occupent la même chambre. Le premier dit à son voisin : « Ben dis donc, tu te rends compte, depuis mon accident, j’ai reçu la visite de toute une série de docteurs qui m’ont tous examiné en hochant gravement de la tête. Et la dernière fois, c’est le médecin chef qui s’est déplacé en personne pour m’opérer. On me prescrit toutes sortes de pilules de toutes les couleurs, avant et après mon opération. Les autres, on leur donne de l’aspirine ou on les renvoie simplement chez eux. Pas à dire, je dois être un type formidablement important, une grosse légume de toute première classe, pour qu’on se donne tant de peine pour moi ! » À quoi l’autre malade répond : « Espèce d’idiot, c’est simplement que ton cas est bien plus grave que les autres. A ta place, je ferais drôlement attention… »
On a là une image de la situation de l’homme par rapport aux animaux. Les animaux ne sont pas malades. Ils ont tout ce qu’il leur faut pour chercher leur bien et l’atteindre : l’instinct de conservation les pousse à se nourrir, l’instinct sexuel à perpétuer leur espèce. L’homme, lui, est dans une situation paradoxale. Il dispose de bien plus d’outils pour s’orienter : il a avant tout une raison qui lui permet de connaître la réalité qui l’entoure et, surtout, de choisir la meilleure démarche à suivre pour parvenir à ses fins. Il a une conscience grâce à laquelle il peut distinguer
le bien et le mal. Et pourtant, ce bien qu’il pressent nettement, et même qu’il désire, il n’arrive pas à l’atteindre. Pis, il devient plus bête que les animaux et mille fois plus bestial qu’eux.
C’est pourquoi le christianisme parle peu des animaux. Ce n’est pas qu’il ne les aime pas ni qu’il accorde à l’homme un privilège indu. C’est que, comme le dit le Christ, on n’envoie pas un médecin aux bien-portants, mais aux malades. Or les animaux ne requièrent pas des soins aussi énergiques. Seul l’homme a besoin d’un traitement de cheval. Les animaux peuvent se débrouiller seuls. Le mauvais sort que l’homme leur fait subir ne peut se guérir qu’en guérissant l’homme qui en est coupable. Il trahit sa mission, alors qu’il avait reçu la tâche de veiller sur eux en faisant preuve de ce que l’on appelle, avec une ironie finalement un peu cruelle, « humanité ».
Quand saint Paul semble régresser par rapport au Deutéronome, qui prescrit de ne pas museler les bœufs (25, 4), en demandant en quoi Dieu se soucierait des bœufs (I Corinthiens, 9, 9), saint Augustin explique très bien que, si Dieu n’a en effet pas à s’en occuper particulièrement, c’est qu’il sous-traite, qu’il a confié à l’homme le soin de le faire et les capacités naturelles qui le lui permettent (De Agone Christiano, VIII, 9).
Le célèbre verset de la Genèse qui explique que Dieu a fait l’homme « à Son image, comme Sa ressemblance » semble inviter celui-ci à « dominer sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre » (1, 26). Mais, en fait, on a montré qu’à peu près personne, ni chez les juifs ni chez les chrétiens, n’a jamais utilisé le verset pour justifier l’exploitation abusive de la terre et de ses autres habitants. Les rabbins et les Pères de l’Église y voyaient une allégorie de la façon dont l’homme doit se rendre maître des passions dont les animaux, même s’ils ne les possèdent pas, sont pourtant les symboles. Et ce n’est qu’avec les Temps modernes, une fois mis en place le projet de s’approprier la nature en en devenant « maîtres et possesseurs », que certains ont cherché à légitimer cette tentative à coups de citations bibliques. »
Voir aussi
Spiritualité autochtone, écologie et norme universelle moderne
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