jeudi 20 novembre 2025

Postes Canada et la récupération politique de l'esclavage (le timbre Marie Joseph Angélique)

Postes Canada a émis en 2025 un timbre à l’effigie de Marie-Josèphe Angélique (ci-dessous) avec le texte suivant :

Le 10 avril 1734, un incendie ravage une grande partie du quartier marchand de Montréal. Des dizaines de maisons et de bâtiments sont rasés. Marie Joseph Angélique, une esclave noire de 29 ans, est arrêtée. On dit qu’elle aurait allumé l’incendie pour échapper à sa maîtresse après avoir appris qu’elle avait été vendue et qu’elle pourrait être envoyée dans les Antilles.

Son procès dure plusieurs semaines ; plus de 20 personnes sont appelées à témoigner, mais aucune ne semble avoir été témoin du crime. La plupart accusent la jeune femme parce qu’elle avait déjà tenté de s’enfuir, affirmant qu’elle s’était aussi déjà rebellée contre sa maîtresse et l’avait menacée.

Marie Joseph Angélique maintient son innocence tout au long du procès. « Madame, je suis peut-être malveillante, mais je ne suis pas assez misérable pour commettre un tel acte », plaide-t-elle durant son interrogatoire. Elle est toutefois reconnue coupable, condamnée à mort et soumise à la torture jusqu’à l’obtention d’une confession. Le 21 juin 1734, elle est pendue sur la place publique.

Bien que les opinions des spécialistes soient partagées sur la culpabilité ou l’innocence de Marie Joseph Angélique, son histoire continue d’alimenter des conversations sur l’égalité raciale, la justice et l’importance de reconnaître les complexités du passé du Canada.

1. Opinions divergentes sur son innocence

Malgré le manque d’unanimité sur la culpabilité ou l’innocence de Marie Joseph Angélique, Poste Canada émet un timbre sur ce personnage mineur ressorti récemment par des militants de l’obscurité historique. Image-t-on faire un timbre sur un incendiaire (probable ou potentiel) blanc ?

2. Inexactitudes factuelles et omissions

Témoignages mal caractérisés :

L’article affirme que « plus de 20 personnes sont appelées à témoigner, mais aucune ne semble avoir vu le crime être commis ». Cette affirmation est partiellement inexacte. Le témoignage d’Amable Lemoine Monière, une fillette de 5 ans, est un témoignage direct, car elle déclara avoir vu Angélique transporter une pelle de braises au grenier, où l’incendie aurait débuté. Bien que ce témoignage soit douteux (en raison de l’âge de la témoin et du délai de six semaines), il constitue une preuve oculaire directe, contrairement à ce que l’article suggère. De plus, le témoignage de Marie-Manon, une esclave panis, rapportant des menaces d’Angélique, est également direct (paroles entendues), non un ouï-dire. L’article simplifie en laissant entendre que tous les témoignages étaient indirects, ce qui obscurcit la nature du procès.

Omission d’autres hypothèses (que la rébellion contre sa maîtresse)  : 

L’article ne mentionne pas que Thérèse de Couagne, la maîtresse d’Angélique, défendit son innocence, un fait rare pour une propriétaire d’esclave. Ces omissions renforcent une narrative simpliste de culpabilité ou de rébellion, sans refléter la complexité du procès.

L’article présente l’incendie comme un acte potentiellement lié à une tentative de fuite (« pour tenter une fois de plus de fuir sa servitude »), mais ne mentionne pas l’hypothèse crédible, avancée par Denyse Beaugrand-Champagne, que l’incendie pourrait avoir été accidentel (par exemple, causé par une cheminée ou un feu de cuisine). Cette omission favorise une lecture dramatique au détriment des nuances historiques. On a la nette impression qu’on veut faire d’Angélique une rebelle à honorer.

3. Anachronismes et projection de concepts modernes

Symbole de résistance ?

Angélique comme symbole de résistance : L’article dépeint Angélique comme une femme qui « a cherché à résister à son esclavage et à s’en défaire comme elle le pouvait », suggérant que l’incendie était un acte de rébellion. Cette interprétation, influencée par Afua Cooper (The Hanging of Angélique, 2006), manque de preuves solides. 

Les archives ne confirment pas que l’incendie était un acte délibéré de résistance ; l’aveu d’Angélique fut extorqué sous torture, et son comportement (ne pas fuir, aider à sauver des meubles) contredit l’idée d’une fuite planifiée. Comme le critique Evelyn Kolish (Revue d’histoire de l’Amérique française, 2006), cette lecture projette une vision moderne de résistance noire sur un contexte où la gravité de l’incendie (45 maisons et l’Hôtel-Dieu détruits dans une ville de 3 000 habitants) et le statut d’esclave d’Angélique expliquent mieux sa condamnation.

Discours sur l’égalité raciale : 

L’article affirme que l’histoire d’Angélique « continue d’alimenter les conversations sur l’égalité raciale ». Cette perspective applique un cadre contemporain à une affaire de 1734, où la notion de « racisme systémique » n’existait pas.

Dans la Nouvelle-France, les distinctions sociales reposaient sur le statut (esclave/libre, noble/roturier) plutôt que sur une idéologie raciale explicite.

Le procès d’Angélique, basé sur un témoignage douteux (Amable) et des menaces rapportées (Marie-Manon), reflèterait davantage la panique collective devant un incendie catastrophique et les failles judiciaires (ordonnance de 1670 autorisant la torture pour les crimes capitaux) que des préjugés raciaux explicites. Cette projection, critiquée par Victor Arroyo (AM Journal, 2018), risque de déformer le contexte historique.

Représentation visuelle : 

L’article de Poste Canada cite, par la suite, Charmaine Nelson, qui explique que la pose d’Angélique sur le timbre (regard déterminé et défiant) vise à contrer les représentations historiques des femmes noires comme « objets sexualisés » dans une perspective masculine blanche

Cette approche impose une lecture contemporaine de l’identité raciale et sexuelle sur une figure du XVIIIe siècle, dont aucun portrait authentique n’existe. Cette stylisation, comme le souligne l’article sur Cité Mémoire (McGill, 2021), peut manipuler l’image d’Angélique pour en faire un symbole de résistance moderne, au risque de simplifier son histoire tragique.

4. Simplification et récupération politique

Narratif héroïque : L’article présente Angélique comme une « force de caractère » et une figure de « révolte », avec un timbre où le fond orange brûlé symbolise rappelle à la fois l’incendie et son tempérament. Cette glorification, bien qu’émouvante, ignore les doutes sur sa culpabilité (et si elle est coupable sur sa motivation), soulevés par Beaugrand-Champagne, qui argue que l’incendie pourrait être accidentel et qu’Angélique fut un bouc émissaire dans une petite ville ébranlée par cette catastrophe (Montréal  avait à l’époque 200 esclaves, 60-70 noirs et 130-140 Panis). Cette récupération transforme une victime potentielle d’une injustice judiciaire en une héroïne révolutionnaire, ce que Kolish critique comme un « roman historique » plutôt qu’une analyse rigoureuse. Elle pourrait aussi être coupable d’une maladresse ayant entraîné l’incendie, à nouveau en rien une héroïne.

Manque de contextualisation judiciaire : L’article mentionne la torture comme un « sort » infligé à Angélique pour extorquer une confession, mais ne précise pas que la torture (brodequins) était une pratique légale sous l’ordonnance de 1670 pour les crimes capitaux, comme l’incendie volontaire, qui menaçait une colonie entière. Cette omission laisse entendre que la torture était exceptionnelle ou ciblée sans doute parce que noire, alors qu’elle était rare, mais habituelle dans de tels graves cas (moins de 10 cas documentés en Nouvelle-France, dont 3-5 suivis d’exécution).

Symbolisme public : La création du timbre, soutenue par des spécialistes comme Cooper et Nelson, s’inscrit dans une volonté de visibiliser l’esclavage au Canada (environ 4 200 esclaves en Nouvelle-France, dont 1 400 noirs). Cependant, en faisant d’Angélique un symbole de « résistance noire et de force féminine », l’article risque de simplifier une affaire complexe. Comme Arroyo le note, de telles initiatives peuvent privilégier une lecture identitaire moderne au détriment des faits archivés, où la condamnation d’Angélique était davantage liée à la panique et au besoin d’un coupable qu’à sa race ou son genre.

L’article de Postes Canada sur le timbre de Marie-Josèphe Angélique contient des inexactitudes (caractérisation vague des témoignages, omission de la fragilité des preuves) et projette des concepts modernes (résistance noire, égalité raciale) sur une affaire de 1734, où la gravité de l’incendie et le statut d’esclave d’Angélique expliquent mieux sa condamnation, comme le soulignent Kolish et Beaugrand-Champagne. La présentation d’Angélique comme une rebelle héroïque, avec un regard « défiant » et un fond orange symbolisant sa force, simplifie une histoire complexe par volonté de récupération politique.


Voir aussi

Supercherie : la chanteuse oscarisée Buffy Sainte-Marie se serait inventé des origines autochtones (Poste Canada lui a consacré un timbre en 2021) 

Timbre célébrant un inconnu émis par Postes Canada pour le mois de l’Histoire des Noirs (on n’est même pas sûr qu’il soit jamais venu au Canada)

Histoire — Pas de célébration pour le 350e anniversaire de d’Iberville (pas de timbre, aucune sortie en DVD de la série Diberville par Radio-Canada)

Timbre « Le Soldat Singh », faire la morale en se cachant derrière l’histoire « méconnue »

Faits peu connus sur l’esclavage au Canada

« La moitié de l’Afrique a vendu l’autre moitié de l’Afrique en tant qu’esclaves ! »

Toronto remplace le nom d’un abolitionniste par le terme emblématique d’une tribu africaine esclavagiste… (m à j).

Le génie du christianisme

« La colonisation arabe était pire que la colonisation européenne »

Éducation sur la colonisation belge au Congo dans une école belge

 
La cruauté de la traite esclavagiste à Zanzibar a laissé un héritage de haine qui explosa après l’indépendance de l’île fin 1963. Zanzibar devint alors une monarchie constitutionnelle dirigée par le sultan, mais le gouvernement fut renversé un mois plus tard et une république populaire fut proclamée. Plusieurs milliers d’Arabes, 5 000 à 12 000 Zanzibaris d’ascendance arabe et des civils indiens furent tués, des milliers d’autres furent emprisonnés et expulsés, et leurs biens confisqués.

Cette révolte et ses massacres furent consignés dans un film italien, Africa Addio, en 1966. Voir la vidéo ci-dessous en VO, sous-titrée en français.

 Document italien où apparaissent des images des massacres contre les Arabes à Zanzibar

« Tradition franque » d’hommes libres contre esclavage traditionnel méditerranéen y compris européen

Citations ethniquement incorrectes de Karl Marx 

Radio-Canada nous « éduque » : « plus de 800 mille-z esclaves en sol canadien » en 1834

Un million d’esclaves européens chez les Barbaresques 

Le génocide voilé (traite négrière musulmane)  

Histoire — la traite esclavagiste a-t-elle permis le décollage économique de l’Occident ?

 
Manuel d’histoire québécois approuvé par le Ministère (1) — chrétiens intolérants, Saint-Louis précurseur des nazis, pas de critique de l’islam tolérant pour sa part

« “Connais-toi toi-même”, ce proverbe africain », selon le plus grand syndicat d’enseignants américain

mercredi 19 novembre 2025

Faits peu connus sur l'esclavage au Canada

Chef porté par un esclave
(Université de
Colombie-Britannique)
Poussés par ce qu’on appelle la prise de conscience du racisme aux États-Unis et de son héritage esclavagiste, de nombreux militants canadiens ont tenté d’importer au Canada la politique raciale américaine qui divise la société. 

Cependant, l’examen de l’histoire de l’esclavage au Canada selon ses propres termes et en toute bonne foi ne peut déboucher sur un discours culpabilisant identique.

Un rapport publié par la Fondation Aristote pour les politiques publiques, intitulé « L’esclavage au Canada : les faits rarement évoqués » résume l’histoire sombre du pays en matière de traite des êtres humains.

Résumé

  • Avant la découverte de l’Amérique du Nord par les Européens, on dénombrait au moins 39 sociétés esclavagistes distinctes dans la seule Amérique du Nord. 

  •  À la fin du XVIIe siècle, jusqu’à deux tiers de la population de certaines communautés iroquoises étaient composés d’« adoptés », c’est-à-dire de captifs asservis provenant d’autres tribus. 

  • Un système d’alliances autochtones vendait des esclaves aux colons de la Nouvelle-France depuis des régions aussi éloignées que le bassin du fleuve Missouri, le haut Mississippi, les Grands Lacs et la baie de Chesapeake. Ces esclaves, souvent des prisonniers de guerre, étaient appelés Panis en Nouvelle-France. La plupart des esclaves d’origine amérindienne étaient en effet des Panis (connus aujourd’hui à Paris sous le nom anglais de Pawnees) établis au Nebraska et au Kansas actuels.

  • Jusqu’au XIXe siècle, les réseaux autochtones faisaient le commerce des esclaves le long de la côte Pacifique et du fleuve Columbia. L’esclavage autochtone est interdit dès 1833 par l’abolition britannique, mais continue clandestinement dans les zones éloignées jusqu’aux années 1870–1880. On assiste dans ces années aux dernières grandes razzias d’esclaves documentées (notamment par les Haïdas et Tsimshian vers le nord, et quelques cas chez les Stó : lō sur le Fraser inférieur).
  • Environ 64 % de tous les esclaves détenus par les Européens en Nouvelle-France (puis au Canada) entre le milieu du XVIIe siècle et 1834 (date à laquelle l’esclavage a été aboli dans l’Empire britannique) étaient autochtones ; 34,5 % étaient africains. Selon les estimations les plus élevées des historiens, le nombre total d’esclaves détenus au Canada pendant cette période s’élevait à 7 000 à 7 500. À titre de comparaison, plus de treize cents fois plus d’individus, soit près de 10 millions, ont été réduits en esclavage entre 1619 et 1865 aux États-Unis selon J. David Hacker dont environ 40 % étaient en vie au début de la guerre de Sécession en 1861.
  • Malgré l’opposition des législateurs propriétaires d’esclaves, le Haut-Canada a adopté la première loi de l’Empire britannique visant à mettre fin à l’esclavage, 15 ans avant que la Grande-Bretagne n’interdise la traite des esclaves, 41 ans avant qu’elle n’abolisse l’esclavage dans les Antilles et 72 ans avant les États-Unis.  
  • Le Canada a accueilli plus de 30 000 Afro-Américains qui ont fui l’esclavage et trouvé la liberté au terminus nord du chemin de fer clandestin.  
  • Cependant, l’esclavage entre les autochtones n’a été complètement éradiqué en Colombie-Britannique qu’au début du XXe siècle.




Sans surprise, la réalité de l’esclavage au Canada était très différente de celle des États-Unis. Elle était beaucoup moins proche du péché originel américain de l’esclavage de masse et s’inscrit davantage dans les « modes de connaissance autochtones », une expression volontiers promue par le gouvernement fédéral.

En effet, l’esclavage n’est pas arrivé en Amérique du Nord avec les Européens. Ceux-ci ont simplement ajouté leur propre méthode à ce commerce ignoble qui existait déjà ici.

De vastes réseaux esclavagistes autochtones envoyaient des personnes en Nouvelle-France « depuis des régions aussi lointaines que le bassin du fleuve Missouri, le haut Mississippi, les Grands Lacs et la baie de Chesapeake ».

Il s’agissait d’un réseau motivé par le désir de richesse, d’armes et de pouvoir politique tant de la part des colons que des nations autochtones.

Les captifs pris pendant la guerre constituaient la source d’esclaves la plus facilement accessible pour ces puissances autochtones. Quelque 65 % des esclaves de la Nouvelle-France coloniale étaient des Autochtones (les « Panis », comme les appelaient les Français), volés et vendus le long de routes existant depuis longtemps et empruntées par les Hurons, les Iroquois et d’autres peuples.

Il s’agit là d’une vérité profondément dérangeante qui ne doit pas être occultée. Si les mêmes critères utilisés pour critiquer les sociétés coloniales sont appliqués aux Premières Nations, alors des dizaines de cultures autochtones ont été « fondées sur l’esclavage ».

Bien après l’abolition officielle de cette pratique par l’Empire britannique en 1834, elle a survécu parmi les Premières Nations bien plus longtemps qu’on ne le pense généralement.

Le rapport de la Fondation Aristote mentionne spécifiquement Maquinna, le chef nuu-chah-nulth qui résidait à Nootka Sound, sur l'île de Vancouver. En 1803, à la suite d’un malentendu avec le capitaine d’un navire marchand anglais, Maquinna a orchestré le meurtre de tout l’équipage, à l’exception de deux hommes blancs. Tous deux ont été réduits en esclavage pendant plus de deux ans avant de s’échapper, vivant parmi les esclaves autochtones.

Loin d'être un phénomène isolé aux Nuu-chah-nulth, toute la côte Pacifique était un foyer d'esclavage avant et après la Confédération.

Le chef haïda Albert Edward Eda'nsa est né en 1810. Lorsqu’il s’est marié en 1850, il possédait 12 esclaves et en a reçu 10 autres en dot de la part du père de son épouse.

En 1883, Eda'nsa détenait toujours des êtres humains en esclavage. Cela se passait 12 ans après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération, 18 ans après la fin de la guerre civile américaine et un demi-siècle après l’abolition de l’esclavage par l’Empire britannique.

Le chef Eda'nsa fut l’un des derniers esclavagistes de l’histoire de l’Amérique du Nord. Bien sûr, la pratique répandue de l’esclavage parmi les Premières Nations n’absout pas les colons blancs. Toutefois, ce sont les Blancs qui imposèrent dans le monde la fin de ce trafic. 


Edenshaw et Hoo-yâ. Chefs à Ya-tza et Masset, île Graham, îles de la Reine-Charlotte, Colombie-Britannique. 


On constata une augmentation notable de l’acquisition d’esclaves auprès de fournisseurs autochtones au début du XVIIIe siècle en Nouvelle-France. En 1725, « la moitié des colons propriétaires d’une maison » dans le quartier commercial de Montréal possédaient un esclave autochtone.

Au total, le nombre d’esclaves en Nouvelle-France ne dépassa pas 5 % de la population de la colonie. 

Une étude menée par l’historien Marcel Trudel et publiée en 1960 estimait qu’au plus 4 185 esclaves vivaient dans ce qui est devenu le Bas-Canada (Québec) entre le milieu du XVIIe siècle et 1834, date à laquelle l’esclavage a été aboli dans l’Empire britannique.

L’esclavage existait également dans les colonies anglophones. Après la guerre d’indépendance américaine, jusqu’à 3 200 esclaves noirs ont été amenés dans le Haut-Canada et les Maritimes.

Cependant, un examen de l’histoire de l’esclavage au Canada révèle une vérité incontournable : le Canada et plus encore le Québec n’ont tout simplement pas été marqués par l’esclavage comme l’ont été les États-Unis. Alors que 10 millions de personnes ont été réduites en esclavage aux États-Unis entre 1619 et 1865, le nombre total d’esclaves (surtout autochtones donc) au Canada pendant cette période n’a jamais dépassé 7 500.

Le nombre et la longévité de l’esclavage des Autochtones en ont fait la forme de traite des êtres humains la plus marquante de l’histoire du Canada. Est-ce là ce que les défenseurs avaient à l’esprit lorsqu’ils ont déclaré que le Canada devait suivre l’exemple des États-Unis en matière de reconnaissance de l’esclavage ?

Même si certains souhaitent ardemment que le Canada et le Québec aient été « bâtis sur l’esclavage » comme les États-Unis, cette affirmation n’est pas étayée par les faits historiques. L’esclavage n’a pas façonné l’économie, la politique ou culturelle ni du Québec ni du Canada comme il a façonné celle des Américains.





Paysage religieux en France et aux États-Unis




mardi 18 novembre 2025

France — 59 % des jeunes musulmans souhaitent l'application de la charia, selon un sondage

Contexte : en France, 30 % des musulmans auraient entre 15 et 24 ans alors que 3 % auraient plus de 65 ans. (IFOP)

 Les jeunes musulmans de plus en plus rigoristes en France.

Selon un sondage IFOP, 57 % des musulmans âgés de 15 à 24 ans pensent que les lois françaises passent après les règles de l’islam. Et 42 % éprouvent de la sympathie pour une mouvance islamiste. 

Non-mixité, port du voile, fréquentation assidue de la mosquée, respect strict du ramadan, préférence marquée pour la charia plutôt que pour les lois de la République… Un sondage de l’IFOP pour la revue Écran de veille tend à démontrer que la pratique d’un islam rigoriste et la bienveillance pour certaines de ses mouvances radicales gagnent du terrain auprès de la jeune génération musulmane. Ainsi, 42 % des moins de 25 ans éprouvent de la sympathie pour l’islamisme, alors que 33 % de l’ensemble des musulmans voient les radicaux d’un bon œil. « Cette enquête dessine très nettement le portrait d’une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste », analyse François Kraus, directeur du pôle politique et actualité de l’IFOP.

« De plus en plus radicalisés, les jeunes musulmans constituent un vivier électoral pour La France insoumise autour de normes religieuses rigoristes et tentés de plus en plus par un projet politique islamiste », selon François Kraus.

L’art du sondage en matière religieuse est délicat. Les croyants ne livrent pas forcément aux sondeurs ce qu’ils ont de plus intime. Mais les résultats sont parfois sans appel. Ainsi du sondage de l’IFOP pour la revue Écran de veille, publié ce mardi 18 novembre, qui tend à démontrer que la pratique stricte de l’islam et la sympathie pour sa forme radicale ont gagné près de la moitié de la jeune génération musulmane depuis 1989.

François Kraus, directeur du pôle politique et actualité de cet institut de sondage, insiste sur le comportement notable « des plus jeunes musulmans », pour qui cette « forte réaffirmation identitaire » s’exprime en trois points : « L’intensification des pratiques cultuelles, la rigidification des rapports de genre, l’adhésion croissante aux thèses islamistes. »

Quelques chiffres significatifs appuient son propos : en 36 ans, la fréquentation de la mosquée par les moins de 25 ans est passée de 7 % à 40 %. Dans cette classe d’âge, le respect strict du ramadan a bondi, grimpant de 51 % à 83 %. Quant au port du voile, il a progressé de 16 % à 45 % chez les filles de cette génération, soit trois fois plus qu’en 2003, une année de fortes polémiques sur le sujet.

Les Frères musulmans recueillent le plus de soutien

Londres durcit le système d'asile

Le gouvernement britannique a dévoilé lundi ce qu’il présente comme la réforme la plus ambitieuse de son système d’asile « à l’époque moderne ». Sous la pression conjuguée de l’opinion publique, de l’opposition conservatrice et de la montée fulgurante du parti Reform UK, la ministre de l’intérieur Shabana Mahmood (ci-contre) a détaillé un vaste plan destiné à resserrer fortement les conditions d’accueil des migrants arrivant illégalement au Royaume-Uni.

Issue d’une famille originaire du Pakistan, Mahmood a reconnu devant les Communes que l’immigration avait façonné son propre parcours, tout en affirmant ressentir « un devoir moral » d’agir sur un sujet qui fracture profondément le pays.

« Si nous échouons à gérer cette crise, nous pousserons davantage de personnes sur un chemin qui commence par la colère et mène à la haine », a-t-elle averti, défendant une politique qu’elle revendique à la fois « ferme » et « nécessaire ».

Inspirée du modèle danois — l’un des plus restrictifs en Europe — la nouvelle doctrine promet de « rétablir l’ordre et le contrôle » aux frontières britanniques.

Coupes dans l’aide aux demandeurs d’asile

La mesure la plus spectaculaire concerne la suppression de l’octroi automatique d’une aide financière et d’un hébergement pour les personnes demandant l’asile.
Le gouvernement veut mettre fin à l’hébergement coûteux dans des hôtels, devenu l’un des symboles les plus critiqués de la crise migratoire.

Les aides sociales seront retirées à tous ceux qui, selon les autorités, sont en capacité de travailler, ainsi qu’aux demandeurs d’asile condamnés par la justice.

Statut de réfugié fortement limité

Londres souhaite par ailleurs réduire la protection accordée aux réfugiés :
  • le statut deviendra temporaire,
  • il sera réexaminé tous les deux ans et demi,
  • les migrants seront « contraints de rentrer chez eux dès que leur pays d'origine sera considéré comme sûr », 
  • les réfugiés ne pourront demander la résidence permanente qu’après 20 ans, contre cinq jusqu’ici.

Les demandeurs d’asile n’auront plus qu’une seule possibilité d’appel, et, en cas d’échec, seront automatiquement expulsés.

Si Keir Starmer affirme ne pas vouloir quitter la Convention européenne des droits de l’homme, il entend en restreindre l’application au Royaume-Uni afin de limiter les blocages juridiques dans les procédures d’expulsion.

Pression diplomatique sur plusieurs pays africains

Le gouvernement menace également de suspendre la délivrance de visas aux ressortissants de trois pays — Angola, Namibie et République démocratique du Congo — s’ils ne coopèrent pas davantage dans le renvoi de leurs nationaux en situation irrégulière au Royaume-Uni.

Une hausse des arrivées qui alimente les tensions

De juin 2024 à juin 2025, le Royaume-Uni a enregistré 111 084 demandes d’asile, un record et une progression de 14 % en un an.

La question migratoire s’impose désormais comme la première préoccupation des Britanniques, dopant les intentions de vote en faveur du parti Reform UK de Nigel Farage, qui surfe sur le sentiment d’exaspération du pays.

Les arrivées clandestines par la Manche continuent d’augmenter : 39 292 migrants ont déjà débarqué depuis le 1er janvier, dépassant le total annuel de 2024 (36 816).

Une réforme explosive au sein du parti travailliste

Ces annonces ont immédiatement suscité une levée de boucliers parmi les députés travaillistes, notamment l’aile gauche mais aussi les centristes, qui dénoncent une radicalisation de la politique migratoire.

La proposition permettant au ministère de l’intérieur de saisir certains biens de migrants — bijoux, véhicules ou vélos électriques — pour financer leur prise en charge a provoqué une vive polémique.

Les objets à valeur sentimentale, tels que alliances ou bijoux familiaux, resteraient toutefois protégés.

Réactions extérieures

Paris a salué le tournant britannique, estimant que cette réforme répondait « aux attentes » des partenaires européens.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a rappelé que les conditions d’accueil jugées trop « permissives » outre-Manche entretenaient l’attractivité de la traversée clandestine.

lundi 17 novembre 2025

Carney se félicite que la moitié de la population du Grand Toronto soit née à l'étranger

Mark Carney : « Comme vous le savez, près de la moitié des habitants de la région du Grand Toronto [la plus grande métropole du Canada] sont nés à l'étranger. Vous ne le savez peut-être pas, car ils deviennent rapidement Canadiens. Ils nous enrichissent et cela vaut pour l'ensemble de notre pays. »

La population du Grand Toronto en 2025 est estimée à environ 7,2 millions d'habitants.

Juste avant cet extrait Carney affirme au sujet de la diversité de Toronto : « Alors, quel rôle joue Toronto dans notre pays ? À bien des égards, c'est le meilleur endroit au Canada, car on y trouve tout ce qui caractérise le Canada. »

Vidéo complète (extrait est à 4 min 40)


Source: Toronto Life
 
Voir aussi 
 
 
 
 
 
 

Mathieu Bock-Côté à Tout le monde en parle sur la télévision d'État canadienne (SRC)

Les propros de René Lévesque sur les deux ministères de l'immigration :

 

Bock-Côté relève un passage du dernier livre de Ruba Ghazal, co-porte-parole du parti d'extrême gauche QS : 

Entretemps, le nouveau Premier ministre du Canada, l'irlando-britanno-canadien Mark Carney se félicite du fait que près de la moitié de la population du Grand-Toronto soit des étrangers (naturalisés) : « Ils nous enrichissent ».

dimanche 16 novembre 2025

Paris : 52 animateurs périscolaires suspendus pour violences sexuelles sur des enfants de 3 à 6 ans

La mairie de Paris a révélé, vendredi, un bilan glaçant : 52 animateurs périscolaires ont été suspendus entre 2022 et 2025 pour des signalements de violences sexuelles sur des enfants, majoritairement scolarisés en maternelle et en primaire, donc âgés de 3 à 6 ans. En 2025 seul, 16 cas ont déjà été recensés, un rythme constant depuis trois ans.Ces affaires, qui touchent les temps d’activités périscolaires (TAP) des mardis et vendredis après-midi, ont déclenché une vague d’indignation chez les parents et une réponse institutionnelle tardive, mais ferme.

Des faits précis, des victimes très jeunes

Dans le 11e arrondissement, deux établissements ont été particulièrement secoués :
  • École maternelle Alphonse-Baudin (avril 2025) : Deux animateurs suspendus. L’un sera jugé le 25 novembre pour agressions sexuelles sur cinq mineurs de moins de 15 ans et sur une collègue. L’autre a bénéficié d’un classement sans suite, mais reste écarté.
  • École maternelle Bullourde (octobre 2025) : Trois animateurs suspendus pour exhibition, agressions sexuelles et faits à caractère sexuel. Une fillette de 3 ans est au centre de l’enquête. Un camarade du même âge a témoigné avoir vu des actes. Lors de son audition par la Brigade de protection des mineurs (BPM), l’enfant a mimé des gestes précis, jugés incompatibles avec l’imagination d’un très jeune enfant.
La famille, par la voix de Me Arié Alimi, a porté plainte mi-novembre avec constitution de partie civile pour viol aggravé sur mineure de moins de 15 ans par personne ayant autorité.  « Nous craignons un très grand nombre de victimes potentielles, des faits massifs », a déclaré l’avocat, dénonçant l’opacité totale des services d’enquête et de la mairie.

D’autres familles ont été entendues. Aucune n’a reçu de suivi régulier.

Un recrutement massif, une vigilance défaillante ?


Pour Emmanuel Garot, président de la Peep (Fédération de parents d’élèves de l’enseignement public), la cause est structurelle : « Depuis la réforme des rythmes scolaires en 2013, le recrutement de 3 000 animateurs par an a été trop rapide et insuffisamment contrôlé. Des prédateurs en profitent. »


samedi 15 novembre 2025

Immigration au Canada : entre annonces officielles et réalité

Le gouvernement libéral affirme avoir réduit ses cibles d’immigration, les fixant à 380 000 résidents permanents par année. Toutefois, comme l’ont souligné plusieurs observateurs, le total réel approche plutôt les 528 000, lorsqu’on ajoute 33 000 travailleurs étrangers temporaires qui, selon certains, auraient acquis un droit de résidence permanent après de longues années au Canada à titre strictement temporaire, ainsi que 115 000 personnes dites « protégées ».


Au final, ce sont 148 000 admissions supplémentaires sur trois ans qui demeurent largement invisibles, dissimulées dans les notes budgétaires. Une légère réduction officielle ne suffit donc pas à répondre aux pressions croissantes — et rien n’indique que le gouvernement s’attaque réellement au problème.

La députée fédérale Rempel Garner a également attiré l’attention sur une pétition déposée à la Chambre des communes par la députée libérale Amandeep Sodhi, réclamant la résidence permanente et un soutien fédéral pour les étudiants étrangers et les travailleurs migrants menacés d’expulsion. Alors que de trois à cinq millions de détenteurs de visas temporaires ont déjà expiré ou arriveront à échéance sous peu, cette démarche apparaît pour plusieurs comme une tentative ouverte de normaliser des situations de dépassement de statut, un recul notable pour un gouvernement qui affirme vouloir réformer le système.

Pendant ce temps, 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille, et la crise du logement continue de s’aggraver. Malgré cela, les critiques dénoncent la poursuite de « comptabilité créative » en matière d'immigration. Une majorité de citoyens réclament encore des ajustements majeurs aux politiques d’admission, et les gestes récents du gouvernement semblent aller à l’encontre de cette demande.

Un nouveau programme sous Carney : des obstacles supplémentaires pour les jeunes Québécois

Après la controverse des « Chaires du Canada », qui a exclu certains candidats (trop masculins, trop blancs) des postes professoraux, M. Carney présente un nouveau programme susceptible de compliquer davantage l’accès des jeunes Québécois aux postes de professeurs dans les universités québécoises.

Dans son allocution du 7 novembre 2025 au Canadian Club, le premier ministre a annoncé le lancement d’une Stratégie nationale d’attraction des talents internationaux, dotée de 1,7 milliard de dollars, visant à recruter activement des chercheurs et universitaires étrangers. Il a également mis de l’avant son intention d’accroître les admissions de migrants économiques, notamment en facilitant l’arrivée de titulaires du visa américain H-1B.

Pour le gouvernement, ces mesures doivent stimuler l’innovation et la compétitivité du pays. Pour d’autres, elles risquent plutôt de marginaliser une nouvelle fois les candidats locaux — en particulier les jeunes universitaires québécois — en augmentant la concurrence internationale sur des postes déjà rares.

Chômage des jeunes près du double que celui de la population générale

En 2025, le chômage des jeunes demeure nettement plus élevé que celui de la population générale au Canada comme au Québec. À l’échelle canadienne, les 15-24 ans affichent un taux d’environ 14,7 %, soit plus du double du chômage global qui tourne autour de 7 %. Au Québec, la situation est un peu moins tendue : les jeunes présentent un taux d’environ 9,9 % pour cette même tranche d’âge, comparativement à un chômage général avoisinant 6,3 %. Malgré des variations régionales, l’écart entre jeunes et adultes reste marqué, confirmant qu’en 2025 les nouveaux entrants sur le marché du travail demeurent beaucoup plus exposés à l’instabilité et aux difficultés d’intégration que le reste de la population active.

Conclusion


Entre objectifs officiels et chiffres réels, démarches parlementaires et nouvelles stratégies d’attraction internationale, le gouvernement libéral maintient une orientation résolument militante en faveur d'une immigration élevée (aucune mesure nataliste n'a été annoncée). Or, pour de nombreux Canadiens, cette approche accentue des pressions déjà fortes sur les services publics, le logement et les perspectives professionnelles locales.

16 novembre 1885, pendaison de Louis Riel par les Britanniques


 

Louis Riel est le chef des Métis lors de la rébellion de la Rivière Rouge en 1869. Il est à 7/8 e d’ascendance française et 1/8 e indienne. Louis Riel, ainé de onze enfants, y naît en 1844 de Louis Riel (père) (1817-1864) et de Julie Lagimodière (1822-1906). Les parents de Julie sont Marie-Anne Gaboury et Jean-Baptiste Lagimodière, tous deux considérés comme des pionniers de l’Ouest canadien et des Prairies. Louis Riel (fils) suit tout d’abord les cours dispensés par les prêtres catholiques de Saint-Boniface dans le Manitoba. Remarqué par l’évêque Alexandre Taché, qui promeut l’accession à la prêtrise pour les jeunes Métis les plus prometteurs, il part pour le petit séminaire du Collège de Montréal, au Québec (à plus de 2000 km à l’Est de Saint-Boniface). Les témoignages de cette époque laissent deviner un étudiant doué pour les langues, les sciences et la philosophie, mais de tempérament lunatique. Après un bref séjour de 1866 à 1867 aux États-Unis, Louis Riel revient à la rivière Rouge (du Manitoba) le 26 juillet 1868.

Il agit comme président du Comité national des Métis. Après avoir forcé l’arrêt du mesurage des terres du Nord-Ouest par les arpenteurs ontariens, les Métis s’emparent du poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Upper Fort Garry. À titre de gouvernement provisoire, le Comité négocie l’adhésion des habitants du Nord-Ouest dans le nouveau « Dominion du Canada », ce qui aboutit en 1870 par la création de la province du Manitoba. Malheureusement, durant cette période, une cour martiale métisse condamne l’aventurier Thomas Scott à mort par peloton d’exécution. Scott, Irlandais d’origine, devient le martyr des anglophones protestants et orangistes et sa mort devient pour eux le symbole de l’hostilité des Métis envers l’Ontario.

Durant la décennie qui va suivre, Riel se réfugie aux États-Unis. Même s’il est élu député de la Chambre des communes, il ne pourra jamais y siéger étant contraint à l’exil en raison de sa condamnation pour le meurtre de Scott. Il est également atteint d’une forme de mysticisme religieux qui force ses proches à le faire interner dans des « hôpitaux pour lunatiques » du Québec entre 1875 et 1878. Il se rend ensuite au Montana jusqu’en 1884, date où il accepte de revenir dans le Nord-Ouest canadien. Convaincu qu’il est un prophète du Nouveau Monde, Riel organise et dirige la rébellion du Nord-Ouest. Après une série de batailles, Riel se rend aux éclaireurs de la Police à cheval du Nord-Ouest le 15 mai 1885.

Le 6 juillet suivant, Riel est accusé de trahison. Son procès se déroule à Regina. Bien que son avocat tente de plaider l’aliénation mentale, Riel réclame un procès politique. Amené à la barre, Louis Riel fait un discours virulent lorsqu’il s’adresse au jury. Il est finalement reconnu coupable ; les nombreux appels à la clémence ne peuvent le sauver. Son exécution est reportée trois fois, sous une pression populaire grandissante, surtout au Québec. Rien n’y fait, le verdict est maintenu en appel. Le 16 novembre 1885, Louis Riel est pendu à Regina. Depuis sa mémoire a été partiellement réhabilitée puisqu’il est considéré comme le fondateur du Manitoba et comme un des Pères de la Confédération.

Voir aussi

 22 janvier 1890 : le français aboli comme langue officielle et d’enseignement au Manitoba

 

vendredi 14 novembre 2025

Canada — 42,3 % des nouveau-nés en 2024 avaient une mère d'origine étrangère

En 2024, plus de 2 nouveau-nés sur 5 (42,3 %) avaient une mère d’origine étrangère ; cette proportion a presque doublé en un peu plus d’un quart de siècle. En outre, près de 3 nouveau-nés de mères âgées de plus de 40 ans sur 5 (57,0 %) avaient une mère d’origine étrangère en 2024.  

Parmi toutes les naissances survenues au Canada, la part attribuable à des mères nées en Inde a presque quintuplé de 1997 à 2024, passant de 2,1 % à 10,3 %, ce qui a fait de l’Inde, en 2024, le principal pays d’origine des nouvelles mères nées à l’étranger. Après l’Inde, le deuxième pays d’origine le plus fréquent parmi les mères d’origine étrangère en 2024 était les Philippines, représentant 3,1 % de toutes les naissances, suivi de la Chine (2,0 % de toutes les naissances).

Les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique (48,7 % chacune) ont enregistré la plus forte proportion de naissances de mères d’origine étrangère en 2024, tandis que la proportion la plus faible a été observée dans les provinces de l’Atlantique (23,6 %). Au Québec, ce chiffre s’établit à 32,8 %.

De 1997 à 2024, les hausses les plus importantes du nombre de naissances attribuables à des mères d’origine étrangère se sont produites en Saskatchewan (+437 %), dans les provinces de l’Atlantique (+298 %), en Alberta (+264 %) et au Manitoba (+206 %).

Haïti, l’Algérie, la France et le Maroc sont les pays d’origine les plus courants parmi les mères nées à l’étranger au Québec

Les pays d’origine les plus répandus des mères nées à l’étranger et vivant au Québec diffèrent considérablement du portrait national. En 2024, les sept pays de provenance les plus courants étaient les suivants, présentés en ordre décroissant d’importance : Haïti (2,6 %), l’Algérie (2,5 %), la France (2,1 %), le Maroc (2,0 %), la Chine (0,9 %), les Philippines (0,7 %) et le Liban (0,6 %). Ce profil particulier reflète en partie la sélection des migrants internationaux allant s’installer au Québec. Ces personnes sont sélectionnées en partie selon leur connaissance du français, et le français est la langue parlée par une importante proportion de la population dans plusieurs de ces sept pays. En 2022, cette proportion était estimée à 98 % en France, à 42 % en Haïti, à 38 % au Liban, à 36 % au Maroc et à 33 % en Algérie (Marcoux et coll., 2022).

La contribution combinée de ces sept pays d’origine maternelle aux naissances au Québec a progressé de 1997 (4,7 %) à 2024 (11,4 %), surtout en raison de la hausse des naissances de mères nées en Algérie, en France et au Maroc, ainsi qu’en Haïti dans les années plus récentes. Les naissances de mères nées en Haïti sont arrivées au premier rang en ce qui concerne leur proportion : en 2024, elle représentait plus d’une fois et demie la proportion de 1997 (2,6 % par rapport à 1,7 %, respectivement). De 1997 à 2024, la proportion des naissances attribuables aux mères nées en Algérie a octuplé (passant de 0,3 % à 2,5 %), elle a triplé chez les nouvelles mères nées en France (passant de 0,7 % à 2,1 %) et a quadruplé chez celles nées au Maroc (passant de 0,5 % à 2,0 %).

 
Proportion en pourcentage de naissances de mères nées à l’étranger selon la province de résidence (1997 à 2024)

Année Canada Prov. atlant. Québec Ontario Man. Sask. Alberta Col.-Brit.
proportion (pourcentage)
Notes : Les naissances dont le lieu de naissance de la mère est inconnu ont été réparties selon une imputation par donneur. Les données de 2024 sont considérées comme provisoires.
Sources : Statistique Canada, Base canadienne de données de l’état civil — Naissance (BCDECN).
1997 22,5 4,6 15,3 31,7 12,6 5,1 17,8 30,9
1998 22,7 4,2 15,5 31,7 12,1 4,7 18,0 31,3
1999 23,0 4,3 15,7 32,3 12,4 4,8 18,1 31,5
2000 24,2 4,6 16,5 33,8 13,7 5,3 18,8 33,3
2001 24,2 4,5 16,5 34,1 13,2 4,9 18,5 32,6
2002 24,9 4,6 17,3 35,0 13,8 4,8 19,1 33,2
2003 25,2 4,8 18,3 35,2 13,6 5,3 19,7 32,6
2004 25,9 4,5 19,1 36,0 14,4 5,0 20,2 33,2
2005 26,2 4,7 19,7 36,3 15,2 5,3 20,3 33,0
2006 26,6 4,9 20,3 36,7 15,2 5,7 21,5 32,6
2007 26,7 5,0 20,6 36,6 16,0 5,8 22,7 32,8
2008 26,7 5,2 20,5 36,3 17,0 6,6 24,3 32,2
2009 26,9 5,5 20,9 35,9 18,4 7,6 25,0 33,0
2010 27,4 6,0 21,8 36,2 19,0 9,2 26,6 32,5
2011 27,7 6,0 22,4 35,5 20,8 11,3 27,0 33,3
2012 28,7 6,6 23,1 36,1 22,3 13,1 28,9 35,4
2013 28,7 7,2 23,7 35,5 22,7 15,3 29,8 34,2
2014 29,4 7,4 24,1 35,5 24,3 17,2 31,7 35,1
2015 29,7 7,6 24,5 35,5 24,9 18,4 32,8 34,9
2016 30,9 8,6 24,9 36,8 26,9 19,6 34,3 36,3
2017 31,9 9,3 25,7 37,7 28,6 21,2 35,5 37,3
2018 32,9 10,6 26,6 38,7 29,6 22,3 36,4 38,5
2019 33,8 11,9 26,7 39,6 29,5 22,5 37,8 40,6
2020 34,2 13,4 26,1 40,3 30,6 23,0 38,4 40,6
2021 33,0 13,2 24,6 39,4 29,7 21,2 37,1 39,3
2022 35,8 15,3 27,7 42,5 30,8 21,9 39,6 42,1
2023 39,3 19,4 30,6 45,9 33,2 24,7 43,2 45,7
2024 42,3 23,6 32,8 48,7 36,3 27,2 46,4 48,7

jeudi 13 novembre 2025

Mali — Suspension des cours dans les écoles et universités pour cause de pénurie d'essence (m à j)


Billet du 27 octobre

Le ministre malien de l’Éducation a annoncé la suspension des cours dans les écoles et universités de tout le pays pour une durée de deux semaines.

Trente-huit mois après le départ des troupes françaises du Mali et l'arrivée au pouvoir d'un junte militaire hostile à la France, la situation se détériore.

Cette mesure intervient alors que des militants djihadistes ont imposé un blocus des importations de carburant à destination de Ouagadougou, provoquant une pénurie d’essence.

« Les cours seront suspendus sur l’ensemble du territoire national du lundi 27 octobre 2025 au dimanche 9 novembre 2025. Les cours reprendront le 10 novembre 2025. 

Cette décision est motivée par des perturbations dans l’approvisionnement en carburant, qui ont affecté les déplacements du personnel scolaire. Afin d’assurer la continuité de l’enseignement et l’achèvement des programmes d’études, des dispositions sont prises pour ajuster les calendriers scolaires et universitaires », a déclaré Amadou Sy Savané, ministre malien de l’Éducation, à la télévision nationale.

Les militants du groupe Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin, soutenu par Al-Qaïda, ont annoncé début septembre l’interdiction des importations de carburant en provenance des pays voisins vers le Mali, mettant à mal l’économie fragile du pays enclavé et laissant des centaines de camions-citernes bloqués à la frontière.

Le Mali, tout comme ses voisins le Burkina Faso et le Niger, lutte contre l’insurrection menée par des groupes armés, dont certains sont alliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, ainsi que par des rebelles locaux.

Le départ des troupes françaises du Mali s'est achevé le 15 août 2022 après plus de neuf ans d'intervention, suite à la décision d'Emmanuel Macron du 17 février 2022. Ce retrait a été motivé par la dégradation des relations avec la junte malienne au pouvoir.

 

mardi 11 novembre 2025

Pierre-André Taguieff sur le déni d’existence du racisme anti-Blancs


Pour Pierre-André Taguieff, une des clés d’explication du déni d’existence du racisme anti-Blancs est liée à une vision simpliste du racisme. Le philosophe poursuit son analyse critique de l’emploi du terme “racisme”. Entretien paru dans Valeurs Actuelles. 


Comme l’illustre le meurtre de Thomas Perotto à Crépol, le 19 novembre 2023, le racisme anti-Blancs fait débat dans la société française. L’observer revient à faire partie de l’extrême droite. En effet, explique le philosophe et historien des idées Pierre-André Taguieff, une « vision “coloriste”, privilégiant l’opposition entre “Blancs” et “Noirs”, est présupposée par la plupart des approches du racisme en tant que phénomène moderne ». Cette approche biaisée empêche de correctement appréhender la réalité. Le nouvel ouvrage de l’intellectuel propose de réexaminer les concepts afin de comprendre comment ce racisme contre les Blancs a même fait émerger un antiracisme anti-Blancs.

— Pourquoi le racisme anti-Blancs est-il taxé d’invention de l’extrême droite ?

— D’abord, parce qu’attribuer l’invention d’un phénomène social supposé fictif à “l’extrême droite”, catégorie floue et à géométrie variable, mais surtout instrument de disqualification de l’adversaire, est la manière la plus simple d’en nier l’existence. Ensuite, pour les nouveaux militants gauchistes qui se disent “progressistes”, cela permet de diaboliser tous ceux qui osent braver le politiquement correct en affirmant l’existence du racisme anti-Blancs. Ils sont ainsi classés parmi les “fascistes”, les “réactionnaires”, etc. Dans la guerre idéologique et culturelle, le simple fait de reconnaître, sur la base de nombreux indices, l’existence du racisme anti-Blancs fait de vous un ennemi de l’antiracisme et de l’antifascisme, atteint de “crispation identitaire”.

Enfin, c’est préserver la principale idée reçue sur le racisme, à savoir qu’il est nécessairement et exclusivement un “racisme blanc” dont les victimes sont des “non-Blancs”. Il s’agit de rendre inattaquable le postulat que le racisme est un instrument de domination, d’exploitation et de discrimination fabriqué par “les Blancs”, c’est-à-dire les peuples européens ou occidentaux et eux seuls, lesquels, en conséquence, sont coupables d’infériorisation et de déshumanisation des “autres”.

—  Que révèle cette volonté de ne dénoncer qu’un seul racisme, celui de “Blancs” à l’encontre des “non-Blancs”?

Il s’agit d’une mise en accusation des peuples “blancs”, dénoncés comme animés d’une “haine de l’autre” théorisée ou idéologisée, dont on ne trouverait aucune trace chez les non-Blancs. C’est là, selon les types d’accusateurs, un mythe, un mensonge de propagande ou l’expression d’une ignorance prétentieuse. Les intellectuels militants qui se veulent antiracistes, en disciples appliqués des universitaires d’extrême gauche à l’américaine, réduisent désormais la “blanchité” (whiteness) à une construction sociale occidentale, donc liée à la “domination blanche” et au “privilège blanc”. Certains néoantiracistes dénoncent le “pacte de blanchité” qui unirait tous les Blancs, soucieux d’assurer leur domination. D’où les usages exclusivement péjoratifs du mot, qui fonctionne ordinairement comme un terme polémique.

Il faut rappeler ici que de très nombreux ouvrages “antiracistes” sur le racisme parus aux États-Unis depuis les années 1980 soutiennent la thèse de “la nature indélébile du racisme blanc”. Traduisons : les Blancs ne peuvent cesser d’être racistes, car la “race blanche”, pour être une construction sociale, n’en est pas moins porteuse de racisme. La référence à la race n’a donc pas disparu. Le racisme est devenu l’attribut principal de la blanchité. Mais, alors que les Blancs sont accusés de racisme, ils seraient les seuls à l’être. D’où le rejet sans discussion de la notion de racisme anti-Blancs.

« Le caractère pluridimensionnel du racisme n’est pas pris en compte », observez-vous. Quelles conséquences ?

La complexité du phénomène nommé “racisme” est généralement méconnue, en particulier par ceux qui emploient le mot dans une intention polémique et ont intérêt à l’utiliser comme un mot-massue. La distinction entre le racialisme, vision de la diversité humaine en termes de races différentes et (le plus souvent) inégales, et le racisme, théorie et pratique d’un projet de domination ou d’exclusion, est un préalable obligé. Disons qu’en tout racialisme prévaut une visée cognitive s’accompagnant souvent d’illusions scientistes prises pour des explications scientifiques, alors qu’en tout racisme, ce sont les conclusions normatives et prescriptives qui prévalent, impliquant des appels à la haine et à la violence, à la discrimination, à la ségrégation ou à l’expulsion, voire à l’extermination.

Vous proposez de gagner en nuances…

Pour rompre avec le simplisme, j’ai construit le modèle des cinq dimensions du racisme, qui renvoient à autant de domaines où le racisme est observable et qui s’articulent entre eux de diverses manières. Le premier domaine concerne les attitudes (opinions, croyances, préjugés, stéréotypes), produits de divers héritages culturels ; le deuxième s’intéresse aux comportements individuels ou collectifs, qui vont de l’évitement à la discrimination, et de l’agression à la persécution, liés ou non à des mobilisations de masse ; le troisième se rapporte à la sphère dite institutionnelle, c’est-à-dire les fonctionnements institutionnels comme la ségrégation ou la discrimination, qui ne sont pas toujours reconnus comme tels, notamment lorsqu’ils se rencontrent sous de nouvelles formes (voilées, euphémisées, non revendiquées), dans ce qu’il est convenu d’appeler le “racisme systémique” ou dans le “racisme symbolique”, formation de compromis entre les valeurs-normes antiracistes et les attitudes racistes ; le quatrième englobe l’espace affectivoimaginaire, c’est-à-dire le monde des représentations, parfois délirantes — notamment complotistes —, associées à des investissements affectifs et se manifestant par des réactions émotives ou passionnelles négatives (peur, dégoût, haine, mépris, irrespect, etc.), s’exprimant le plus souvent par un imaginaire racialiste, comme c’est le cas du racisme anti-Blancs; enfin, la sphère des croyances structurées et des discours idéologiques explicites, celle donc des idéologies ou des doctrines racistes, constitue le cinquième domaine.

Les néo-antiracistes qui nient l’existence du racisme anti-Blancs refusent de reconnaître qu’il est observable dans les domaines des attitudes, des comportements, de l’imaginaire social et des idéologies, voire dans les mesures de discrimination dite positive prises pour combattre le racisme (supposé blanc), selon la formule magique qui, importée des États-Unis, traduit les trois valeurs-normes résumant le programme woke : diversité, équité, inclusion (DEI). Le néo-antiracisme se dévoile ainsi comme un pseudo-antiracisme tout en contribuant à banaliser la vision des Blancs comme ontologiquement racistes.

Vous montrez que le racisme anti-Blancs a généré un antiracisme anti-Blancs. En quoi ce dernier est-il inquiétant ?

Le racisme anti-Blancs était naguère confiné dans les mouvements nationalistes dits de libération à l’époque de la décolonisation. Aujourd’hui, l’intégration de la thématique anti-Blancs dans le discours antiraciste militant, sous l’influence des idéologues décoloniaux, légitime et banalise la haine des Blancs.

Comment bien penser le racisme ?

En commençant par cesser de mettre le mot “racisme” à toutes les sauces pour les besoins de telle ou telle propagande politique. Dans la Force du préjugé, en 1988, j’ai identifié les deux grandes catégories de déni racisant, et appelé à distinguer clairement le déni d’humanité du déni d’identité. Le premier est à la source du racisme différentialiste, le second, à l’origine du racisme universaliste. La négation de l’appartenance au genre humain, la déshumanisation de “l’autre”, n’est pas le seul geste idéologique qui produit du racisme. La négation de l’identité collective dans laquelle se reconnaît un individu ou un groupe est tout aussi productrice de racisme. C’est là jouer brutalement et avec bonne conscience la carte de l’universel abstrait contre le particulier vécu, abaissé ou nié. Dans chaque situation concrète porteuse de conflits, il faut résoudre le difficile problème suivant : comment combiner le regard universaliste avec la reconnaissance du droit à la différence ?

D’où une double obligation morale : ne jamais se montrer aveugle à l’humanité incarnée par des individus ou des groupes perçus comme différents ou étrangers, et ne jamais nier ou considérer avec mépris les identités ethniques, culturelles ou politiques (telles les identités nationales) auxquelles tiennent les individus ou les groupes. Cette double référence à une vision positive de l’universalité et à un respect des identités particulières donne son sens et sa valeur à la vie humaine. 

Du racisme en général et du racisme anti-Blancs en particulier
par Pierre-André Taguieff,
paru le 15 octobre 2025,
chez H&O éditions, 
204 pages, 
ISBN-10 ‏ : ‎ 2845474334
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2845474338

Présentation de l'éditeur

Le racisme anti-Blancs n’existe pas. Telle est la thèse des néo-antiracistes pour qui le phénomène raciste est essentiellement lié à la « domination blanche » et à l’histoire prédatrice de la civilisation occidentale. Oser prétendre que différentes formes de racisme coexistent d’une façon conflictuelle fait de vous un complice objectif du fascisme et un « facho » vous-même.

Le racisme anti-Blancs est partout. Il prédomine dans nos sociétés et dans le monde tout entier. C’est la seule forme de racisme qui doive nous préoccuper, affirment, de leur côté, certains tenants de la droite extrême.

Alors, comment faire la part des choses dans ce débat truqué ? Comment expliquer, comprendre et évaluer correctement un phénomène que l’on nie ou dont on exagère l’importance ? Pour contourner ces biais idéologiques et cognitifs, Pierre-André Taguieff nous propose tout d’abord de revenir sur la définition même du racisme afin d’appréhender son caractère pluridimensionnel, dont la composante antisémite ne doit pas être sous-évaluée. Il examine ensuite comment le racisme blanc a enfanté l’antiracisme anti-Blancs, dans lequel il voit une forme masquée de racisme, et nous éclaire sur les raisons du déni que ce dernier engendre. Enfin, il nous alerte sur les limites et les effets pervers de ce nouvel antiracisme dévoyé.


lundi 10 novembre 2025

La BBC a trafiqué le discours de Trump au Capitole en faisant croire qu’il appelait à l’insurrection


Crèches universelles : la promesse et les dérives d’un modèle québécois exporté

L’idée d’un service universel de garde d’enfants séduit de plus en plus les pays riches. Dans un contexte de crise démographique et de pénurie de main-d’œuvre, la promesse de concilier maternité et carrière exerce une forte attraction politique. Aux États-Unis, plusieurs gouverneurs démocrates et le futur maire de New York, Zohran Mamdani, s’en inspirent ouvertement. Le Nouveau-Mexique vient d’étendre la gratuité complète des garderies à toutes les familles, quel que soit leur revenu. L’ambition affichée : soulager les ménages et permettre aux femmes de rester actives sur le marché du travail.

Ce virage s’appuie sur un précédent souvent cité comme modèle : le Québec, pionnier en la matière. En 1997, la province lança un vaste programme de garde subventionnée à cinq dollars par jour, inspiré des travaux du prix Nobel James Heckman et du célèbre Perry Preschool Project mené dans les années 1960 à Ypsilanti, aux États-Unis. Cette expérience pilote, menée auprès d’enfants défavorisés de trois ans, avait montré des effets spectaculaires : meilleure réussite scolaire, baisse de la criminalité et gains sociaux durables. Ces résultats ont servi de référence mondiale, notamment pour les politiques de Tony Blair au Royaume-Uni ou de Barack Obama aux États-Unis.

Mais, comme le rappelle The Economist, le Québec n’a pas reproduit les conditions de ces essais : il les a étendus à toute la population, dès la naissance, sans garantir la même qualité éducative. Les effets ont été rapidement mesurés. Une étude majeure signée Jonathan Gruber (MIT), Michael Baker (Université de Toronto) et Kevin Milligan (UBC) a suivi des cohortes d’enfants québécois sur plusieurs années à partir des données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes. Le verdict est sévère : hausse nette de l’anxiété, de l’agressivité et de l’hyperactivité, baisse des compétences sociales et motrices. L’impact a été suffisamment marqué pour se traduire plus tard par une augmentation des crimes contre les biens et de la consommation de drogues chez les adolescents québécois.

Les chercheurs soulignent que le programme québécois a certes stimulé la participation féminine au travail – le taux d’emploi des mères a bondi de huit points pour atteindre aujourd’hui environ 87 %, l’un des plus élevés du monde – mais au prix d’un coût humain et social ignoré. En privilégiant la productivité à court terme, l’État a parfois compromis le bien-être des enfants et, paradoxalement, celui des familles.

Le trio a publié sa première étude en 2005, et les résultats étaient accablants. Le passage à la garde d'enfants universelle semblait entraîner une augmentation de l'agressivité, de l'anxiété et de l'hyperactivité chez les enfants québécois, ainsi qu'une baisse des capacités motrices et sociales. Les effets étaient importants : les taux d'anxiété ont doublé ; environ un tiers d'enfants supplémentaires ont été signalés comme hyperactifs. En effet, la différence entre les taux d'hyperactivité était plus importante que celle généralement observée entre les garçons et les filles.

Dix ans plus tard, lorsque les enfants étaient au secondaire, les auteurs ont poursuivi leur suivi. Le meilleur que l’on puisse dire est que le programme n’a eu aucun effet sur les résultats scolaires ni sur les capacités cognitives. En revanche, les enfants ont déclaré un niveau de satisfaction de vie plus faible. De plus, une hausse de la délinquance juvénile au Québec, comparativement au reste du Canada, laisse entendre qu’ils ont été condamnés pour environ un cinquième de crimes supplémentaires liés à la drogue et aux biens.

Interrogé par le New York Times, James Heckman lui-même a pris ses distances : « Ce que le Québec a créé, ce ne sont pas des écoles préscolaires de qualité, mais des entrepôts d’enfants », déclarait-il. Là où les expériences américaines misaient sur un encadrement intensif et une relation de confiance entre éducateurs et enfants, le Québec a choisi la quantité : un système massif, impersonnel, fonctionnant à coût réduit.

Cette dérive illustre la différence entre deux visions :

  • d’un côté, le modèle ciblé et qualitatif, limité aux enfants défavorisés, qui offre de réels gains éducatifs et sociaux ;

  • de l’autre, le modèle universel et extensif, qui prétend égaliser les chances mais finit souvent par niveler par le bas.

Ce constat résonne en France, où les crèches sont aussi fortement subventionnées – jusqu’à 85 % du coût pris en charge. Là encore, la recherche nuance les résultats. Des travaux de Lawrence Berger, Lidia Panico et Anne Solaz (Ined) montrent que les enfants confiés à une crèche dès l’âge d’un an présentent à deux ans davantage de troubles du comportement que ceux gardés par leurs parents ou une assistante maternelle. Autrement dit, plus la socialisation précoce est forcée, plus elle semble fragiliser le développement affectif.

Les premières années sont cruciales : le développement cognitif et émotionnel des bébés dépend avant tout d’un contact étroit et stable avec un adulte de référence. Ce besoin d’interaction intense explique pourquoi les économies d’échelle ne fonctionnent pas dans les garderies d’enfants en bas âge. Une éducatrice peut superviser vingt élèves à l’école, une douzaine à la maternelle, mais à peine deux ou trois nourrissons en crèche. Toute réduction du ratio qualité/présence adulte se traduit immédiatement par une baisse du bien-être des enfants.

Cette exigence de qualité rend le modèle extrêmement coûteux. La Finlande, qui maintient un système de garde très encadré et généreusement financé, dépense bien davantage que la moyenne de l’OCDE. À l’inverse, les pays qui cherchent à « universaliser » la garde sans moyens suffisants – comme le Québec ou désormais certains États américains – en paient le prix à long terme : dégradation du développement des enfants, pression budgétaire, et tensions sociales croissantes.

Enfin, un angle mort majeur du débat reste occulté : celui de la discrimination entre mères. Au Québec, une femme qui choisit de garder elle-même ses jeunes enfants ne reçoit aucune aide publique, contrairement à celle qui les confie au réseau subventionné. Cette iniquité, rarement discutée, traduit un biais idéologique : le modèle valorise le travail salarié féminin, mais pénalise la maternité à domicile. Il impose une norme économique plutôt qu’un véritable choix familial, marginalisant les femmes qui privilégient la présence auprès de leurs enfants durant leurs premières années.

Ainsi, la garde universelle, vantée comme moteur d’égalité et de prospérité, révèle un paradoxe : elle libère certaines femmes, mais en enferme d’autres dans une logique de conformité sociale. Le cas québécois, admiré à l’étranger, montre qu’une politique de la petite enfance ne peut se réduire à des chiffres d’emploi. Elle doit aussi considérer la qualité du lien, la diversité des parcours familiaux et la liberté réelle des parents.

Comme le conclut The Economist, les sociétés modernes se heurtent à un dilemme : soit renvoyer les mères à la maison sans soutien, soit les inciter à confier leurs bébés à des structures surchargées et mal adaptées. Entre ces deux extrêmes, il reste à inventer un modèle qui respecte à la fois le développement des enfants, la liberté des femmes et la justice entre familles.

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