dimanche 18 octobre 2015

Cannabis : pourquoi la légalisation n'est pas la solution

Le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve (socialiste), a déclaré qu’il était « favorable au plus large débat » sur le cannabis en France. Le candidat au poste de Premier ministre du Canada, Justin Trudeau [« libéral »] a déclaré qu’il était non seulement en faveur de la décriminalisation, mais de la légalisation du cannabis.



Une erreur, selon Serge Lebigot, pour qui une légalisation serait irresponsable et dangereuse.


Serge Lebigot est le président de l’association Parents contre la drogue. Il a notamment écrit Cannabis : Ce que les parents doivent savoir, et Le Dossier noir du cannabis.

 Il a été interrogé par le FigaroVox, extrait :

— Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve s’est déclaré favorable à un large débat sur le cannabis, tandis que le grand quotidien américain New-York Times a plaidé dans un édito le 30 juillet pour la légalisation du cannabis, comparant son interdiction à la Prohibition. L’argument invoqué par le journal est que le cannabis serait moins dangereux pour la santé que l’alcool. Est-ce vrai ?

Serge LEBIGOT. — Le cannabis et l’alcool ne fonctionnent pas de la même façon.

Le cannabis fumé envahit les poumons, puis passe très rapidement du sang aux graisses du cerveau où il se fixe durablement. Aucune barrière ne l’arrête.
L’alcool est ingéré. Dans le système digestif il existe un filtre, le foie, barrière qui n’existe pas dans le système respiratoire.

Pour le NIDA [National Institute on Drug Abuse], organe gouvernemental américain, l’utilisation du cannabis chez les adolescents fait quelque chose que l’alcool ne fait pas. Il cause des dommages permanents au cerveau, notamment l’abaissement du QI.

Le haut responsable de l’Official National Drug Control Strategy R. Gil Kerlikowske répertorie le cannabis comme l’une des quatre principales drogues [cocaïne, héroïne, cannabis et méthamphétamine].

— Pourquoi ne pourrait-on pas envisager un usage réglementé du cannabis, comme c’est le cas pour l’alcool et le tabac ? Y a-t-il une différence de nature ou de degré entre le cannabis et l’alcool et le tabac qui peuvent aussi être considérés comme des substances addictives ?

— Le tabac, bien qu’il cause une dépendance, n’entrave pas les fonctions cérébrales. On peut en dire autant de l’alcool s’il est consommé avec modération. Il n’existe pas de consommation sans risques des drogues illicites, pas même du cannabis. Celui-ci perturbe les fonctions cérébrales, réduit le jugement, la concentration et la mémoire à court terme ainsi que la capacité d’accomplir des tâches routinières. De plus, la fumée du cannabis attaque les poumons, plus que celle du tabac.

De plus, pensez-vous que l’alcool soit le modèle que nous devrions utiliser pour le cannabis ? Environ 45 000 personnes meurent chaque année des conséquences de l’alcool en France. Quant au tabac, est-ce que sa vente libre le rend moins dangereux pour les fumeurs ? Le tabac tue environ 60 000 personnes par an en France.

Voulons-nous vraiment faire les mêmes erreurs avec le cannabis que celles que nous avons faites avec l’alcool et le tabac ?

Notre but ne doit-il pas être de réduire l’usage et les dommages conséquents associés à toutes les drogues.

Un des arguments invoqués par le NYT est le coût « immense » pour la société de l’interdiction du cannabis. Est-ce une réalité ? L’État ne pourrait-il pas au contraire remplir ses caisses en taxant la consommation de cannabis légale comme il le fait pour l’alcool et le tabac ?

— Le NYT pense-t-il que l’état collectera suffisamment de taxes pour compenser les coûts sociaux et économiques [santé, traitement, prévention, application de nouvelles lois, l’administration, etc.] qu’entraîneront la hausse marquée de l’usage et de l’abus du cannabis ?

Comment fera-t-il pour que cela soit différent de ce qui se passe maintenant avec l’alcool et le tabac. Les taxes générées par l’alcool et le tabac sont loin de couvrir les dépenses de santé et moins encore le coût humain.

— L’interdiction du cannabis crée toute une économie parallèle et soumet des quartiers entiers, notamment en France, à l’empire des dealers et de leur violence. Légaliser le cannabis ne permettrait-il pas de lutter efficacement contre cette délinquance ?

— Pensez-vous qu’en légalisant on empêchera les dealers de vendre du cannabis ?

Cette affirmation ne tient pas compte de la souplesse dont peut faire preuve le crime organisé dans le choix de ses modes de production afin de générer une nouvelle demande et de nouvelles sources de revenus.

Il faut vraiment être naïf pour croire que les groupes criminels vont se laisser si facilement enlever les gains immenses du trafic de cannabis. L’exemple de la prohibition de l’alcool aux États-Unis le démontre parfaitement. Est-ce que le crime organisé est parti lorsque l’alcool a été légalisé ? Non seulement la mafia ne s’est pas écroulée, après la levée de l’interdiction en 1933, mais au contraire, elle a agrandi ses réseaux. De plus, la consommation d’alcool, qui avait fortement baissé pendant la prohibition, a repris considérablement, ce qui a provoqué une augmentation des problèmes de santé.

Dans le monde entier, le commerce de la drogue se trouve entre les mains du crime organisé. Il fait de gros bénéfices lorsqu’il écoule beaucoup de marchandises. À chaque levée de prohibition des stupéfiants, il y a davantage de personnes qui prennent de la drogue et ceux qui sont déjà toxicomanes en consomment de plus grandes quantités. Cela a été le cas avec l’opium en Chine, au XIXe siècle. Une légalisation accroît donc de façon vertigineuse les profits du crime organisé. En légalisant le cannabis, l’État deviendra le partenaire commercial des groupes criminels. Ainsi, le commerce du cannabis et le blanchiment de l’argent ne pourront plus être combattus efficacement. Ce sont les réseaux criminels organisés au niveau international qui en seront les grands profiteurs, les consommateurs et leur famille devront en supporter les conséquences.

Même si, en cas de légalisation, les prix de vente étaient maintenus très bas, le crime organisé gagnerait donc toujours des sommes colossales. De plus, il le fera en toute légalité.

Et après que faudra-t-il faire pour les autres drogues que le crime organisé vend [héroïne, cocaïne, ecstasy, etc.]. Faudra-t-il les légaliser également ?

Comme vous pouvez le constater, non seulement on ne se débarrassera pas du crime organisé, mais au contraire, c’est légalement que les trafiquants de drogue continueront leur commerce, au moins aussi bien, sans être dérangés. Et les problèmes resteront les mêmes que maintenant.

Prenons l’exemple de la Suède qui avait précédemment une politique de drogue libérale. Maintenant, elle a le niveau le plus bas d’utilisation de drogue parmi les pays de l’OCDE. La Suède a fortement réussi sa politique restrictive de la drogue. À la différence d’une approche de tolérance zéro qui pousse juste les gens dans les prisons, elle a tout axé sur la prévention de l’utilisation de drogue. Cette politique a l’appui de 95 % de ses citoyens.

L’une des clés du succès du modèle suédois est la réadaptation obligatoire pour ceux accros aux drogues. L’éducation scolaire suédoise ne suppose pas, comme le font trop souvent un certain nombre d’associations en France, que l’utilisation de drogues illicites est normale ou devrait être socialement acceptée.

Voir aussi

Cannabis chez les adolescents : le QI en fumée

D'autres billets sur la drogue


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Si on se fie à la réalité des États-Unis, légaliser le pot veut dire une augmentation de nos coûts de santé et inévitablement de nos impôts...

«... aux États-Unis, la diminution du sentiment de risque associé à la consommation de cannabis a mené à une hausse de cette dernière. En parallèle, chaque année davantage de consommateurs de cannabis demandent à se faire traiter.»

https://www.unodc.org/documents/wdr2014/V1403601_french.pdf