lundi 11 septembre 2023

New York noyée sous une déferlante historique de soi-disant réfugiés

Depuis quatre mois, des immigrants sans papiers débarquent au rythme de 2 400 personnes par semaine, par bus ou par avion, en groupe ou isolément. Sur une année, le chiffre, effarant, s’élève à 110 000 âmes errantes. Selon le maire de la ville cette vague « menace de détruire New York ».

Soi-disant réfugiés attendent, fin juillet, à Manhattan, d'être logés à l'hôtel Roosevelt

New York étouffe. Une vague de chaleur accablante écrase la cité en pleine rentrée scolaire, rattrapée par un scandale aux proportions imprévues. Depuis quatre mois, des immigrants sans papiers débarquent au rythme de 2 400 personnes par semaine, par bus ou par avion, en groupe ou isolément. Sur une année, le chiffre, effarant, s’élève à 110000 âmes errantes. Ils sont encore 62000 à dépendre des services municipaux, tandis que les autres sont redirigés vers des communautés rurales, à une ou deux heures de route, dans des hôtels épars. Leurs origines ? À 41% vénézuéliens, 18% équatoriens, 13% colombiens, sans compter quelques centaines de Russes transitant par le Mexique, eux aussi.

Aux quatre coins de Big Apple, des centres d’accueil improvisés ont ouvert pour traiter ce flot historique de demandeurs d’asile. Deux cents sites, au total, ont été réquisitionnés, pour l’essentiel sous des chapiteaux géants mais aussi 15 « mega shelters », des bâtiments en dur à forte capacité d’accueil. Le dernier a ouvert officiellement vendredi soir, à Long Island City dans le Queens, face à Manhattan et Turtle Bay, le siège de L’ONU. Au 47-11 Austell Place, dans une rue calme en bordure de voie ferrée, les premiers migrants sont arrivés ce week-end, hébergés dans des locaux flambant neufs, loués à prix d’or à un promoteur immobilier.

Au Creedmoor Center, 20 kilomètres plus à l’est, dans l’immense et industrieux bourg du Queens, la tension monte. Cet hôpital psychiatrique a été réquisitionné mi-août pour accueillir un autre type de patients : une vaste tente abrite un millier d’adultes. Des agents du NYPD montent la garde et de puissants projecteurs ont été dressés alentour, mais la proximité d’une école primaire, PS 208, inquiète les riverains, qui ont manifesté vendredi sur le Winchester Boulevard attenant. «Je cherche mes enfants à cette école, s’insurge un père au crâne dégarni, fines lunettes sur le nez. Je dois enjamber des migrants qui squattent là, mangent et bullent par terre. Éloignez-les de l’école. Ils ne peuvent pas être là quand je récupère mes enfants. »

L’ire populaire est générale, et grandissante : des manifestations identiques ont eu lieu à Staten Island, de l’autre côté de la baie. D’autant que tous les nouveaux entrants sont autorisés à scolariser leurs enfants dans les écoles publiques, qui doivent faire face à un afflux de nouveaux élèves imprévus : 2500 bambins, qui s’ajoutent aux 18000 intégrés l’année passée. En théorie, leurs parents ne peuvent chercher de travail, du moins pas avant six mois et à condition d’avoir rempli une «demande de protection» en vue d’obtenir formellement le droit d’asile. Problème? Seuls 3000 candidats ont rempli leur dossier, par illettrisme ou confusion devant l’opacité bureaucratique. Et beaucoup travaillent déjà au noir, essentiellement dans des petits boulots de chauffeur-livreur. Devant les centres d’accueil, des hordes de mobylettes chinoises encombrent les trottoirs, aggravant le chaos urbain et maintenant un niveau de décibels nocturne inédit. Le dilemme? «Bien sûr, c’est super qu’ils aient réussi à venir ici et à trouver du boulot, et ils ont forcément besoin de ces deux-roues, confesse un résident de Brooklyn, Jeff Alvert, mais il y a trop de perturbations la nuit, je suis réveillé tout le temps. Ils crient, ils se bagarrent, en pleine semaine. » À défaut d’en extrader les utilisateurs, les policiers confisquent les engins. Le 7 septembre, dans le quartier de Bushwick (Brooklyn), ils ont arrêté et menotté six migrants qui tentaient de s’interposer physiquement. La solution serait simple, suggère un collectif improvisé de riverains : déplacer les parcs à vélo et clôturer l’entrée de la rue pour ne laisser filtrer que les piétons.

New York est noyée sous cette vague de migrants, car la ville dispose d’une loi dite « droit à l'abri », obligeant la mairie à donner le gîte à toute personne dans le besoin. Si, dans le Massachusetts, cette mesure est limitée aux familles avec enfants, ainsi qu’aux femmes enceintes, à New York, tout individu peut en bénéficier. Sur Austell Place, les 330 premiers migrants hébergés sont tous des hommes jeunes et célibataires. Leurs allées et venues seront étroitement contrôlées, en attendant que ce «mega shelter» atteigne sa pleine capacité de mille places, dans les jours à venir.


« Une aubaine » pour les républicains

Face à cet afflux incontrôlé, le retour de boomerang politique était inévitable. La virulence du maire de la ville, un démocrate à l’ancienne, a surpris ses compatriotes. Lors d’une assemblée publique dans l’Upper West Side, le 6 septembre, Eric Adams, ancien policier du NYPD élu en janvier 2022 à la tête de la ville en promettant de résorber la criminalité et de mettre fin à l’incurie symptomatique du temps de son prédécesseur Bill de Blasio, a proféré des paroles incendiaires : « Laissez-moi vous dire une chose, New-yorkais : jamais dans ma vie je n’ai été confronté à un problème dont je ne voyais pas la fin – je ne vois pas la fin de ce problème. Ce problème va détruire la ville de New York. Cette cité, telle que nous la connaissons, nous sommes sur le point de la perdre. »

Cette tirade furieuse a valu à l’ex-flic des réactions virulentes de l’aile gauche du Parti démocrate. Les républicains, eux, savourent l’aubaine : à treize mois de l’élection présidentielle, le maire démocrate de la première ville du pays, avec ses 8,8 millions d’habitants, tire à boulets rouges sur son propre camp. Face à ces éloges embarrassants, Eric Adams croit savoir ce qu’il fait. À ces républicains qui croient avoir trouvé le cheval de Troie idéal pour torpiller les espoirs démocrates en 2024, il renvoie le blâme à l’administration Trump pour n’avoir pas réglé le problème de l’immigration clandestine. Friand de raccourcis trompeurs, il explique : «Nous avions réussi à redresser cette ville en vingt mois (après la pandémie de Covid-19 qui frappa de plein fouet New York), et soudain, voilà ce qui arrive. Un type complètement fou, là en bas, au Texas, a décidé qu’il allait envoyer des gens en bus jusqu’à New York City.»

La pique désigne le gouverneur du Lone Star State, Greg Abbott, qui a initié en juin des bus de migrants vers les grandes cités démocrates se réclamant «villes sanctuaires» pour les réfugiés de tous bords : Los Angeles, Chicago, Philadelphie, Washington D.C., New York. «Je vais mettre la frontière sous le nez du président Biden», déclarait Abbott en avril 2022, imité par son homologue de Floride, l’ambitieux Ron Desantis. Le problème des migrants de New York dépasse très largement l’équation texane. Seuls 13000 d’entre eux, soit moins de 15% du total, proviennent de ce point d’origine. L’immense majorité, passée par les centres d’accueil à la frontière sud, poursuit son chemin vers le nord où ils pensent trouver plus facilement des emplois, rejoindre de la famille déjà implantée ou des communautés ethniques solidaires. Sur les 11 millions de sans-papiers que compte l’Amérique, pour l’essentiel travailleraient et payeraient leurs impôts mais sans statut légal, la plupart se sont donc débrouillés tout seuls.

Le problème, s’agissant des bus qui se déversent à la gare routière du Port Authority, près de Times Square sur la 40e Rue, tient à la nationalité des nouveaux entrants : selon Miriam Jordan et Edgar Sandoval, du New York Times, les Vénézuéliens constituent une vague d’immigration relativement nouvelle aux États-Unis, en contraste avec les Mexicains, Salvadoriens ou Honduriens transhumant vers le nord depuis des décennies. Ils n’ont pas ou peu de contacts personnels, proches ou amis fiables prêts à les accueillir, et n’ont pas un sou en poche. Le flot actuel exerce donc une pression soudaine et massive sur les organisations caritatives et les centres d’accueil, à défaut d’autre point de chute dans la jungle urbaine new-yorkaise.

Un fardeau financier

Le fardeau est financier : tous les services municipaux vont souffrir, martèle Eric Adams, selon lequel New York devra dépenser 12 milliards de dollars au cours des trois prochaines années pour gérer la crise, après les 3,6 milliards déjà dépensés sur un an. Effrayée par le spectre de la faillite historique de 1975, La municipalité démocrate appelle les autorités fédérales à la rescousse. Les États de New York, mais aussi du Massachusetts et de l’illinois, ont déclaré l’état d’urgence afin d’obliger l’administration fédérale à débloquer des fonds spéciaux. « Austell Place est une nouvelle étape dans nos efforts pour faire notre part, mais comme nous le disons mois après mois, seul un soutien accru de notre État et de nos partenaires fédéraux permettra de gérer véritablement cette crise», insiste Adams. Or, la Maison-blanche, qui a débloqué une aide de 140 millions de dollars pour la cité et l’état de New York, ne veut surtout pas se mouiller dans ce dossier explosif, alors que les républicains y ont enregistré des gains spectaculaires lors des élections de mi-mandat (midterms) en novembre 2022, reconquérant au passage la Chambre des représentants. Face à l’enjeu bipartisan de l’immigration clandestine, le camp démocrate avance en ordre dispersé, rattrapé par une véritable «bombe à retardement » politique. « La seule question est de savoir quand tout cela va exploser, d’une manière ou d’une autre, argue un ancien édile de gauche, Charlie King. Je ne sais pas combien de temps nous allons pouvoir esquiver le problème, et je ne suis pas sûr que cela s’arrange dans les dix-huit à vingt-quatre mois qui viennent.
 
Source : Le Figaro

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