mardi 2 juillet 2019

Interdiction de la fessée : « Nous allons vers une société d’enfants-rois ! »

Les sénateurs français ont voté mardi soir proposition de loi interdisant toute forme de violence dans l’éducation des enfants, un texte « anti-fessée ». Mais pour la philosophe Anne-Sophie Chazaud, ce texte infantilise parents et enfants, alors que la société a besoin d’une restauration de l’autorité.

Anne-Sophie Chazaud est philosophe, haute fonctionnaire et auteur d’un livre à paraître aux éditions l’artilleur consacré à la liberté d’expression.


Afin de ne pas se faire châtier par certaines organisations internationales, victime de réprimandes de la part notamment du Conseil de l’Europe ou encore du Comité des Enfants de l’ONU, la France s’est montrée bien docile et obéissante. La fessée a ainsi été formellement interdite par un vote définitif du Parlement, après l’examen d’une loi proposée par la députée du Modem Maud [centre-gauche] Petit, portée par l’ancienne ministre socialiste [gauche] Laurence Rossignol et dont la socialiste [gauche] Marie-Pierre de la Gontrie est l’heureuse rapporteuse.

La France devient ainsi le 56e pays à prohiber ces violences éducatives ordinaires, à la suite d’un mouvement de société entamé dès 1979 par la Suède.

Couverture rétrogradeCouverture politiquement correcte
et progressiste



Personne ne souhaite faire l’apologie de la violence ou de la maltraitance, face auxquelles il existe déjà tous les dispositifs juridiques nécessaires. Personne ne pense non plus que l’usage régulier, disproportionné ou arbitraire, de la violence éducative, puisse engendrer des rapports sains, équilibrés et constructifs entre des enfants et leurs parents. Mais cette intrusion du législateur dans l’intimité des rapports familiaux et des méthodes éducatives semble éminemment contestable à maints égards.

La société contemporaine, postmoderne et victimaire, se caractérise déjà par une surjudiciarisation de tous les champs relationnels. Priver les parents du droit de sanctionner, y compris par le biais d’une petite correction manuelle, ou de menacer (car le dispositif prévoit aussi l’interdiction des menaces ou des cris), est une manière non seulement de priver ceux-ci d’un levier puissant dans l’instauration d’une autorité que la société leur demande paradoxalement de restaurer (et en l’absence de laquelle on observe chaque jour d’importants dégâts), mais surtout c’est une manière fort préjudiciable de s’immiscer dans la sphère domestique, d’une façon invasive et qui sème le doute et la méfiance dans la famille. Les parents ont au contraire besoin plus que jamais d’être soutenus. Là, ils se retrouvent de facto en position d’accusés potentiels. Comme si tous étaient d’emblée des rustres issus de l’âge des cavernes, sans cœur et désireux de massacrer leurs enfants à la moindre occasion.

Les enfants choyés de Suède sont devenus des enfants-rois, plus capricieux

Un des livres de David Eberhard
dans sa traduction allemande :
« Les enfants au pouvoir, 
Les Excès monstrueux
d’une éducation libérale »
Au pays précurseur de cette aberration moralisatrice, la Suède, très rares sont ceux qui osent sortir du silence afin de dénoncer les effets désastreux de ce système qui pénalise les parents et l’autorité éducative. Laquelle n’est pas fondée sur une démocratie ou délibération permanente, mais sur une structure nécessairement asymétrique. Le psychiatre David Eberhard, courageux auteur de Les enfants suédois ont pris le pouvoir, souligne ainsi que les enfants choyés de Suède sont devenus des enfants-rois, plus capricieux et fréquemment incapables (ce qui était aisément anticipable avec un minimum de bon sens) de faire face aux frustrations et difficultés du destin une fois parvenus à l’âge adulte. Ajoutons que ces relations de méfiance et de défiance où la société s’immisce dans ce qui ne la regarde pas, engendrent par ailleurs des relations désastreuses qui ne sont pas sans évoquer les régimes totalitaires dans lesquels on incite les jeunes à dénoncer leurs parents. En Suède, de très nombreuses plaintes sont ainsi portées en mode intrafamilial, souvent complètement farfelues (par exemple, un homme s’est retrouvé mis en cause pour avoir giflé sa belle-fille qui lui avait craché au visage suite à un refus d’achat de DVD…), le dispositif législatif et l’incitation sociale amenant les enfants à être suspicieux contre leurs propres parents.

Plutôt que de promouvoir cette loi qui sera du reste purement injonctive et moralisante (et tel est bien le but : infantiliser et sermonner les parents, plutôt que de renforcer le discours d’autorité dont ceux-ci devraient être les premiers dépositaires) et dépourvue d’effets pénaux contraignants, simplement lue lors des mariages au titre de l’article 371-1 du Code civil concernant « l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant », il semblerait préférable et plus utile de renforcer les moyens effectifs des services de protection de l’enfance, lesquels sont en difficultés récurrentes et pour l’heure notoirement débordés par la prise en charge des mineurs migrants. Voici qui serait pourtant de nature à renforcer réellement la protection dont les enfants ont véritablement besoin, permettant la mise en œuvre des dispositifs déjà existants.

À titre d’exemple, cette loi prévoit qu’il sera également prohibé de laisser pleurer un bébé seul. Pourtant, si personne ne souhaite abandonner son enfant à un insondable et interminable chagrin, chacun sait que l’angoisse de la séparation peut engendrer une tristesse colérique très profonde et pourtant nécessaire : c’est ainsi que l’enfant apprend que malgré les pleurs, et après le temps nécessaire, le parent revient, n’a pas disparu définitivement. L’apprentissage de cette présence/absence est indispensable pour la construction de la psychologie de l’enfant, et céder en permanence au besoin de présence, au principe de plaisir, ne peut que nuire, à terme, à l’être en construction, quand bien même ces moments de rupture, de séparation doivent être ritualisés. Laisser pleurer seul un enfant (tout en veillant non loin) est depuis des millénaires le plus sûr moyen pour que cessent les pleurs de manière définitive et que l’enfant grandisse. Mais, dans le fond, la sortie de l’infantilisme est-elle vraiment l’objectif de cette société basée sur les « droits à » et sur l’éternelle complainte victimaire qui en est l’indispensable complément ?

L’asymétrie entre les parents et les enfants structure aussi notre rapport à l’Histoire qui nous précède

L’enjeu le plus complexe et souvent le plus douloureux de l’aventure éducative consiste à amener à l’âge adulte des êtres humains certes heureux et épanouis, mais surtout capables de résister à leurs désirs, d’accepter leurs frustrations, de les différer voire parfois d’y renoncer. Cet apprentissage contre la « pulsion de plaisir » qui caractérise l’enfant, doit se faire de manière constructive et, précisément, éducative, c’est-à-dire dotée d’un effet d’enseignement inscrit dans l’expérience et le long terme. L’apprentissage de ces accommodements avec la frustration doit se faire de manière à faire sens et non dans l’arbitraire hystérique d’une violence disproportionnée ou injustifiée.

Le désir de satisfaction, le refus d’accepter les règles, le refus d’obéissance (car l’éducation familiale est aussi le lieu où s’apprend l’obéissance, laquelle prépare à l’acceptation — éclairée — des limitations et lois propres à la vie en société), sont des réactions parfois incoercibles de l’enfant et face auxquelles une petite fessée ou une petite claque permettent le plus communément de mettre un terme. Ces petites corrections éducatives, mesurées, mais fermes, permettent aussi symboliquement de souligner l’absence de symétrie dans la relation éducative. En ce sens, elles sont également porteuses de sens. Cette asymétrie est aussi, plus profondément, ce qui garantit, mais aussi structure anthropologiquement le respect dû aux aïeux, aux ancêtres, à l’Histoire qui nous précède, au plan personnel comme au plan collectif. Comment le néo-progressisme post-moderne, ivre de démesure prométhéenne, pourrait-il s’en accommoder ?


Voir aussi

« Le système de garderie universel en Suède forme des enfants moins instruits »

Le projet de loi [Ottawa] S-206 empêcherait d’utiliser la force raisonnable pour corriger un élève ou un enfant

Sur la Suède : article en anglais du Vancouver Sun qui relate

La Suède en 1979 est devenue le premier pays à interdire toute correction physique. Depuis lors, les accusations criminelles pour mauvais traitement (violences physiques) commis par des proches contre des enfants de moins de sept ans ont augmenté de 489 % de 1981 à 1994. Il y a eu également une augmentation choquante de 519 % des agressions criminelles perpétrées par des enfants de moins de 15 ans à l’encontre d’enfants âgés de 7 à 14 ans. Plus grave encore, 46-60 pour cent des cas étudiés en vertu de cette loi suédoise se traduisent par des enfants enlevés à leurs parents. Environ 22 000 enfants suédois ont été retirés de leurs foyers en 1981, alors qu’il n’était que 1900 en Allemagne (un pays près de 6 fois plus peuplé à l’époque), 710 au Danemark, 552 en Finlande et 163 en Norvège.

Considérez le cas d’une mère et d’un père de Karlstad, en Suède, emprisonnés pendant neuf mois et condamnés à verser 25 000 couronnes (11 000 $) à trois de leurs enfants qui ont reçu une fessée. Plus destructeur que la prison et les amendes, ces quatre enfants leur ont été enlevés par l’État. Bien que la cour ait conclu que les parents « avaient une relation pleine d’amour et de bienveillance avec leurs enfants », la fessée est apparemment suffisamment sérieuse pour mériter une peine aussi extrême.

Fin de mandat socialiste en France : interdiction de la fessée (Macron est au niveau des valeurs sociétales la simple continuité des socialistes « progressistes »)

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