dimanche 30 août 2009

François de Closets contre le « fétichisme » de l'orthographe

Long dossier sur la dictature de l'orthographe dans Le Point de cette semaine.

L’auteur, amoureux de notre langue, nous fait un aveu qui ne manque pas de courage : lui qui a publié une vingtaine d’ouvrages à succès lutte depuis toujours contre ses fautes d’orthographe.

La France a encore et toujours le culte de l’orthographe. La note de dictée, c’est le QI version française. Depuis deux siècles, l’orthographe est érigée en critère de sélection sociale et scolaire. François de Closets s’est décidé à affronter le monstre qui l’a terrorisé depuis son plus jeune âge en retraçant l’histoire de notre langue. De François Ier à Voltaire, le français a vécu une époque bénie de grande liberté orthographique.

S’il était la langue parlée de toute l’Europe, c’est que, dans l'usage commun, nul ne se souciait de la manière dont on devait l’écrire. Il existait deux orthographes : l'une extrêmement complexe utilisée par les imprimeurs, l'autre privée, très libre. Le même mot pouvait s’orthographier de plusieurs façons dans l’indifférence générale. Mais, à partir du XIXe siècle, l’État décide de figer l'orthographe et d'en imposer son usage dans les écoles et son administration. Le respect de ses règles est alors un enjeu politique…

Selon François de Closets, le temps des réformes, toutes vouées à l’échec, se referme sur la tentative de simplification de l’orthographe, en 1990, qui vit les instituteurs se faire huer par l’intelligentsia gardienne du temple.

Aujourd’hui, le niveau de dictée s’est écroulé, les enseignants se désespèrent, d’autant que le portable et ses fameux textos ont tout bouleversé. Selon Closets, nous sommes face à un dilemme : d’un côté une langue véhiculée qui ignore l’orthographe et de l’autre une graphie musée, patrimoine des élites.

Extraits de l'article (très long) :

L'orthographe est en crise. Collégiens, étudiants, cadres : les nouvelles générations ne savent plus écrire trois phrases sans erreurs. Or en France l'orthographe est une religion laïque qu'il est malséant de ne pas pratiquer dans les règles. Comment faire pour que les citoyens de ce pays soient encore capables de s'exprimer correctement par écrit dans leur langue maternelle ? Faut il imaginer une nouvelle simplification de la graphie du français, alors que chaque tentative de réforme provoque un psychodrame national ? La dégradation de l’orthographe n’annonce-t-elle pas celle de la langue française elle-même ? Faut-il compter sur les progrès des correcteurs d’orthographe informatiques ?

François de Closets s’est penché sur ce sujet qui figure en bonne place dans le catalogue des passions nationales. L’enquêteur-écrivain le plus célèbre de France signe une enquête captivante où l’on découvre que les injures faites à l’orthographe comptent parmi les dysfonctionnement nationaux qui constituent le diagnostic de ce mal français que de Closets analyse dans chacun de ses best-sellers depuis quarante ans.

Entretien du Point avec de François de Closets :

— Que se passe-t-il aujourd’hui en France avec l’orthographe ?

— Le système orthographique qui a prévalu en France pendant deux siècles est en train de s’effondrer. Les jeunes générations ne sauront plus l’orthographe et, si l’on continue comme celle, elles ne sauront plus le français non plus. Le fétichisme de la graphie est amené à disparaître. Car est en train de naître une pratique de l’écriture fluide, évolutive, entièrement nouvelle et différente de tout ce qu’on a connu. Alors qu’auparavant l’écrit était destiné à fixer le verbe, il est de plus en plus utilisé aujourd’hui pour mener des conversations écrites; l’écriture est désormais électronique et assistés par des correcteurs orthographiques. Notre siècle est celui de l’écrit et pas seulement celui de l’image. Or à l’école on continue de faire la dictée du XIXe siècle avec un stylo et du papier alors que chez eux les enfants écrivent sur ordinateur. Le savoir académique et la pratique courante, quotidienne, n’ont plus rien à voir.

— Quel est-ce fétichisme de la graphie dont vous parlez ?

— C’est celui qui a permis à peu d’illetrés de devenir un peuple de scribes au XIXe siècle. Entre le XVIe et le XVIIe siècle existaient deux orthographes : une orthographe professionnelles, complexe, qui était celle des correcteurs d’imprimerie, et une orthographe privée, très libre. Et voilà qu’au XIXe siècle l’État - ce qui est formidable ! - veut que cette orthographe soit enseignée à tous mais sans qu’elle ai été simplifié. Le défi est énorme et reposa sur la sacralisation de l’orthographe, qui se fige et est donc sanctionnée par des fautes. Aujourd’hui, les jeunes dés leur plus jeunes âge, jouent avec les mots, les torturent, les coupent, les retournent. Ils s’amusent avec le langage SMS, qui n’est qu’un nouveau système de notation et en aucun cas une nouvelle orthographe. Ils ne peuvent plus éprouver ce respect fétichiste pour notre graphie, alors ils jonglent en permanence avec les nouveaux instruments d’écriture.

[...]

— Dans votre livre, vous racontez les tentatives de réforme de l'orthographe et le rôle de ceux qui s'y sont opposés, comme ce fut le cas en 1990. Cela relève-t-il d'un clivage gauche-droite ?

— Oui, concernant le camp des réformateurs au XIXe et au début du XXe  [Note du carnet : pourtant c'est la « gauche » et les radicaux qui imposeront par l'école laïque et l'examen d'entrée à l'administration la graphie complexe et figée]  non concernant le clan des écrivains. Les réformateurs sont des gens de gauche qui se heurtent aux forces réactionnaires, les antidreyfusards [Phillipe Nemo démonte cette adéquation trop commode]1, les adversaires des lois laïques, les défenseurs de l'ordre moral, hostiles à tout changement de la graphie, quel qu'il soit. Les écrivains, quant à eux, sont sous l'Ancien Régime, à la pointe de la modernisaton de l'orthographe, les Ronsard [était-il de gauche ?], Corneille, Voltaire, Diderot sont tous dans le camp du mouvement. Mais, au XXe siècle, les écrivains passent dans le camp de la réaction, qu'ils soient de droite ou de gauche; on ne touche pas à l'orthographe.


[1] Dans Les Deux Républiques françaises, Nemo rappelle que les adeptes de « 1793 », les jacobins, ont prétendu, et prétendent encore, que la gauche a été dreyfusarde et la droite antidreyfusarde. C’est d’ailleurs ce qu’avait eu le front de dire le Premier ministre socialiste Lionel Jospin à l’Assemblée nationale, lors du centenaire de l’« Affaire » (1998). Nemo démontre, documents d’archives et travaux scientifiques à l’appui, que les dreyfusards ont été des hommes de « 1789 » (des libéraux, pp. 144-146), et les antidreyfusards des hommes de « 1793 » (des étatistes, pp. 147-155).

Voir France — les lycéens sont-ils des ânes en orthographe et en grammaire ?

Voir également Les deux révolutions françaises : 1789 et 1793

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