mercredi 7 décembre 2016

PISA 2015 — Les bonnes notes du Québec remises en question

Après notre article sur les tests TIMSS (TIMSS 2015 : le Québec s’en sort bien en maths, les garçons encore mieux mais faible participation québécoise), Le Devoir souligne un problème similaire de faible participation (et donc de représentativité) des écoles québécoises aux tests PISA.
Le boycottage d’un test international en sciences, en mathématiques et en lecture par un groupe d’écoles publiques soulève des questions sur les résultats enviables des élèves du Québec par rapport à ceux de 72 pays.

Le Canada et le Québec se classent dans le peloton de tête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui a évalué en 2015 les compétences de dizaines de milliers d’élèves âgés de 15 ans partout dans le monde.

Les élèves canadiens restent parmi les meilleurs de la planète en sciences (7e rang mondial), en lecture (2e rang, ex aequo avec Hong Kong) et en mathématiques (10e rang). Les élèves du Québec suivent la tendance et font généralement mieux ou aussi bien que la moyenne canadienne, indiquent les résultats du PISA 2015, rendus publics mardi.

Le rapport, publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soulève cependant des questions sur les résultats du Québec : à peine 51,7 % des écoles québécoises invitées à prendre part au PISA ont participé au test, ce qui est nettement moins que le taux de réponse de 85 % considéré comme la norme par l’OCDE.
 [Pour les tests TIMSS, le taux de participation global au Québec s’élevait à 58 %.]

Les données du Québec sont teintées par ce que le PISA décrit comme un « biais de non-réponse ». Ce biais concerne le pourcentage d’écoles anglophones, le pourcentage d’écoles publiques et la taille des écoles figurant dans l’échantillon, indique le rapport.

« À la lumière de l’analyse du biais de non-réponse, le consortium international du PISA a jugé que les données du Canada étaient globalement de qualité acceptable et pouvaient être incluses dans leur intégralité dans les ensembles de données du PISA, sans aucune restriction », indique le rapport.

« Cependant, il a été décidé que les résultats de la province de Québec doivent être traités avec circonspection, en raison d’un possible biais de non-réponse, et qu’une note à ce sujet devrait figurer dans toutes les analyses régionales internationales et dans le rapport pancanadien. »

Boycottage de protestation

Tout indique que les écoles publiques sont sous-représentées dans l’échantillon en raison du boycottage du test PISA par les écoles de 46 commissions scolaires. La Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), qui représente 2050 directeurs et directeurs adjoints d’établissement, a confirmé au Devoir qu’elle a boycotté le PISA pour protester contre le gouvernement Couillard.
 [L’ennui c’est que le Québec est un habitué des faibles taux de participation... On l’a vu pour le TIMSS, mais c’était déjà le cas, bien avant le gouvernement Couillard, pour l’Évaluation du PPCE-13 de 2007 à laquelle seuls 64,7 % des jeunes Québécois francophones avaient participé alors qu’en Ontario 90 % des étudiants sondés avaient pris part à l’enquête.]

« Depuis 2014, les membres de la Fédération ont décidé de ne plus répondre à des enquêtes de ce type-là pour se concentrer sur la réussite des élèves », indique Michèle Demers, conseillère aux communications de la FQDE.

Les directions d’école protestent ainsi contre ce qu’elles considèrent comme une absence de marge de manœuvre dans la gestion des établissements. [Demande qui, a priori, a toute notre sympathie.]  « Depuis deux ans, on se fait dicter comment faire notre travail [par Québec] alors que les experts sont dans les écoles, dit la porte-parole. L’argent arrive dans les écoles de manière ciblée. Les équipes-écoles veulent décider comment utiliser cet argent. »

Cette surreprésentation des écoles privées dans l’échantillon québécois du PISA est « inquiétante », estime Claude Lessard, professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

Les écoles privées ont généralement de meilleurs résultats que les écoles publiques, car elles sélectionnent leurs élèves, qui proviennent aussi de milieux plus favorisés. [C’est un peu simpliste : ce n’est pas nécessairement la seule raison de ces meilleurs résultats, la majorité des écoles privées ne sélectionnent pas... et parmi les meilleures, si elles sélectionnent ce serait par affinité religieuse et pas nécessairement des notes scolaires...] « Il faut vraiment considérer les résultats du Québec avec circonspection », prévient Claude Lessard.

Le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (CMEC), qui supervise le PISA au pays, estime que les données du Québec sont fiables malgré le faible taux de réponse de 51,7 %. Les résultats du Québec sont similaires à ceux enregistrés dans des tests comparables en 2006, 2009 et 2012, note une source au CMEC.
 [Oui, mais même en 2012 le Québec avait le plus faible taux de réponse de toutes les provinces canadiennes : 75, 6 % contre 82, 8 % pour l’Ontario par exemple. Aussi quel est l’impact du taux décrochage relativement important chez les jeunes Québécois, les tests se font à environ 15 ans et le taux de décrochage pour les moins de 16 ans est de 2,5 %. Notons que déjà en 2012, il y avait plus de non-répondants en provenance des écoles publiques que privées au Québec, c’était le plus souvent des garçons et ces non-répondants avaient eu de moins bons résultats aux examens provinciaux de français... Bref, déjà en 2012, les moins bons semblent avoir moins participé à l'enquête PISA.]

Au total, quelque 2885 élèves de 93 écoles secondaires du Québec ont participé à l’examen. Au Canada, 19 604 élèves de 726 écoles ont pris part au PISA.
Notons enfin que les tests PISA n’évaluent pas la culture générale, ni l’orthographe, ni la faculté de faire des dissertations ni des démonstrations.

Des professeurs d’université en Finlande (à une époque coqueluche des tests PISA) s’en plaignaient amèrement : « Comme le souligne le professeur George Malaty, PISA ne nécessite pas l’apprentissage des mathématiques comme structure : “Nous savons que nous n’aurions aucun succès à PISA si on demandait aux élèves une compréhension des concepts ou des relations mathématiques. Le plus difficile pour nos élèves est de faire une démonstration, ce qui est compréhensible puisqu’on n’apprend pas les mathématiques comme structure dans nos écoles [finlandaises].” Au XXe siècle, jusqu’à la fin des années 1960s, le curriculum de mathématiques comportait de l’algèbre et de la géométrie.

Puis vint la réforme des mathématiques modernes et, à partir des années quatre-vingt, le mouvement de contre-réforme. Ce dernier a conduit à une focalisation sur les seules “compétences”, notamment arithmétiques [note du carnet : compétences orientées ici vers la vie quotidienne, ce qui prépare bien à ce qu’évalue PISA], pour faire face aux critiques développées contre les mathématiques modernes. L’opposition de la transmission de compétences à celles de connaissances, à l’apprentissage des structures mathématiques, a conduit à inculquer simplement des règles pratiques aux élèves en les entraînant à les utiliser et à “donner les bonnes réponses”.

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