lundi 3 février 2020

Pour une poignée de féministes de plus en plus bruyante, l'hétérosexualité est une perversion et le mâle un ennemi

La semaine passée, Gabrielle Bouchard, l’homme qui se dit femme et qui est président·e de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a déclaré : « Les relations de couple hétérosexuelles sont vraiment violentes. En plus, la grande majorité sont des relations basées sur la religion. Il est peut-être temps d’avoir une conversation sur leur interdiction et abolition », a-t-elle écrit sur les médias sociaux.

Certains ont pu croire que le/la président·e de la FFQ faisait de la provocation. Mais pour une poignée de féministes de plus en plus bruyante, l’hétérosexualité est une perversion et le mâle un ennemi de la nature féminine. Perversion et nature, le langage n’est pas éloigné de la droite moralisatrice. 

On a donc, d’une part, ceux qui nous disent que l’homosexualité serait probablement innée et certainement pas un choix. Alors que d’autres nous disent que l’hétérosexualité serait le résultat d’un conditionnement social, état que l’on pourrait donc changer pour le plus grand bien de tant de femmes.
Certains, plus modérés, soutiennent que l’homosexualité et l’hétérosexualité sont le résultat d’un mélange d’attirances innées, mais également de facteurs environnementaux et de pressions sociales. Mais, si c’est le cas, pourquoi ne pas vouloir modifier les facteurs environnementaux et la pression sociale pour privilégier une orientation particulière ?


Une manifestation féministe non mixte, organisée en marge du contre-sommet du G7, Irún (Espagne), 22 août 2019.

Texte d’Isabelle Marlier est écrivain et ethnologue paru dans Causeur :
Le 23 novembre dernier, au cours de la manifestation organisée à Paris par le collectif # Noustoutes, les manifestantes brandissaient une belle collection de pancartes : entre les « Men are trash » [les hommes sont des ordures], « Leur haine, nos mortes », « Les femmes ont du sang entre les cuisses, les hommes en ont sur les mains », on lisait aussi « Je suis hétéro, c’est le drame de ma vie » et « Délivrez-nous du mâle, soyez lesbiennes ». Ce n’est un secret pour personne, les féministes occidentales ont une dent contre les hommes hétérosexuels. Contre le « système patriarcal », disent les plus modérées, mais puisqu’elles attribuent cette structure sociale aux hommes qui en seraient tant les fondateurs que les bénéficiaires exclusifs (à l’exception des femmes « victimes de misogynie intériorisée » ou qui coucheraient par opportunisme avec l’occupant), la distinction relève de la langue de bois. Le mâle, c’est le mal pour une minorité d’idéologues de plus en plus bruyantes et visibles, qui parviennent à fédérer des sympathisantes autour d’un concept, celui de « sororité », bien difficile à incarner sans la désignation, l’essentialisation et la diabolisation d’un ennemi commun — L’ennemi principal, comme le veut le titre d’un ouvrage de Christine Delphy. C’est à se demander quand seront proposées des thérapies pour guérir de l’hétérosexualité.


Ces derniers temps, en effet, se multiplient les pastilles vidéo et les articles de presse où des icônes de la cause — aux États-Unis comme en France — s’interrogent sur la « compatibilité entre idéaux féministes et couple hétérosexuel », et où l’hétérosexualité est présentée comme le produit d’un conditionnement social. Un festival organisé en septembre 2019 à Paris a ainsi proposé de « sortir de l’hétérosexualité » réduite à une « fiction politique » : « On parle beaucoup de genre, mais moins de la production des morphologies, des hormones ou du génome, qui sont également conditionnés par des politiques de contrainte des mouvements ou de l’alimentation des femmes, qui produisent au fur et à mesure des années une binarisation des corps. Les corps ne sont pas une donnée, mais des archives du sexisme et du patriarcat. […] L’hétérosexualité n’a qu’à bien se tenir ! »

La romancière Virginie Despentes, dans un récent volet du podcast « Les couilles sur la table », affirme que « toutes les femmes seraient lesbiennes sans injonction sociale à l’hétérosexualité » (sauf quelques « rares grandes amoureuses comme Béatrice Dalle »). Odile Fillod, chercheuse indépendante qui s’est spécialisée dans la réfutation d’études relatives aux différences d’origine biologique entre hommes et femmes, dit quant à elle qu’« on peut parfaitement imaginer que si […] la plupart des hommes sont attirés exclusivement par des femmes et réciproquement, c’est entièrement sous l’effet de l’injonction culturelle massive à l’identification à un genre et à la sexualité hétérosexuelle à laquelle sont soumis les êtres humains dès leur naissance ».

Bref, nous sommes de plus en plus abreuvés de discours qui nient la nature de l’hétérosexualité, certains n’hésitant pas à en faire une pathologie ou une déviance acquises, dont il faudrait impérativement se débarrasser [...]. Quand des féministes en lutte « contre les violences faites aux femmes » proposent de délivrer celles-ci du mâle en devenant lesbiennes, elles usent du même argument que les promoteurs des thérapies de conversion qui voient chez les lesbiennes des victimes d’abus sexuels. [...] Particulièrement inquiètes d’une diffusion des études de psychologie évolutionniste, qui risquerait de donner du grain à moudre aux conservateurs de tout bord [...], ces féministes leur en fournissent néanmoins par brouettes en défendant d’arrache-pied des thèses hors-sol [...].

Parallèlement à ces attaques, jusqu’ici principalement rhétoriques, contre l’hétérosexualité, on assiste au sein du mouvement féministe à une floraison d’idées et d’initiatives qui flirtent étroitement avec l’irrationnel via le regain de la sorcellerie, où les femmes se retrouvent associées à la nature comme sous la plume de philosophes phallocrates d’antan. Cet engouement, qui donne lieu à pléthore de publications et d’événements divers, est souvent relié en Occident francophone à l’ouvrage de Mona Chollet, dont la thèse téléologique (les chasses aux sorcières de la Renaissance sont des crimes de masse misogynes visant à exclure les femmes du travail salarié en vue de l’avènement du capitalisme) s’est vu réfutée illico par des travaux d’historiens. Qu’à cela ne tienne ! Même la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, confie sans fard dans les médias sa foi dans cette version chic et révisionniste d’un fléau social antédiluvien qui fait encore des mort(e)s aujourd’hui, notamment en Afrique. C’est d’ailleurs entourée d’artistes et d’intellectuelles que cette représentante du gouvernement a signé l’appel « Sorcières de tous les pays, unissons-nous ! » (où, reconnaissons-le, une petite place est faite aux femmes ostracisées, puis assassinées de nos jours par leurs proches et voisins, comme à la Renaissance, en vue de leur voler leur statut et/ou leurs biens).

Alors... à quand les séminaires de sorcellerie pour sortir de l’hétérosexualité ? À quand les stages écoféministes de « reconnexion profonde avec le vivant » où il sera psalmodié aux participantes que « ce n’est pas leur destin de faire leur vie avec des hommes et pour les hommes, et qu’il y a des marges de manœuvre à gagner : en devenant lesbienne et en construisant une vie commune avec d’autres femmes, mais aussi en faisant collectivement la critique de l’hétérosexualité pour montrer que ça n’a rien d’une évidence » ? À quand, au nom de la lutte « contre les violences faites aux femmes », les séances d’exorcisme pour chasser du corps et de l’âme des hétérosexuel (le) s le diable « patriarcal » ? Et au prix de quelles souffrances pour les en délivrer — en vain ?

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2 commentaires:

Bernard a dit…

J'aimerai connaitre la vie sexuelle de Gabrielle Bouchard, l’homme qui se dit femme.
Soit il couche avec des femmes, mais comme physiologiquement c'est un homme, alors il est hétéro. Soit il couche avec des hommes, mais comme il se dit femme, psychologiquement il est hétéro. Ses propos me semblent complètement incongrus au regard de sa situation.

Le Saguenéen a dit…

Pour ceux qui pensent que ce n'est pas grave, la nature aura le dessus. Imaginer les souffrances induites par le flou identitaire, les opérations ou traitements de "transition" qui peuvent laisser stérile une adolescente influençable qui s'est laissée traiter pour transiter vers l'état de garçon.