mercredi 17 juillet 2019

Loi dite anti-fessée : demain, tous les parents seront-ils hors la loi ?

On le voit dans la limitation constante de la liberté scolaire que ce soit dans le dossier de l’instruction à la maison ou dans l’imposition aux écoles privées d’un programme étatique de plus en plus précis et la disparition d’options (plus d’éducation religieuse, uniquement ECR), les parents sont suspects de faire des choix qui déplaisent à l’État ou aux organismes militants. On voit la même tendance se dessiner dans le domaine du genre que les enfants devraient pouvoir choisir au plus jeune âge et même prendre des hormones pour ce faire, même si leurs parents s’y opposent. L’air du temps veut que l’on dépouille les parents de leur autorité. L’État utilise « le bien de l’enfant » comme il l’entend, vu de loin selon des « valeurs progressistes », pour s’immiscer sans cesse dans la vie familiale et ôter aux parents autorité et choix. Il ne s’agit bien évidemment pas ici de promouvoir la cruauté envers les enfants, mais de défendre une vision moins iréniste des relations entre le parent et ses enfants qui peuvent mal se comporter ou prendre de mauvaises décisions dont les premières personnes affectées seront les parents et non de lointains bureaucrates, juges ou militants.

Pour Olivier Babeau, président fondateur de l’Institut Sapiens, la proposition de loi relative à « l’interdiction des violences éducatives ordinaires » participe d’un combat de fond qui vise à la disparition de toute forme d’autorité au profit de celle de l’État.

Rien n’est plus révoltant qu’une violence infligée à un enfant. Il est évident qu’il faut garantir à chaque mineur une sécurité physique et affective. La loi sur « l’interdiction de la fessée » s’inscrit dans le prolongement d’une juste pénalisation des maltraitances. Est-il permis néanmoins de penser qu’elle est inutile et même dangereuse ?

L’interdiction de la fessée n’est qu’un jalon dans un combat bien plus fondamental contre toute forme d’autorité, au profit de celle de l’État. Car tout pourra demain être qualifié de « violence éducative ordinaire ». Comme le rapporte un article du Huffington Post, l’auteur du blogue Enfances épanouies identifie ainsi le fait d’obliger son enfant à se nourrir ou à s’habiller quand il fait froid, de lui faire les gros yeux, lui donner des surnoms… La contradiction est forte : il faudrait traiter l’enfant comme un adulte en miniature, ce qu’il n’est pas. Éduquer, c’est éveiller à la liberté, mais c’est aussi précisément être responsable d’un être qui n’est pas encore capable de liberté. L’idée qu’il soit possible d’éduquer par le seul dialogue raisonnable est très séduisante d’un point de vue philosophique, mais pour un parent elle atteint hélas ses limites lorsque le caprice d’un enfant, par exemple, le met lui-même en danger. Quel parent n’a jamais eu recours, pour le bien de sa progéniture, à des formes de chantage et de contrainte physique ? Demain, tous les parents seront hors la loi.

La loi procède de la vision irénique de l’éducation promue par un Jean-Jacques Rousseau dont on sait qu’il avait lui-même systématiquement abandonné ses enfants — pour le coup, une forme terrible de violence. L’enfant, naturellement bon, n’aurait pas à être guidé, mais seulement préservé de la corruption de la société. Dans son essai la Crise de l’éducation, Hannah Arendt souligne que chaque nouvelle génération est comparable à une horde de barbares qui déferle sur notre civilisation. Une réalité illustrée avec force par le roman Sa Majesté des mouches de William Golding où des enfants livrés à eux-mêmes s’ensauvagent puis s’entre-tuent. Comment ne pas être troublé par la coïncidence de la progression des violences entre les jeunes (dont le harcèlement scolaire, qui a fait récemment une tragique victime de plus), la difficulté grandissante des enseignants à maintenir l’ordre dans leur classe, avec celle d’un pédagogisme considérant l’idée même de discipline comme un crime ? La correspondance est troublante entre la furie progressiste et le recul des règles les plus élémentaires de respect et de savoir-vivre. Ne plus rien imposer aux jeunes, ne plus leur permettre de grandir par les cadres qui sont donnés, voilà la vraie violence que l’on fait aujourd’hui aux enfants que l’on renonce à civiliser.

Il peut enfin paraître paradoxal d’insister toujours plus sur la liberté de l’enfant en réduisant constamment celle des adultes. Mais ce n’est pas vraiment étonnant si l’on y réfléchit bien : notre société devrait être faite pour des adultes et ceux qui ont vocation à le devenir. Au lieu de cela, par choix idéologique, elle nous considère tous comme d’éternels mineurs placés sous l’autorité paternelle d’un État qui interdit, surveille et punit.

Voir aussi

Roberge modifie à la marge ses restrictions imposées à l’instruction à domicile

À qui sont ces enfants au juste ? (rediff)

Colombie-Britannique : cour suprême interdit aux parents de s’opposer au traitement hormonal de transition de leur fille de 14 ans

Interdiction de la fessée : « Nous allons vers une société d’enfants-rois ! »