mercredi 6 février 2008

Perseverare diabolicum est...

Madame Pauline Marois, contestée dans sa défense du Renouveau pédagogique lancé alors qu'elle était ministre de l'Éducation et qui interdit aux autres ténors péquistes d'exprimer leur désarroi quant à cette réforme, persiste et signe dans le Journal de Montréal de ce mercredi dans sa volonté de faire d'abord de tous les jeunes Québécois des bilingues (anglais comme deuxième langue, entendons-nous) :
« Pour intensifier l'apprentissage de l'anglais chez les jeunes, Pauline Marois voudrait que certains cours, l'histoire ou la géographie par exemple, se donnent en anglais dès la 5e année du primaire. »
Il ne s'agit même plus d'un enseignement de l'anglais, mais d'un enseignement en anglais. Et c'est ainsi que Mme Marois veut renforcer le français dont le sort, dit-elle, l'inquiète ?

Dans le même journal, M. Facal s'explique sur le fait qu'il ait demandé que la réforme scolaire soit suspendue :
Comme 25 000 autres personnes, j'ai signé une pétition qui demande un moratoire sur l'implantation de la réforme scolaire.

J'ai signé à titre de parent inquiet de voir que les changements introduits sont loin des intentions originales. Inquiet de voir que les enseignants eux-mêmes n'y croient pas en grande majorité. Inquiet de voir que chaque idée qui émane du ministère de l'Éducation a toujours en commun avec la précédente, du primaire jusqu'à l'université, de baisser les exigences.

J'ai signé aussi à titre de professeur d'université qui constate, tous les jours, l'inculture historique radicale et la pauvreté de la langue de trop de nos jeunes. Je dis cela depuis des années.

Comme l'écrivait Lise Bissonnette, les dernières pédagogies à la mode sont «dessinées pour tolérer l'ignorance». Inutile de me rappeler que la réforme n'explique pas tous nos problèmes. Inutile de me dire que j'ai la nostalgie du cours classique: je ne l'ai jamais connu.

La pauvre ministre Courchesne fait de son mieux, mais elle passe son temps à essayer de stopper les stupidités qui sortent périodiquement de son ministère.

Libre opinion

D'autres personnalités issues du PQ ont aussi signé cette pétition, sans s'être concertées avant. Un coup de téléphone aurait suffipour vérifier l'inexistence de toute collusion.

Qu'on m'explique: quand est-ce que le parent, l'enseignant et le citoyen que je suis retrouvera la permission de parler librement? En 2010, 2015 ou 2020? Au cas où on ne l'aurait pas remarqué, je ne suis plus ni député, ni ministre, ni même membre d'un conseil exécutif de circonscription depuis des années.

« Réforme de l'éducation : une supercherie ! » selon Régine Pierre

Selon Régine Pierre, professeure titulaire à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, la réforme de l'enseignement québécois lancée par Mme Pauline Marois serait une supercherie. Extraits de sa lettre ouverte :
Cherchant à camoufler leurs erreurs, ils ont continué à nous enliser en substituant des modèles à d'autres; en collant de nouveaux termes (renouveau pédagogique) sans rien changer à ce qu'ils camouflaient; en faisant des analyses tronquées et fallacieuses, en se contredisant dans des textes et des propos bourrés d'erreurs, de contrevérités et de syllogismes.

(...)

Tout cela a été possible parce que, depuis 10 ans, alors que Mme Marois lançait cette réforme, une omerta a été imposée dans tout le milieu de l'éducation empêchant tout débat, toute remise en question, toute recherche qui risquaient d'invalider la réforme. M. Bouchard l'avait dit à l'Assemblée nationale en 2000, en traitant les enseignants de dinosaures, de paresseux et d'incompétents: aucune dissidence ne serait tolérée.

La mère de la réforme, Mme Marois, a rappelé la ligne de son parti, en fin de semaine : elle ne tolère toujours pas la liberté d'expression. Ce qui est grave, c'est que les personnes auxquelles elle interdit de parler sont aujourd'hui des universitaires dont la liberté d'expression est protégée par la charte qui régit toutes les universités. Ce qui est grave surtout, c'est qu'en agissant de la sorte quand elle était ministre de l'Éducation, Mme Marois a entraîné notre système d'éducation, dont nous avions des raisons d'être fiers, dans un chaos dont il sera difficile de sortir.

En reconnaissant que leur gouvernement avait fait une erreur avec cette réforme, MM. Landry, Facal, Rebello et Lisée on fait preuve de courage et d'un sens des responsabilités que l'on voudrait voir plus souvent chez nos politiciens. Ils ne l'ont pas fait à la légère. Ils ont étudié le dossier, ils ont pris connaissance de recherches que le ministère de l'Éducation avait occultées et ils ont écouté les acteurs de cette réforme qui sont le plus touchés par les problèmes qu'elle engendre: les enseignants de la grande région de Montréal, ceux-là mêmes que fustigeait l'ex-premier ministre Bouchard. (...)

(...)

Malheureusement, ils ne seront pas les seuls à payer. Ce qui a sans doute convaincu Bernard Landry et ses collaborateurs d'intervenir dans le débat public, ce sont les mêmes données qui ont convaincu le ministre de l'Éducation Gilles de Robien, en 2006, d'abandonner la réforme que la France avait adoptée en 2002 sur un modèle similaire à celui de la Suisse, de la Belgique et du Québec. Les tout derniers résultats de l'enquête internationale PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study, 2007 [en français Programme international de recherche en lecture scolaire, ce qui donne aussi PIRLS]) sur le niveau de lecture des enfants de 4e année (9-10 ans) lui ont donné raison. La France se classe au 27e rang sur 40 pays participants, à cette étude. Les résultats sont encore pires pour les Wallons de la Belgique francophone [tous les Belges francophones ne sont pas Wallons! voir [2]) qui se retrouvent au 33e rang, loin derrière les Flamands qui occupent le 13e rang. La situation est similaire au Canada où, conformément à la tendance observée depuis 20 ans, les Québécois se classent au 23e rang[1], loin derrière l'Alberta (3e rang), la Colombie-Britannique (5e rang), l'Ontario (7e rang) et la Nouvelle-Écosse (16e rang). (...)

[1] Voir Résultats d'une évaluation internationale sur les aptitudes en lecture, les positions varient selon que l'on compte uniquement les pays ou également les parties de pays (comme l'Alberta et le Québec).

[2] Reportage belge qui compare l'école belge à l'école finlandaise, mauvais résultats dans les quartiers à forte immigration à Bruxelles (non wallonne) et dans les grandes villes de Wallonie.