jeudi 28 mars 2019

L'utilité de l'école : la formation de la faculté d'attention

« Bien qu’aujourd’hui on semble l’ignorer, la formation de la faculté d’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études. [...] tout cela fait croître cette attention qui, orientée vers Dieu, est la substance même de la prière. » Ces Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu ont été écrites par Simone Weil avant son départ pour Casablanca en mai 1942 pour être remises au père Perrin, qui avait prêché à Montpellier une retraite à la Jeu­nesse étudiante chrétienne. Le père Perrin les publiera en 1950, dans le recueil Attente de Dieu.

On sait que toute l’œuvre de Simone Weil est posthume ; c’est Gustave Thibon qui la fera connaître en 1947 avec La Pesanteur et la Grâce, une anthologie des manuscrits que la philosophe lui avait confiés avant de quitter la France. On y trouve cette définition : « L’attention absolument sans mélange est prière. » Toute la pensée de Simone Weil en ces années 1941-1942 est une méditation sur cette notion clé.

Dans sa préface à  la réédition de ce texte capital, préface historique et biographique très détaillée, M. Jean Lacoste à l’heureuse inspiration de renvoyer à un article contemporain de Simone Weil, « Condition première d’un travail non servile », que l’on a publié en appendice à la Condition ouvrière, au risque d’oublier que le travail intellectuel est servile le plus souvent, quand on a perdu de vue sa raison d’être : « Les exercices scolaires n’ont pas d’autre destination sérieuse que la formation de l’attention. L’attention est la seule faculté de l’âme qui donne accès à Dieu. La gymnastique
scolaire exerce une attention intérieure discursive, celle qui raisonne ; mais, menée avec une méthode convenable, elle peut préparer l’apparition dans l’âme d’une autre attention, celle qui est la plus haute, l’attention intuitive. » Simone Weil prend soin de distinguer l’attention véritable de cette « espèce d’effort musculaire » qui consiste à « faire attention » : « L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet » à quoi l’on applique son attention. Car attention et attente sont le même mot : « Il y a pour chaque exercice scolaire une manière spécifique d’attendre la vérité avec désir et sans se permettre de la chercher. Une manière de faire atten­tion aux données d’un problème de géo­métrie sans en chercher la solution, aux mots d’un texte latin ou grec sans en chercher le sens, d’attendre, quand on écrit, que le mot juste vienne de lui­-même se placer sous la plume en repous­sant seulement les mots insuffisants. » C’est cette capacité à « attendre la vérité » et à la recevoir qui donne aux études « leur efficacité spirituelle, en dehors même de toute croyance religieuse ». Comme on aimerait que nos pédago­gues lisent avec attention ce petit livre...


De l’attention —
Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu
de Simone Weil
paru le 27 septembre 2018
aux éditons Omnia
à Paris
121 pages
ISBN-13 : 978-284100658


Source : Valeurs actuelles

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