lundi 8 octobre 2012

Comment concilier financement juste et recherche de l'amélioration des écoles

Le ministre de l'éducation français, le socialiste Vincent Peillon, refuse d’envisager toute remise en cause un tant soit peu substantielle du type de financement actuel des écoles publiques. Il fait valoir qu’ « allouer les moyens scolaires en fonction de la performance observée des élèves ne [lui] semble pas pertinent car cela signifierait une relation mécanique et linéaire entre amélioration des moyens et performance scolaire. Or, comment faire la part des choses entre les académies [de grosses commissions scolaires] les plus performantes qui le sont parce qu’elles bénéficient d’une population d’élèves favorisés de celles qui sont performantes de par la qualité de l’effort éducatif qu’elles ont pu déployer ? Réciproquement, comment déterminer un encouragement approprié des académies les moins performantes entre celles dont la situation est contextuellement très défavorable et celles dont le niveau de performance faible incombe à un effort éducatif moins bien mené ? »

La Fondation pour l'école, une fondation reconnue d’utilité publique, dédiée au renouveau de l’école gouvernementale en France et au soutien des écoles indépendantes, répond :
« La Fondation pour l’école s’étonne de ce raisonnement. En matière de financement des structures éducatives, il est à la fois injuste et inefficace de ne pas établir de liens entre performance scolaire et moyens alloués. L’obstacle technique soulevé par le ministre ne tient pas, car on peut neutraliser facilement les différences sociologiques entre académies  [de grosses commissions scolaires] d’une part et les différences de qualité de l’effort éducatif entre les établissements d’autre part en indexant les financements non sur le niveau académique absolu mais sur la progression académique dans le temps des élèves d’un établissement donné. Pour cela, il suffit d’évaluer les mêmes élèves en début et fin d’année et de faire dépendre les financements reçus de leur progression, quel que soit par ailleurs leur niveau absolu.

Mais il y aurait encore mieux à faire : en finir avec l’allocation globale de fonctionnement par établissement au profit d’une allocation par élève. Cela présenterait l’avantage de mieux respecter le droit à choisir l’école qu’ont les parents dans toute démocratie moderne. L’argent suivrait l’enfant et ainsi la Nation pourrait avoir la certitude que les fonds publics, levés par l’impôt, reviennent aux établissements plébiscités par les parents et qu’ils cessent de bénéficier à des établissements qui sont la honte de la République et qui conduisent tout droit leurs élèves à l’échec scolaire.

Certains diront que toutes les familles voudront fréquenter les mêmes établissements et que ce sera ingérable en pratique. À les en croire, ce serait la ruée généralisée vers Henry IV [prestigieuse école] et la mort assurée des établissements de ZEP [dans les cités, les banlieues immigrées]. L’expérience et les nombreuses enquêtes d’opinion montrent qu’il n’en serait rien. Le premier critère de choix demeure toujours la proximité, de sorte que ce n’est qu’une petite minorité qui consentirait à des déplacements plus longs pour accéder à une école jugée meilleure. De plus, cette émulation entre écoles contraindrait enfin les écoles les moins bonnes à se réformer si elles ne voulaient pas disparaître par manque d’élèves et donc de moyens publics. Ce nouveau système de financement constituerait une incitation puissante à la réforme par le bas, à l’initiative des établissements, après trente ans de tentatives de réformes par le haut impulsées en vain par la rue de Grenelle. Mais le financement par élève ne pourra produire ses effets bénéfiques que s’il est couplé à un accroissement net de l’autonomie de gestion des chefs d’établissements.

La plupart des expériences prometteuses à l’étranger reposent sur ce mécanisme : qu’il s’agisse des écoles libres ou académies anglaises ou des écoles à charte américaines, le financement est étroitement lié au nombre d’enfants scolarisés, suite au libre choix des parents, et à leur performance académique.. »




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Conseil de l'Europe : oui à la liberté de choix en matière d'éducation

Le 4 octobre dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a approuvé le rapport espagnol « Le droit à la liberté de choix éducatif en Europe ».

C'est un rapport important parce que le droit des parents de s'assurer que l'éducation et l'enseignement de leurs enfants correspondent à leurs propres convictions religieuses et philosophiques est actuellement menacé dans un certain nombre de pays d'Europe occidentale. La nouvelle résolution pourrait être un outil important pour réaffirmer le droit fondamental des parents de choisir l'éducation de leurs enfants conformément à leurs convictions personnelles et des croyances. Vous pouvez en lire plus à ce sujet ici.

Le texte ajoute :
« Elle [la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias] appelle aussi les États membres à reconnaître clairement par la loi le droit d’ouvrir des établissements d’enseignement privés et la possibilité pour ces établissements de faire partie du système national d’éducation, sous réserve uniquement de conditions objectives et non discriminatoires.

Dans ce contexte, les élèves des écoles privées et leurs familles devraient obtenir les mêmes avantages financiers octroyés aux élèves des écoles publiques ou à leur familles, et le financement des établissements d’enseignement privés faisant partie du système national d’éducation ne devrait être soumis qu’à des conditions objectives et non discriminatoires.
»

Rappelons que ce n'est pas le cas au Québec où les écoles privées reçoivent au plus 60 % de leur financement pour une observation scrupuleuse du programme d'études québécois qui s'immisce, selon  certains parents, jusque dans la transmission des valeurs qu'ils réprouvent.

Notons que si cette résolution va dans le bon sens, elle est assortie de conditions qui pourraient faire craindre que les écoles privées trop originales ne seraient pas financées par l'État, car elles doivent se soumettre à un « système de contrôles réguliers » qui s'assure que :
4.5.1. les contenus des programmes d’enseignement et la méthodologie pédagogique ne s’inspirent pas des conceptions ou ne préconisent pas des attitudes en conflit avec les valeurs du Conseil de l’Europe;

[...]

4.5.3. les établissements d’enseignement privés n’encouragent pas, par le message qu’ils livrent ou la politique qu’ils mettent en œuvre, la ségrégation communautariste;

[...]

4.5.6. le développement de l’esprit critique et l’ouverture culturelle fassent partie de tout projet éducatif.

Il s'agit en partie d'objectifs politiques.

On peut sans doute les comprendre face à des écoles sectaires extrémistes, et cela plus particulièrement dans le cadre d'une Europe de plus en plus multiculturelle et confrontée aux difficultés d'insertion des enfants de l'immigration.

Mais cela ne pourrait-il pas permettre à des politiciens ou des juges d'exclure de ces subventions généreuses les écoles qui ne seraient pas suffisamment multiculturelles dans leur optique, enseigneraient trop tôt et sans concurrence un enseignement religieux ou philosophique précis « sans ouverture » aux autres systèmes de valeurs, qui n'acceptent pas l'homosexualité comme un choix parmi d'autres, qui remettraient en doute l'avortement comme un droit et qui ne s'adressent qu'à une communauté religieuse ou ethnique ? Bref, de punir les mauvaises écoles, trop  conservatrices ou trop religieuses ? Nous pensons qu'il y a un danger potentiel.

Après tout, on a bien vu une juge (Deschamps, désormais à la retraite malgré son jeune âge) de la Cour suprême du Canada hausser les épaules et dire en séance que toute ouverture multiculturelle et multireligieuse impliquait un certain relativisme, mais que s'y opposer serait aller à l'encontre du multiculturalisme, valeur du Canada et donc que des parents trop catholiques ne pouvaient la convaincre d'obtenir une exemption au cours d'éthique et de culture religieuse.


Voir aussi

Vue d’ensemble sur la reconnaissance et la mise en œuvre du droit à la liberté de choix éducatif dans les ordres juridiques des États du Conseil de l’Europe



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