vendredi 25 février 2011

Réactions critiques à l'imposition du bilinguisme dans toutes les écoles du Québec à la fin du primaire

La proposition de Jean Charest de voir les élèves québécois suivre des cours d'anglais intensifs dès la sixième année suscite des réactions mitigées.

À l'école Saint-Charles de Drummondville, le programme scolaire régulier de ces élèves est condensé en cinq mois. Le reste de l'année est déjà consacré à l'apprentissage de l'anglais.

« Pour le rythme, en anglais, ça va super bien en cinq mois avec cinq périodes par jour. Ils sont très bons, mais c'est sûr qu'il y a toujours un temps d'adaptation », explique l'enseignant Dave Garon.

À nouveau, une seule pointure pour tous

Si la formule fonctionne bien dans les deux classes d'anglais intensifs de l'école, le directeur dit ne pas pouvoir l'appliquer à l'ensemble des autres élèves. « Ma première préoccupation, c'est la réussite des élèves et nous avons évalué qu'ils auraient plus de chance de bien réussir leur formation sur une base de dix mois plutôt que de cinq mois », affirme le directeur l'école Saint-Charles, Michel Poirier.

Pour le député de Drummond à l'Assemblée nationale, Yves-François Blanchet (PQ), le gouvernement fait fausse route en voulant obliger l'ensemble des élèves de sixième année à se plier à cette formule. « Là où je décroche, c'est si on dit mur à mur tous les enfants de sixième année, capables, pas capables, parents d'accord ou pas d'accord, on les envoie étudier six mois en anglais. Je ne suis pas d'accord avec cette approche-là. »

Manque de professeurs (encore !) : recruter en Ontario à quel coût ?

La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, n'écarte pas la possibilité de recruter des professeurs en Ontario pour arriver à enseigner l'anglais intensif à tous les petits Québécois d'ici cinq ans.

Line Beauchamp le reconnaît d'emblée : le recrutement des enseignants représente un « enjeu important » avec lequel son gouvernement devra composer.

De son côté, la Centrale des syndicats du Québec ne s'oppose pas à l'anglais intensif en sixième année, mais aurait préféré que le gouvernement Charest s'attaque aux problèmes liés à l'intégration des élèves en difficulté dans les classes régulières, véritable frein à la réussite, selon les enseignants

Vive opposition chez des professeurs de l'Outaouais

L'immersion anglaise pendant la moitié de la sixième année, annoncée mercredi par le premier ministre Jean Charest, ne fait pas du tout l'affaire des enseignants de l'Outaouais.

« Il n'y a jamais eu aucune consultation, c'est sorti comme un lapin d'un chapeau », a commenté hier le vice-président du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais (SEO), Robert Guérin, qui se dit « abasourdi ». Ce dernier aurait plutôt souhaité l'annonce de mesures sur l'intégration des élèves en difficulté, une problématique dénoncée depuis un bon moment par les enseignants.

À l'école primaire de l'Oiseau-Bleu, hier, cette initiative gouvernementale était le principal sujet de conversation dans les corridors, a indiqué Julie Gagnon, déléguée syndicale et enseignante de 5e année.

Pour tous les collègues avec qui elle a discuté, c'est « un non catégorique ». « Le mot qui est revenu le plus souvent, c'est 'ridicule', a raconté Mme Gagnon. On n'y croit pas. [...] On trouve ça tellement gros et ridicule que ça doit juste être un ballon politique. »

L'impact sur l'éducation offerte aux enfants doit aussi être évalué, estime Robert Guérin. Alors que les élèves de l'Outaouais obtiennent des résultats supérieurs à la moyenne québécoise dans les examens d'anglais langue seconde, c'est le contraire en français, souligne-t-il. Julie Gagnon pense que l'immersion anglaise pendant la moitié de la 6e année aura des conséquences néfastes pour les élèves qui prendront le chemin du secondaire. « Ils vont avoir de moins bonnes connaissances en français, croit-elle. C'est ça qui nous inquiète. »

Anglomanie ? Quel signal ? Tous bilingues, est-ce vraiment utile pour tous ?

Pour l'organisme Impératif français, le gouvernement actuel est anglomane. Il s'insurge contre « la vision et le projet du gouvernement du Québec d’anglicisation graduelle et systématique du réseau scolaire québécois — et demain, de l’ensemble du Québec.

Après l’enseignement de l’anglais à partir de la première année du primaire et le retour en force des écoles passerelles, c’est maintenant la défrancisation de 50 % du régime pédagogique de 6e année ! Jusqu’où nous conduira le délire anglomane du gouvernement du Québec ?

Pour Pierre Allard, éditorialiste du Droit de Gatineau, « On s'attend du gouvernement du Québec qu'il soit le défenseur du français, pas son fossoyeur. Alors que la langue française — déjà moribonde dans plusieurs coins du pays, assiégée dans les régions limitrophes du Québec, y compris l'Est ontarien et l'Acadie, menacée à l'intérieur même du Québec, notamment à Montréal et en Outaouais — aurait désespérément besoin du plus vigoureux des soutiens, voilà que l'équipe de Jean Charest promet de transformer les écoles françaises en écoles bilingues en 6e  année ! »

Il ajoute « Bien sûr, l'apprentissage d'un anglais de qualité est souhaitable pour ceux qui le veulent et qui en ont besoin. Le contexte nord-américain l'impose. Mais il est faux de prétendre, dans une société qui se proclame française, que tous les jeunes Québécois doivent devenir bilingues. Pas au Saguenay. Pas en Beauce. Même pas à Montréal. Ni à Gatineau, où pas moins de 75 000 personnes sont unilingues françaises. »

Rappelons que le chômage est moindre au Québec hors de Montréal, la métropole de plus en plus bilingue «  mur à mur ». Parmi les régions les plus dynamiques au Québec on en retrouve de nombreuses qui sont en fait massivement unilingues francophones : le Centre-du-Québec, la Capitale nationale, les régions minières du Nord.

Après l'anglais intensif en 1re, l'année bilingue en 6e...

La ministre Beauchamp ne voit as de contradiction entre cette annonce et la décision de son gouvernement de mettre en place, en 2006, l'enseignement de l'anglais dès la première année au primaire. Les horaires n'étant pas très élastiques, que sacrifie-t-on ? Pas l'éthique et culture religieuse, sujet tabou, ni l'éducation sexuelle qui sera imposée d'ici peu, ni apparemment des séances de civisme que le gouvernement veut également imposer apparemment pour garantir le vivre-ensemble (euh, nous avions cru que ce serait le rôle du merveilleux programme ECR qui allait tout régler !). Autant de nouveaux sujets « mous » de « socialisation » par l'État.

Résultats en français toujours en souffrance

Comme le fait remarquer Le Professeur masqué  :
Il est vrai qu'on a augmenté le temps consacré à l'étude du français, soit, mais on remarque que la maitrise de celui-ci n'a pas significativement augmenté avec la réforme. Au contraire, les résultats des élèves du primaire en français ont même connu une baisse. Qu'à cela ne tienne: allons de l'avant avec l'anglais intensif en sixième année du primaire alors qu'il n'existe aucun consensus quant aux risques qu'elle peut représenter pour l'apprentissage du français.

[...]

Par ailleurs, au risque d'être méchant, est-ce que les élèves anglophones de la sixième année du primaire vont avoir droit à un enseignement intensif du français langue seconde? Et si cette mesure est universelle et obligatoire, que fera-t-on avec certains élèves montréalais issus des communautés culturelles dont l'anglais est parfois meilleur que celui de leur enseignant?





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