lundi 19 novembre 2018

Australie — Le gouvernement conservateur veut sévir contre les universités qui briment la liberté d'expression

La liberté d’expression est une part fondamentale de ce qu’est une université. Fondamentale pour mener à bien des recherches et fondamentale pour que les étudiants puissent s’épanouir intellectuellement.

L’annonce du gouvernement selon laquelle l’ancien juge en chef Robert French dirigera une enquête sur la liberté d’expression dans les universités est à la fois bienvenue et importante. Les universités australiennes devraient saisir l’occasion de revoir et d’améliorer leurs politiques et leur culture institutionnelles.

Le ministre fédéral de l’Éducation, Dan Tehan, a déclaré que Robert French examinera les codes de conduite, les accords d’entreprise et les plans stratégiques, l’efficacité du cadre juridique existant et ce que d’autres pays font pour promouvoir la liberté d’expression à l’université.

Nos universités ne parviennent pas à protéger la libre recherche intellectuelle.

Le Bilan de la liberté d’expression sur les campus 2017 mené par l’Institute of Public Affairs a évalué plus de 165 politiques et actions dans les 42 universités australiennes. Il a révélé que les quatre cinquièmes des politiques et des mesures prises par celles-ci sont hostiles à la libre expression. Elle a également constaté que seules huit des 42 universités australiennes ont des politiques autonomes pour la liberté d’expression comme l’exige la loi de 2003 sur le soutien à l’enseignement supérieur.

Certaines politiques universitaires empêchent tout commentaire dit « insultant » ou « importuns », un langage « offensant » et même, dans certains cas, le « sarcasme ».

La politique de bonne conduite des étudiants à l’Université Curtin, par exemple, définit le harcèlement comme « toute forme de comportement indésirable ou importun qui vous est offensant ». L’Université La Trobe [famille huguenote émigrée en Angleterre] définit l’intimidation comme une « offense [ou délit selon la traduction] non intentionnelle » et insiste pour que les étudiants n’utilisent pas un langage qui causerait des « blessures émotionnelles ». Une douzaine d’universités, dont l’Université nationale australienne, Monash et l’Université de la Nouvelle-Galles-du-Sud, maintiennent des dispositions sur le blasphème qui interdisent d’offenser les gens en raison de leur religion.

Il y a également eu un certain nombre d’incidents préoccupants.

L’Université James Cook a licencié Peter Ridd après qu’il eut exprimé une opinion contraire au consensus dominant sur la Grande Barrière de Corail. La brigade antiémeute a été convoquée à l’Université de Sydney en raison d’une violente protestation contre la psychologue Bettina Arndt. L’université a fait payer aux étudiants des frais de sécurité liés à la conférence, ce qui ne fait qu’encourager un type de « droit de véto donné aux harceleurs » et aux censeurs. L’Université Victoria a annulé la projection d’un film critiquant les Instituts Confucius financés par la Chine.

Robert French sera en mesure d’élaborer un code de conduite inspiré de celui de l’Université de Chicago. La Déclaration de Chicago affirme qu’« il n’est pas du ressort des universités de protéger ses élèves des idées ou des opinions qu’ils trouveraient importunes, désagréables ou même profondément offensantes ». Tout en se félicitant des critiques formulées à l’encontre des orateurs invités, il conclut également qu’il est erroné d’« entraver ou de porter atteinte à la liberté d’expression d’autrui ». Suivant le précédent établi par une douzaine d’États américains, l’Australie devrait légiférer sur les principes de la déclaration de Chicago.

La réforme des politiques est bienvenue et importante. Néanmoins, le défi auquel sont confrontées les universités australiennes est plus vaste et plus profond.

Les universités australiennes manquent de diversité de points de vue — des perspectives différentes qui s’opposent les unes aux autres dans la recherche de la vérité. Cela conduit à une culture de censure dans laquelle les individus qui s’expriment sont traités comme des hérétiques, et des propositions telles que celles du Centre Ramsay pour la civilisation occidentale sont farouchement opposées.

Le manque de diversité des points de vue conduit également à l’autocensure. Plus tôt ce mois-ci, Andrew Marzoni a écrit dans le Washington Post que « l’université est une secte… enracinée dans la soumission à un dogme manifesté par une figure d’autorité » sous la forme de professeurs titulaires. [Pour plus détails, voir un large extrait de cet extrait ci-dessous.]

Florian Ploeckl, maître de conférences à l’Université d’Adélaïde, a averti qu’« il est plus facile d’obtenir un financement abondant si vous choisissez le bon sujet, il est plus facile de publier un article si vous ne faites pas de vagues, et la vie dans la faculté est plus facile si vous voyez le monde comme le font vos collègues. »

Le but d’une université est miné par une culture qui ne tolère pas la dissidence. La recherche dépend de personnes ayant des points de vue différents qui remettent en question les conclusions des autres pour éviter tout raisonnement motivé [un biais de confirmation par esprit panurgien dans la profession qui travaille en vase clos].

La réforme des politiques est un premier pas important, mais les universités australiennes ont un long chemin à faire pour redevenir des bastions de la libre recherche intellectuelle.

Source : The Australian, 15 novembre 2018

Qui est Peter Ridd

Le Pr Peter Ridd de l’université James Cook, à Cairns en Australie, qui enseigne la physique et participe aux travaux du Centre de recherches sur les eaux tropicales et les écosystèmes aquatiques, a simplement essayé d’être honnête en publiant de nombreux articles scientifiques rendant compte de ses constats : une grande partie des données « scientifiques » invoquées pour faire état de dommages importants subis par la grande barrière de corail « sont soit totalement erronées soit fortement exagérées », ainsi qu’il a déclaré lui-même au Herald Sun la semaine dernière.


« Un seul exemple : les taux de croissance du corail qui se sont supposément effondrés tout au long de la barrière corallienne ont au contraire un peu augmenté… Les incidences massives de décoloration le long du récif dont on prétend se servir pour apporter la preuve d’une dévastation d’origine humaine et irréversible sont presque certainement totalement naturelles », a déclaré le savant.

Pour Peter Ridd la grande barrière de corail est actuellement « dans une forme excellente » et elle repousse largement après des épisodes de décoloration et le cyclone. Ainsi, il rapporte que certaines parties du récif méridional ont vu leur masse de corail tripler en six ans après un cyclone particulièrement violent.

Que le professeur ait tort ou raison — après tout, ses affirmations, tout comme celle des réchauffistes, méritent d’être vérifiées, évaluées, passées au crible de l’expérience — il a du moins ouvert un débat qui attend une réponse scientifique. Mais c’est du débat dont l’université James Cook ne veut à aucun prix. Il a été jugé coupable de « faute professionnelle grave » et de « manque d’esprit collégial » — pour avoir contrevenu à la pensée unique…

L’affaire a été déclenchée après que Sky News eut invité le Pr Ridd à présenter ses arguments l’an dernier au mois d’août. Ridd s’était expliqué, ajoutant qu’il ne voyait pas comment continuer de faire confiance à des organisations scientifiques comme l’Institut australien des sciences marines ou encore l’Australian Research Council Centre of Excellence for Coral Reef Studies qui prêche les thèses les plus apocalyptiques.

La secte universitaire, extrait de l’article d’Andrew Marzoni

Avec le recul, les preuves étaient omniprésentes : j’avais vu des larmes inutiles dans les yeux de mes camarades de classe, harangués aux heures de bureau pour avoir eu le culot de demander une lettre de recommandation à un conseiller universitaire. La vie d’autres personnes a été suspendue pendant des mois, voire des années, par le refus des membres du comité de thèse de programmer un examen ou de répondre à un courrier électronique. J’ai rencontré les épouses et amies de professeurs chevronnés, j’ai entendu des rumeurs selon lesquelles de réputés universitaires auraient été exilés à l’étranger dans des institutions sœurs à la suite d’affaires avec des étudiantes diplômées qui avaient mal tourné. [...]

Une directrice de département, formé en tant qu’organisateur communautaire dans les années 1960, a menacé d’utiliser la loi sur la liberté de l’information pour lire les courriers électroniques des étudiants diplômés ; elle aurait pu le faire, puisque nous étions techniquement des employés de l’État. Ailleurs, une collègue de haut rang a proposé à mon amie un acte sexuel que je ne saurais nommer dans ce journal avant même le début de son nouvel emploi. Après s’être plainte à son patron, elle a été démise de ses fonctions sous d’autres prétextes. J’ai vu des étudiants diplômés dont on s’attendait à ce qu’ils paient des verres de whisky à 16 dollars pour leurs conseillers avec des cartes de crédit presque en dépassement au bar de l’hôtel lors d’une conférence universitaire. Il n’est pas rare pour un universitaire à la recherche d’emploi de consacrer 10 % de son revenu annuel — l’équivalent de la dîme — pour participer à une seule conférence et passer un entretien (le billet d’avion, le logement, les frais d’inscription et les frais accessoires). Un conseiller a même demandé à un de mes collègues d’écrire une thèse de doctorat sur un thème différent de son mémoire de maîtrise qui portait sur un philosophe dont les vues ne concordaient pas avec celles dudit conseiller. [...]

Nous endurons ces indignités lors de la recherche de postes rares, voire inexistants. En novembre dernier, Inside Higher Ed a annoncé que le nombre d’emplois annoncés par la Modern Language Association [anglais et langues étrangères] en 2016-2017 avait diminué pour une cinquième année consécutive, atteignant ainsi un nouveau plancher. La liste des postes disponibles pour 2018-2019, publiée début octobre, contient actuellement moins de 50 emplois dans mon domaine, la littérature américaine. Bien que la liste continue d’être mise à jour tout au long de l’année et que tous les postes n’y figurent pas, le décompte final n’aura aucune incidence sur le nombre de doctorats décernés cette année : malgré la pénurie de postes, les programmes de sciences humaines ont décerné 5 891 doctorats en 2015, l’année de ma thèse, un record depuis que de telles données sont tenues en 1987. Près de trois fois plus que le nombre de postes publiés pour professeurs universitaires en anglais et en langues étrangères pour la même année universitaire.

Cette asymétrie contribue à une culture de dépendance et convainc les doctorants qu’ils doivent obéir aux ordres de leurs directeurs pour obtenir des emplois de plus en plus rares. C’est aussi, au moins en partie, le résultat de l’envie des membres permanents du corps professoral, avides de disciples, qu’ils aient ou non un emploi. Inévitablement, cela se traduit par un bassin grandissant de docteurs ou de doctorants qui enseignent sur une base complémentaire, gagnant souvent moins que le salaire minimum, sans avantages sociaux, empêtrés dans des relations professionnelles inéquitables semblables à ceux des employés de l’église que je connaissais en grandissant : insécurité financière et donc enclins à accepter des offres qu’ils ne peuvent pas refuser. Avec peu de formation pratique, même en enseignement, les étudiants diplômés qui s’aventurent hors de leur discipline peuvent paraître surqualifiés pour les employeurs qui se méfient de leurs titres universitaires, mais ils sont généralement sous-qualifiés, leur expérience concrète se limitant à des emplois de service et à des piges qui les maintiennent à flot d’un semestre à l’autre. Ces fidèles qui travaillent comme adjoint, que ce soit par nécessité ou par choix, gagnent généralement moins de 5 000 dollars par classe. En 2015, le Berkeley Labor Center de l’Université de Californie a signalé qu’un quart des membres du corps professoral travaillant à temps partiel bénéficiaient de la sécurité sociale, ce qui les privait d’alternative et d’issues possibles.

L’exploitation est la base de toute secte religieuse. Les auxiliaires d'enseignement, comme les membres d’un culte, sont généralement tenus de travailler, longtemps et durement pour une rémunération modique, au service de l’institution afin de prouver leur dévouement au monde universitaire. Contrairement aux stéréotypes selon lesquels les professeurs sont au mieux de purs esprits contemplatifs et au pire des pantouflards partisans, de nombreux universitaires utilisent leurs étés et leurs congés sabbatiques pour rattraper leur retard dans la rédaction d’articles et d’un livre prévu de longue date, travaillant jusqu’à 60 heures de travail par semaine. Le cliché « publier ou périr » contredit une exigence constante de prouver son engagement et sa valeur. Cela équivaut à une peur paralysante de se « ridiculiser intellectuellement », comme l’a dit un de mes mentors. Il est difficile de ne pas considérer ces abus comme des rites de passage au service d’une cause supérieure. Les universitaires peuvent se faire passer pour des adversaires endurcis aux normes dominantes et du pouvoir constitué, mais leurs rituels de droits acquis et leur loyauté diabolique envers le réseau de leur caste et envers des privilèges établis contredit cette prétention critique. Personne ne le dit à haute voix, mais tous les étudiants diplômés le savent bien : c’est le prix à payer pour avoir une chance d’entrer dans le sanctuaire de la « titularisation ». Suivez le chef spirituel ou préparez-vous à enseigner dans une école secondaire.

Comme d’autres qui ont pris conscience de cela, je n’ai pas été étonné lorsque j’ai appris la récente enquête sur le harcèlement sexuel d’Avital Ronell [ci-dessous], professeure de littérature comparée à la New York University [une déconstructiviste de gauche radicale], que j’ai abondamment citée dans ma thèse de doctorat. La campagne de diffamation lancée par nombre de ses célèbres collègues [parmi lesquels Judith Butler, mère de la théorie du genre] contre son accusateur, Nimrod Reitman, m’a encore moins étonné. Elle ressemblait aux tactiques de réduction au silence employées par l’Église de Scientologie ainsi que d’autres sectes. Ces universitaires ne parviennent pas, honteusement, à défendre les théories radicales sur lesquelles reposent leur carrière et leur réputation.

Ce sont les personnalités qui président aux grandes organisations professionnelles, enseignent dans les meilleures écoles, utilisent leur prestige pour offrir à leurs étudiants diplômés les meilleurs emplois (ou prétendent du moins le faire), ils rédigent même les « Écritures » que leurs disciples dissémineront. Jusqu’à sa mort en 1983, le fondateur de Living Word, John Robert Stevens, partageait beaucoup de traits avec ces saints universitaires. Ses textes sont des trames denses et complexes tissées de métaphores, de termes jargonneux et de références qui exigent l’interprétation d’autres gourous dont la proximité avec la source n’est pas toujours uniquement spirituelle ou intellectuelle. Ronell, pour sa part, a commencé à parler en invoquant son propre maître disparu : le philosophe Jacques Derrida. Comme le note Andrea Long Chu, décrivant son apprentissage auprès de Ronell, la professeure a écrit qu’elle avait été « conditionnée à accomplir toute servitude, sachant que passer du temps, que ce soit à l’école supérieure ou dans le cadre d’un corps enseignant, équivalait à des actes — ou des “passivités” — de sujétion dignes d’une secte. » Les réseaux d’adulation que Derrida et d’autres évangélistes de déconstruction ont ainsi tissés ressemblent à ceux d’autres dirigeants charismatiques : les Rajneesh, Sun Myung Moon, Marshall Applewhite et Jim Jones.

Le scandale Ronell devrait nous ouvrir les yeux sur le fait que l’université du XXIe siècle est devenue une institution absolutiste qui encourage les sycophantes et une ennemie de la dissidence. La faute ne réside pas tant dans une école de pensée particulière que dans l’institution universitaire elle-même.





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