mardi 29 mai 2012

La presse hors Québec compare avec une certaine incrédulité les frais de scolarité

Pour le Fiagro de Paris, le grand fossé qui, depuis des lustres, sépare les 8 millions de Québécois du reste du Canada, à majorité anglophone, semble ces dernières semaines redevenu insurmontable.

Le Figaro publie cette carte qui compare les frais de scolarité au Canada :




Depuis le début de la « révolution érable », les médias anglophones répercutent l'incrédulité et l'indignation du reste du pays. Non sans excès, et parfois mauvaise foi. Cette révolte étudiante, dénonce Gary Mason, éditorialiste du quotidien de Toronto (Ontario) Globe and Mail , est un pur « caprice d'enfants gâtés », qui ne se rendent pas compte que les frais d'inscription universitaires au Québec sont déjà «ridiculement bas» par rapport au reste du pays. Sa collègue Margaret Wente fustige les Québécois, ces « Grecs du Canada », en référence au pays qui rejette les mesures d'austérité imposées par l'Europe. Excédée par les débordements, Wente résume ainsi la «mentalité» des étudiants en grève  : « L'État nous doit tout et si nous ne l'obtenons pas, nous allons provoquer une émeute. »

L'hebdomadaire Maclean's de Toronto va encore plus loin. Après avoir en 2010 titré sur « la province la plus corrompue » du Canada, allusion aux divers scandales financiers ayant éclaboussé le gouvernement du premier ministre Jean Charest (Parti libéral, conservateur), il titrait la semaine passée, en une, sur « la nouvelle classe dirigeante du Québec », illustrée par la photo d'un manifestant cagoulé au regard ombrageux, assortie d'un commentaire cinglant : « Comment un groupe d'étudiants privilégiés est entré en guerre et a paralysé toute une province. Pour 325 dollars. » Soit le montant de la hausse annuelle des frais d'inscription universitaire pendant cinq ans, si le premier ministre avait pu mener à bien son projet de réforme.

Le National Post compare aussi les frais d'inscription

Le National Post s'est également penché sur les frais d'inscription dans les différentes provinces canadiennes et les principales facultés pour obtenir un diplôme de quatre ans dans le reste du Canada et (de trois ans ?) au Québec. Ces frais n'incluent pas les frais afférents supplémentaires et ne déduisent pas les crédits d'impôts et autres aides disponibles.

Nouveau-Brunswick




Terre-Neuve


Alberta


Colombie-Britannique


Île-du-Prince-Édouard


Manitoba

Nouvelle-Écosse


Ontario


Québec


Saskatchewan



La manne de l'Alberta

De la Colombie-Britannique à l'Ontario en passant par le Saskatchewan, les Canadiens anglais sont scandalisés par les largesses de l'État-providence québécois et ses universités aux frais d'inscription deux à trois fois plus faibles en moyenne qu'ailleurs. La pilule passe mal, car selon le principe de péréquation, qui vise à combler les disparités fiscales entre les provinces, les plus riches de ces dernières doivent redistribuer leur manne en direction des plus pauvres. L'Alberta, richissime grâce à l'exploitation du pétrole et du gaz naturel, est ainsi le premier contributeur net du Canada, largement au profit du Québec qui engrange 7,3 milliards de dollars par an. Tout en promouvant un modèle économique et social aux antipodes de son voisin de l'ouest.

Voir aussi

Frais de scolarité, taux de diplomation et dette du Québec





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[MàJ] Le boycott étudiant : un mouvement francophone montréalais qui se radicalise

Lysiane Gagnon (dont nous partageons peu d'analyses) résume le clivage entre Montréal et le reste de la province, ainsi qu'entre les étudiants francophones et anglophones :
« Dans la crise étudiante, il y a un net clivage entre la région montréalaise, où se concentre l'agitation, et le reste de la province. Même le cégep de Limoilou, qui a toujours été un foyer de contestation étudiante, fonctionne normalement… Mais il y a un autre clivage, encore plus spectaculaire, et celui-là a en quelque sorte scindé la ville en deux. C'est celui qui existe entre les francophones et les anglophones. Pendant que les institutions françaises étaient déchirées à des degrés divers par le conflit, du côté anglophone, l'heure était au calme… et aux études. Au collège Dawson, une institution du centre-ville qui est en quelque sorte le pendant anglais du cégep du Vieux-Montréal, 4 000 étudiants ont participé au vote (secret) et écarté le boycott. Même chose au collège John Abbott, où l'association étudiante a organisé un référendum (avec votes secrets) qui a duré toute la journée. On notera ici la procédure très démocratique qui a encadré ces décisions. À l'Université Bishop, l'association étudiante n'a même pas réussi à recueillir les 150 signatures requises pour organiser un vote ! À Concordia, l'université populaire du centre-ville qui est la version anglophone de l'UQÀM et qui a connu bien des remous sociaux, les cours n'ont jamais été suspendus. Les profs que les grévistes ont empêchés de donner leurs cours ont donné des examens en ligne ou des travaux à faire à la maison. À McGill, peu de perturbations. Au plus fort du mouvement (autour du 22 mars), quelques milliers d'étudiants ont participé au boycottage, notamment à l'École de travail social, en science po et en lettres. Il reste, selon l'université, une quarantaine de grévistes concentrés dans les « gender studies » et… en littérature française.

Comment expliquer cette différence entre des jeunes du même âge, qui vivent dans la même ville et partagent les mêmes loisirs et les mêmes activités culturelles ? La première raison est d'ordre politique. Les non-francophones, en général réfractaires au PQ, n'éprouvent pas envers le gouvernement Charest la même hargne que leurs compatriotes francophones [belle litote, le PLQ est le parti des non-francophones]. Or, ce conflit étudiant est puissamment alimenté par la mouvance péquiste, tandis que les jeunes les plus militants subissent l'influence de Québec solitaire et des organisations anarcho-communistes. Bien qu'il existe une solide et ancienne tradition de gauche chez les Anglos-Montréalais, ces derniers hésiteront à adhérer à des mouvements qui, comme QS, prônent aussi l'indépendance du Québec. Cette gauche-là est chez elle au NPD, mais ne participe pas à la fronde, car le NPD s'est (fort intelligemment) dissocié de la fronde étudiante. L'autre raison tient au fait que les Anglo-Québécois de vieille souche ont toujours valorisé l'éducation, bien davantage que les francophones. C'est aussi le cas des allophones, ces fils d'immigrants qui se sont expatriés pour donner un meilleur avenir à leurs enfants. Il s'en trouve un très grand nombre à Dawson et à Concordia. Les francophones, on le sait, sont proportionnellement moins enclins à valoriser l'éducation. En 2010, chez les 25-34 ans québécois, 24,8 % des francophones avaient un diplôme universitaire. C'était le cas de 34,9 % des anglophones… et de 37,4 % des allophones. Les francophones sont, de tous les Canadiens, ceux qui lisent le moins de livres et qui s'informent le plus par la télé. Ils sont non seulement plus nombreux à « décrocher » ou à se contenter d'un diplôme inférieur, ils sont aussi plus portés à allonger indûment la durée de leurs études collégiales ou universitaires. D'où le fait que tant d'étudiants n'aient pas hésité à compromettre leur semestre d'hiver en boycottant leurs cours… Bof, un semestre de plus ou de moins ! »





Des manifestants bruyants et survoltés ont réussi à perturber, ce matin, le retour en classe des étudiants en droit et même d'autres facultés de l'UQAM. Les cours de Droit seront même finalement levés jusqu'à vendredi.


Résumé des dernières nouvelles à midi ce mercredi


Gilles Duceppe parle d'une nécessaire indexation des frais de scolarité et des bourses et du fait que la gratuité dans le rapport Parents s'accompagnait d'une année de service civil.




Petites leçons sur ce conflit par Marc Simard, enseignant en histoire au collège François-Xavier-Garneau, à Québec :

1. Les «grévistes» veulent être écoutés, mais n'entendent rien.
Depuis le début des manifestations, les étudiants qui boycottent leurs cours exigent qu'on accueille leur discours, mais ils ne veulent pas entendre les arguments de leurs confrères majoritaires ni l'assourdissant «NON» que leur oppose la société. La génération des enfants-rois ne tolère pas d'être contredite ni même rappelée à l'ordre.
2. Les «grévistes» ne veulent pas négocier, mais gagner.
Plusieurs observateurs de bonne volonté insistent depuis plusieurs semaines pour que le gouvernement négocie avec les étudiants boycotteurs. Ils ne veulent pas comprendre que ceux-ci sont entrés en croisade avec comme seule perspective la victoire et que leur mouvement est manoeuvré par un groupe radical qui n'acceptera rien d'autre que le gel, dans une perspective de gratuité.
3. La démocratie étudiante est gravement malade.
Intimidation, violence, non-respect des injonctions, entorses aux droits démocratiques des opposants, les étudiants malmènent la démocratie et l'État de droit. Après cette crise, le gouvernement devra légiférer pour encadrer les associations étudiantes et leurs pratiques. Le vote électronique, notamment, devra leur être imposé.
4. Ce mouvement est corporatiste et même réactionnaire.
Dans ce débat, le progressisme est à «droite» et la réaction à «gauche». La proposition gouvernementale (augmentation des droits plus amélioration du régime de prêts et bourses) suppose de faire payer davantage les riches, de protéger l'accessibilité et de mieux financer les universités, valorisant ainsi la qualité de l'éducation. Les opposants campent sur le gel et suggèrent même qu'on coupe les universités et qu'on éviscère la recherche.
5. Le terrorisme est de retour au Québec, sous l'appellation de désobéissance civile.
Il a d'ailleurs reçu la bénédiction d'anciens du FLQ et de quelques artistes excités. Certains aiment croire que les casseurs et les perturbateurs des services publics proviennent de l'extérieur du mouvement étudiant. C'est de l'aveuglement volontaire.
6. Les syndicats et les groupes populaires ont fait dévier le débat.
Obnubilés par leur haine du gouvernement Charest, accusé de tous les maux, et du néo-libéralisme, qu'ils voient partout, ils sont entrés dans la danse avec comme objectif de faire tomber le gouvernement libéral. Ils s'appuient pour ce faire sur la CLASSE, pour laquelle le débat sur les droits n'est qu'une étape vers la révolution anarchiste.
7. Les enseignants qui soutiennent ou même encouragent les «grévistes» nuisent à la profession.
Les profs qui portent le carré rouge, manifestent ou défient des injonctions prétendent promouvoir les droits sociaux ou même faire oeuvre de pédagogie. Une brève conversation avec eux montre toutefois qu'ils sont obsédés par leur aversion à l'endroit des libéraux, leur hostilité envers le capitalisme et leur romantisme révolutionnaire. En défiant la loi et l'État de droit pour des motifs aussi mal fondés, ils piétinent leur éthique et ternissent l'image du corps enseignant.
8. Le gouvernement Charest ne peut pas céder à ces revendications.
Négocier une baisse des droits ou accepter un moratoire (requis par les syndicats et par les «roses») équivaudrait à légitimer la violence et à s'agenouiller devant les pressions d'un groupe minoritaire: la raison d'État ne le permet pas. De plus, un recul équivaudrait à un suicide politique pour le premier ministre et le PLQ.
9. Le recours aux tribunaux est entré dans les moeurs.
À moins que le gouvernement n'accorde aux associations étudiantes le droit de grève en l'encadrant strictement, les étudiants brimés feront de plus en plus de demandes d'injonctions. On peut même penser que ceux qui ont subi des dommages dus à ce conflit intenteront des recours collectifs contre leurs associations, les syndicats d'enseignants qui ont appuyé le boycottage et les institutions qui n'ont pas rempli leurs devoirs légaux.
10. La démocratie est à la fois vulnérable et solide.
Les Che et autres Trotsky en herbe jouent une pantomime de Mai 68 et s'imaginent faire la révolution. Mais outre qu'ils oublient les leçons de l'histoire (notamment comment les étudiants français furent torpillés par leurs alliés syndicaux), ils sont aveugles à une des grandes lois des bouleversements révolutionnaires: que ceux-ci ne peuvent aboutir que s'ils ont le soutien de la population, de la police et de l'armée.






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Analyse quantitative du traitement médiatique du boycott étudiant

Richard Martineau et Jean-François Dumas d'Influence Communication analysent l'importance de l'attention portée sur les « carrés » des différentes couleurs dans la presse.

Les carrés rouges auraient reçu plus de 75 % de la couverture médiatique.



La couverture accordée au conflit étudiant représente 49 fois le poids médias des nouvelles internationales au Québec.

C’est la 4e nouvelle la plus médiatisée au Québec depuis 2001 derrière le séisme à Haïti, le 11 septembre 2001 et l’investiture de Barack Obama.

C’est la nouvelle d’origine québécoise la plus médiatisée depuis 2001.

Le volume de couverture du conflit étudiant est déjà 20 % supérieur à celui du scandale des commandites qui a célébré son 10e anniversaire le 11 mars dernier.  Rappelons que le scandale des commandites avait bénéficié d’une très large couverture  entre 2002 et 2005.

Le conflit étudiant a déjà généré une vingtaine d’éclipses médiatiques depuis février. Jamais depuis 2001, un dossier n’a généré autant d’éclipses médiatiques. Rappelons qu’une éclipse médiatique est une polarisation de la couverture autour d’un sujet précis avec un poids médias égal ou supérieur à 20 %.  Certains jours RDI et LCN cèdent plus de 50 % de leur contenu au dossier.

Présentement 4 % du contenu média sur la crise porte sur les frais de scolarité.  Au début de la crise, 79 % du contenu médiatique attribué au conflit étudiant portait sur le sujet.

En raison du conflit étudiant, la politique provinciale a un poids médias 64 % supérieur à la moyenne.

En raison du conflit étudiant, l’éducation a un poids médias 1100 % supérieur à la moyenne. Pourtant on ne parle pas plus de la qualité de l’enseignement.

Ventilation depuis 4 semaines du poids des arguments de chaque mouvement dans les médias traditionnels.

Carré rouge : 75,49 %
Carré blanc : 15,37 %
Carré vert : 9,13 %

 Les mots clés les plus utilisés, en lien avec le conflit étudiant,  dans les médias traditionnels cette semaine au Québec

Loi 78 :  22,00 %
Carré rouge : 6,00 %
Frais de scolarité : 5,67 %
Casseroles :2,74 %

Source





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