lundi 23 août 2021

Dinguekerque américain en Afghanistan : l'effondrement d'une superpuissance

Un texte de Mark Steyn (un Américano-belgo-canadien). Notre traduction.

Une semaine après la chute de Kaboul, l’hégémon agité continue de s’enfoncer.

La date butoir officielle pour un retrait total des forces américaines en Afghanistan est le 31 août, la moitié du temps imparti est donc écoulée. Au cours de cette première de deux semaines, selon le ministère de la Défense, il n’a évacué que 2 500 Américains — soit environ 350 par jour. Cela semble être une sous-performance — ou, comme le New York Post titra, « DUMKIRK » (DINGUEKERQUE ou Débilekerque).

[Depuis lors les évacuations se sont fortement accélérées, avec environ 16 000 personnes évacuées d’Afghanistan via l’aéroport de Kaboul pendant les dernières 24 heures, a annoncé le Pentagone ce lundi 23 août. Les deux tiers sur des vols américains, les autres sur des avions de « la coalition ». Samedi, le Pentagone avait bien déclaré que 2500 Américains (souvent des binationaux) avaient été évacués depuis la chute de Kaboul.]

La soi-disant « superpuisance » ressemble maintenant à l’un de ces reportages que vous voyez de temps en temps à la télé : un gars alité de 300 kilos incapable de se lever, même pour aller à l’hôpital, et qui doit être extrait par des pompiers à l’aide d’un treuil après qu’ils aient abattu une partie du mur. L’incapacité de Lloyd Austin, de Tout à fait Moderne Milley [allusion au modèle même d’un Major-Général moderne de Gilbert et Sullivan, Milley s’est dit fier de lire Ibram X. Kendi], de Taylor « La Vrille » [le porte-parole du Pentagone, Hank Taylor] et d’autres bouffons enrubannés du Potemtagone à s’adapter rapidement et efficacement aux conditions du terrain qui changent d’heure en heure est des plus révélatrices.

Ce n’est pas seulement que le général Milley et l’état-major interarmées ne savent pas planifier ; ils sont également incapables d’exécuter. Comparez les 2 500 Américains évacués de Kaboul la semaine dernière aux 7 000 Américains et alliés évacués de Saïgon [en 1975] en seulement dix-neuf heures. Milley peut-il faire autre chose en dix-neuf heures que d’appeler son tailleur et de commander sa prochaine rangée de décorations ?

Le personnel du Washington Post secouru par les troupes britanniques après que Biden a interdit aux forces américaines de s’aventurer hors de l’aéroport de Kaboul (détails)

Les talibans savent reconnaître une humiliation américaine quand ils en voient une. Pour le moment, ils se contentent de laisser Austin, Milley et le reste de l’élite minable de Washington s’enfoncer. En dehors de cela, les mollahs sont assez facétieux pour taquiner les médias occidentaux avec des allusions à un « gouvernement inclusif », bien que nous sachions tous qu’en fin de compte, le gouvernement à large assise [broad-based] ne sera pas basé sur des nanas [jeu de mots broads = gonzesses]. Pour l’instant, la clique de la charia limite ses engagements directs contre le grand Satan perdant à le chatouiller sur les réseaux sociaux, comme la reconstitution (à l’aide d’uniformes américains abandonnés à Bagram ou ailleurs) de la célèbre photo d’Iwo Jima avec le drapeau taliban (en haut).

Plus drôle que [les « humoristes »] Colbert et Fallon et les autres eunuques de la cour, mais qui ne l’est pas ? Et encore une fois, vous avez l’impression que ces gars-là nous connaissent mieux que tous les imbuvables universitaires américains de « l’élite » la plus ridicule au monde. À ce sujet, regardez la vidéo tweetée du frère de l’[ex-] président afghan (le gars qui se serait enfui avec 169 millions de dollars de taxes américaines) rejoignant les talibans.

Profitez en tant que cela dure : les grosses barbes ne vont pas indéfiniment auditionner pour Comedy Central Après avoir remporté une victoire spectaculaire, les bénéficiaires de deux décennies d’« édification de nation » à l’américaine voudront à un moment donné récupérer leur aéroport international.

C’est une tragédie humaine pour ceux qui cherchent désespérément à fuir l’Afghanistan. Mais, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, pour le reste du monde, il s’agit d’abord de l’Amérique. Nous aimons ici prendre de la hauteur, regarder les événements avec un grand angle. Quel est-il dans ce cas ? Eh bien, après la dissolution de l’Union soviétique, les États-Unis ont laissé passer leur chance d’être la seule puissance mondiale. Ils ont choisi de céder le monde, après un demi-millénaire, à une domination post-occidentale. Peu importe si l’accusation de Biden, selon laquelle l’armée nationale afghane au budget énorme, est passée à l’ennemi, est vraie ; il ne fait aucun doute que des éléments clés de la puissance nationale américaine sont passés du côté de la Chine : la Chambre de commerce, Hollywood, la NBA, sans parler des protecteurs de l’Institut de virologie de Wuhan aux CDC et au NIH ; oh, et l’alliance du renseignement Five Eyes, dont au moins deux pays (dont la Nouvelle-Zélande) désormais refusent de confronter la Chine… [Voir New Zealand Criticized for “Five Eyes” Alliance Stance on China.]

Pékin a gagné sans coup férir, ce qui est la façon de faire. Ils n’ont aucune envie d’occuper l’Afghanistan ou de célébrer (comme l’a fait Washington, confondant le Grand Jeu avec les Jeux Gays) le Mois de la Fierté à Kandahar. Votre chevrier moyen remarquera à peine la présence des communistes chinois, sauf dans la mesure où les meilleures tables du seul restaurant Michelin de Spin Boldak semblent aller aux Chinois de passage. Mais, à une heure au sud de Kaboul, le développement chinois de la deuxième plus grande mine de cuivre au monde se poursuivra à un rythme soutenu. Nous étions là-bas pendant deux décennies, mais tout le lithium ira au président Xi, juste au cas où vous penseriez que les Chinois ne maîtrisaient déjà pas assez la production mondiale des batteries, sans lesquelles tous vos joujoux informatiques ne sont que presse-papiers et butées de porte.

L’ambassade américaine à Kaboul faisait la promotion du mois LGBTI peu avant la chute de Kaboul

 

Après l’abandon de la base aérienne de Bagram par les États-Unis, les Allemands ont commencé à déplacer leur monde le mois dernier, tranquillement et sans fanfare. Toujours en juillet, le mollah Baradar, le grand patron des talibans revenu depuis à Kaboul s’est rendu en Chine pour rencontrer le ministre des Affaires étrangères de Xi. Et le gouvernement de la Grèce (qu’aucun Allemand ou Scandinave ne considérerait comme une administration fonctionnelle) a réussi d’une façon ou d’une autre à anticiper une marée imminente de migrants afghans et à compléter un mur frontalier avec la Turquie, afin d’empêcher un afflux de « réfugiés » comme le pays en connut en 2016.

Tout le monde — les Grecs, les Allemands, les Chinois — savait ce qui se tramait et allait se passer (très rapidement)…

Vendredi, on a demandé à l’idiot qui sert de secrétaire américain à la Défense pourquoi les troupes américaines à l’aéroport de Kaboul ne pouvaient pas (comme le font les Français, les Britanniques et d’autres) se déployer dans Kaboul et dans les provinces environnantes pour en extraire leurs ressortissants. M. Austin a répondu que les forces américaines n’en avaient pas « la capacité » — et en sa qualité de médiocre lobbyiste ex-membre du conseil d’administration de Raytheon, il s’y connait.

Mais au fait qu’est-ce que l’Amérique a « la capacité » de faire ? Le « visa d’immigrant spécial » pour les Afghans fidèles qui ont commis l’erreur de faire confiance à l’infidèle prend deux ans à traiter. En quoi est-il si « spécial » ? Eh bien, les visas réguliers prennent de cinq à dix ans. Aussi impressionnante que soit l’urgence relative, pour le gouvernement, de ces visas spéciaux, si vous êtes à Jalalabad [en Afghanistan près de la frontière pakistanaise] et que votre demande n’est pas déjà postée, il est sans doute plus rapide d’enfourcher un vélo pour passer le col de Khyber, de prendre un vieux vapeur rouillé de Karachi au Mexique et de vous présenter à l’accueil express sur le Rio Grande. [Note du carnet : nous pensons qu’il n’est pas impossible que l’Administration Biden accorde au plus vite tous ces visas sans être trop regardante, ce qui n’empêchera pas d’autres braves Afghans de se présenter sur la frontière ouverte au Sud des États-Unis et de tous prétendre être des réfugiés qui fuient les talibans.]

C’est ce qui va se passer. L’implosion en Afghanistan et la dissolution de la frontière sud de l’Amérique convergeront et des milliers de jeunes mahométans excités se retrouveront dans les 48 États contigus — pendant que les rares membres du personnel de soutien afghan fidèles seront bloqués à Kaboul et leur décapitation sera filmée par les djihadistes. 

Pourquoi le grand Léviathan flasque ne peut-il pas se réveiller ? Pourquoi les paras français ont-ils la « capacité » et non leurs homologues américains nettement mieux dotés et financés ? Pourquoi les Grecs peuvent-ils construire un mur frontalier en un mois alors qu’en Amérique, un candidat à la présidence ne peut que faire campagne sur le sujet pendant un an et demi pour ensuite, une fois élu, se faire berner par les chefs corrompus de son propre parti redevables à leurs donateurs ?

La semaine dernière, j’ai été réprimandé par quelques commentateurs pour ne pas avoir proposé de « solutions ». Les solutions sont adoptées par tout le monde, face à l’effondrement d’une superpuissance qui fait dans sa culotte :

~ Les prétendues Euro-mauviettes sortent de l’aéroport toutes les heures pour aller chercher leurs gens, les ramènent à « Hamid Karzai International » et les rapatrient chez eux — et par « chez eux », je ne veux pas dire le « centre de traitement » débordé au Qatar : chaque jour, la BBC montre des vols en provenance d’Afghanistan atterrissant à la base de Brize Norton dans l’Oxfordshire.

~ La Grèce, la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie [et même la Turquie] construisent des barrières frontalières ; Le parti « conservateur » américain pense que le chaos frontalier en cas de pandémie est une occasion de collecte de fonds et, après avoir ramassé le blé, les « conservateurs » ne feront rien.

Pour ce qui se passe en ce moment, c’est assez de « solution » : être la France, être la Grèce, être la Pologne — et oui, de telles comparaisons sont totalement embarrassantes pour l’Amérique, mais pas plus embarrassantes qu’Austin, Blinken et Milley qui nous expliquent pourquoi ils ne peuvent rien faire.

Ouais, ouais, je sais… Quelque part de l’autre côté de la plaine fertile [allusion à America the beautiful, un chant patriotique], un transgenre hispanique brise un plafond de verre… Les rares jours où les « éducateurs » syndiqués sont prêts à tolérer la présence physique d’écoliers masqués ou non, ils leur enseignent le meilleur de la théorie critique raciale… Au cœur des villes les plus célèbres d’Amérique, des citoyens sont attaqués au hasard en toute impunité par des aficionados #BLM brandissant des marteaux, mais détendez-vous, ces pauvres gars ont été vexés par une statue de Teddy Roosevelt ou de Kate Smith… Le Los Angeles Times dénonce Larry Elder, un homme noir, comme un suprémaciste blanc [Larry Elder, conservateur, pourrait bientôt remplacer le gouverneur démocrate de la Californie Newsom]. Parce que bientôt tous les suprémacistes noirs vont se mettre des cornes de Viking et prendre d’assaut le French Laundry [le très huppé restaurant gastronomique où le gouverneur Newsom dînait avec ses amis sans masque, contrevenant l’obligation de port de masque qu’il avait alors imposée…] Oh, et le nouvel animateur de Jeopardy vient de démissionner en pleine disgrâce parce qu’il avait dit, il y a près de 10 ans, quelque chose à propos de « nichons » et a suggéré que les femmes en maillot de bain une pièce avaient l’air « mal fagoté » — alors que les vrais nigauds [jeu de mots booby = piège, nichon ou nigaud] du Pentagone n’auront jamais à démissionner en pleine disgrâce, et ils n’ont jamais l’air maladroits parce que chaque bourde est accompagnée d’une autre rangée arc-en-ciel de décorations diversitaires.

Nos « experts » sont des experts en rien de ce qui compte : la politique diversitaire, les micro-agressions, le renversement de statue, les sports transgenres… Une grande partie du « conservatisme » américain rencontre les vandales civilisationnels à mi-chemin — non, aux deux tiers — de sorte qu’on n’aborde jamais les sujets de manière adéquate [les « conservateurs » concédant d’emblée trop à leurs adversaires] : personne ne peut objectivement regarder une chaîne de télévision américaine ou lire un journal américain et penser qu’il s’agit du discours public d’une puissance sérieuse.

Et pourtant, apparemment, plus de la moitié des Américains le pense.

Tant que cela ne changera pas, ce monde appartient à la Chine.

 

Les médias d’État chinois trollent avec délectation les États-Unis « l’Amérique est de retour » (à la maison) :
Quand votre vie semble tourner en rond, songez simplement qu’avec
4 présidents américains,
20 ans,
2 000 milliards de dollars,
2 300 vies de soldats…
le régime de l’Afghanistan est passé des talibans aux… talibans.

 

Voir aussi

À une question sur la liberté d’expression, le porte-parole des talibans a déclaré que la question devrait être posée aux entreprises américaines comme Facebook qui prétendent la promouvoir tout en continuant à censurer l’opinion des gens.

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