dimanche 5 août 2012

30% d'illettrés et de semi-illletrés de lecteurs inefficaces et lents en France ?

Chaque année, lors de la Journée Défense et Citoyenneté (ex JAPD), des tests de lecture sont effectués parmi les appelés afin de tester le niveau national. Le cru 2011, d’après un document officiel de l’Éducation Nationale, indique que 30 % de ceux qui l’ont passé sont illettrés ; sachant que ces jeunes ont 17 ans et qu’ils ont passé 12 ans dans le système éducatif français, qui engloutit chaque année 17 % du budget de l’État.

Belle performance ! Pourtant, les auteurs du rapport se congratulent de satisfécits mutuels, à tel point que l’on pourrait passer à côté de cet échec cuisant, et croire à une belle victoire de l’équipe olympique française de lecture. Le rapport annonce en effet 80,3 % de lecteurs efficaces, ce qui fait tout de même 19,7 % de lecteurs inefficaces, car il ne faut pas dire illettrés.

Mais parmi ces 80 %, 10,3% sont des profils 5c, c’est-à-dire « une population de lecteurs qui, malgré des déficits importants des processus automatisés impliqués dans l’identification des mots, réussit les traitements complexes de l’écrit, et cela en s’appuyant sur une compétence lexicale avérée. Leur lecture est fonctionnelle grâce à une stratégie de compensation fructueuse. Ils ont su adapter leur vitesse de lecture, relire et maintenir un effort particulier d’attention en dépit de leur mauvaise automatisation des mécanismes de base de la lecture. » Voilà une présentation plutôt bienveillante pour signifier que ces profils ne savent pas lire correctement mais qu’ils arrivent à corriger leurs lacunes grâce à une compréhension globale du texte. Le texte qui était lu étant soit un article de magazine télé, soit un texte de base. On n’ose imaginer les résultats avec des textes littéraires, voire même des articles de journaux.

La suite de la présentation du profil 5c est nettement moins positive :

« La faible vitesse avec laquelle ils traitent les écrits marque la différence entre eux et les lecteurs du profil 5d. Les lecteurs du profil 5c sont efficaces mais plus lents : en moyenne, les jeunes du profil 5c mettent 2,5 secondes à déchiffrer une paire de mots, contre 1,3 seconde pour les jeunes du profil 5d. La question qui se pose pour ces jeunes reste celle des effets d’un éventuel éloignement des pratiques de lecture et d’écriture : les mécanismes de base étant insuffisamment automatisés, s’ils s’éloignent de toute pratique, l’érosion de la compétence peut les entraîner vers une perte d’efficacité importante dans l’usage des écrits. Les sollicitations de leur environnement professionnel et social seront donc déterminantes. »

Nouveau scandale dans le système éducatif d'Afrique du Sud, pour Nadine Gordimer l'éducation est « un désastre »

Angie Motshekga, ministre de l'Éducation de base

L'écrivain sud-africain Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature en 1991, a jugé récemment que le système éducatif de son pays « était un désastre » après le scandale de la pénurie de manuels scolaires.

Plus de 5.000 écoles rurales, soit environ 1,7 million d'élèves, n'ont pas de manuels scolaires depuis la rentrée scolaire de janvier. Le manque de manuels est la pointe émergée de l'iceberg: ailleurs ce sont les enseignants qui manquent ou sont absents, les toilettes qui ne fonctionnent pas, les chaises qui manquent, etc.

« Notre système éducatif est bon pour la casse. C'est le foutoir. Je ne peux pas croire que les trois-quarts de l'année se sont écoulés et que tant d'écoles, notamment dans les zones rurales, sont sans manuels », a dit Mme Gordiner, 88 ans, à la radio publique SAFM.

« Il est de la responsabilité du ministre (de l'Education) de faire en sorte que les livres soient commandés à temps et livrés. Comment pouvez-vous apprendre aux gens à lire s'il n'y a pas de livres à lire », a-t-elle demandé ?

De plus en plus de gens demandent au président Jacob Zuma de limoger sa ministre de l'Éducation Angie Motshekga. Il a dit attendre le rapport final d'une commission d'enquête sur l'affaire qui lui a été remis cette semaine. D’après News 24, une société contrôlée par des hommes d’affaires reliés à l'ANC (le parti au pouvoir depuis la fin de l’Apartheid, il y a 18 ans) connectés et d’anciens mandarins gouvernementaux de haut niveau auraient été sélectionné illégalement pour un appel d'offres de manuels scolaires 320 millions de rands (40 millions de dollars canadiens) et aurait bâclé sa réalisation. Die Beeld parle pour sa part dans un article ultérieur d’un contrat de 700 millions de rands (85 millions de dollars) à une société nommée EduSolutions dont la majorité des patrons sont issus du gouvernement ANC. L’émission d’enquête Carte Blanche aurait découvert que d’Edusolutions sous-traitaient la livraison des manuels à des tiers dont les connexions politiques semblent primer sur l’efficacité ou l’expérience en logistique. L’émission montre un hangar rempli de manuels qui auraient dû être livrés à des écoliers du Kwazoulou-natal.

L'éducation, aujourd'hui premier budget de l'État en Afrique du Sud. L'Afrique du Sud dépense 6,1 % de son produit national brut à l'éducation, une plus grande portion que la plupart des autres pays, mais ses résultats sont constamment parmi les plus mauvais.

Selon le dernier Indice de compétitivité mondiale du Forum économique mondial, l'Afrique du Sud se classait 129e sur 139 pays en matière d'éducation primaire et 137e en sciences et mathématiques.

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Les nouveaux ayatollahs...


Éditorial de Valeurs actuelles.

« Arrêtez d’emm… les Français ! », s’écriait Georges Pompidou voilà plus de quarante ans. Depuis, le mal n’a cessé de s’aggraver. Chaque jour, des ligues de vertu, plus nombreuses et plus procédurières que jamais, rivalisent d’ingéniosité pour nous rendre la vie impossible. De toutes parts, des voix s’élèvent pour dire : « Assez ! »

Plus il y a d'interdits, professait Lao-tseu, plus le peuple s’appauvrit. S’il avait vécu aujourd’hui et non voici vingt-cinq siècles, le malheureux serait accablé. On croule sous la réglementation. En 2008, la France cumulait 10.500 lois et 127.000 décrets, à quoi s’ajoutent 17.000 textes communautaires, le tout aboutissant à une véritable « logorrhée législative et réglementaire » , selon les mots même du conseil d'État.

À bien y réfléchir, notre vie ressemble à une addition d’interdits, au point, qui sait, de provoquer une addiction à l’interdit. En résumé, tout ce qui n’est pas prohibé est obligatoire, et inversement. Cela fait songer au mot de Churchill : « En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En URSS, tout est interdit, même ce qui est permis. »

Dresser la liste noire établie par les ayatollahs du « politiquement correct » et de son prolongement, l’ «hygiéniquement correct » revient à faire un inventaire à la Prévert où le père Ubu donnerait la réplique à Franz Kafka.

1963, Braudel et les lycéens français

Le manuel de 1963
En 1963 l’Éducation Nationale a commandé à Fernand Braudel, alors jeune et peu connu historien, la rédaction du manuel d’histoire destiné aux classes terminales des lycées [dernière année de cégep au Québec]. L’historien de la Méditerranée au temps de Philippe II s’est mis à l’œuvre, avec un plaisir non dissimulé, pour réaliser un manuel alors conforme aux programmes. Ce manuel, dont la qualité est indéniable, fut ensuite constamment réédité sous le titre de Grammaire des civilisations. Il s’agit en effet d’une étude des civilisations d’Afrique, d’Asie et d’Europe. On le trouve aujourd’hui en collection Champs chez Flammarion.

J’invite ceux qui ont ce livre dans leur bibliothèque à le feuilleter, et encore mieux, à le lire. Datant d’il y a cinquante ans un certain nombre de points sont à actualiser : on ne parle plus de l’URSS de nos jours, et les découvertes scientifiques ont permis d’améliorer la connaissance des civilisations anciennes. Toutefois, il reste un grand classique, offrant une vision large et panoramique de l’histoire du monde. En tant que tel, et comme son rédacteur est un de nos plus grands historiens, il conserve un intérêt réel.

Mais ce livre est d’abord un manuel, destiné à des lycéens de 17-18 ans. C’est là qu’un certain problème se pose aujourd’hui : bien rares sont les lycéens capable de lire ce livre en 2012. Dans l’édition Flammarion il pèse plus de 600 pages, écrit dans une police de taille 8. Bien évidemment il n’y a aucune photographie ni aucun document. La comparaison avec un manuel actuel d’histoire est effrayante. En cinquante ans la chute du niveau est réel, la baisse des exigences indéniables. Des lycéens d’aujourd’hui sont incapables de lire un manuel destiné à leurs grands-parents. Plus grave encore, je doute que des étudiants en histoire de niveau maîtrise puissent se frotter à ce texte dense quant à la typographie et à la réflexion. Quant aux étudiants qui obtiennent le capès [Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré], et même l’agrégation, en histoire peu d’entre eux lisent des livres de ce genre. Si les futurs ou nouveaux professeurs sont incapables de comprendre ces livres, il n’y a rien d’étonnant à ce que les élèves ne puissent y entrer. La comparaison des manuels suffit à prendre la mesure de la déchéance intellectuelle de notre pays. Inutile de présenter des études ou des statistiques qui essayent bien souvent de gommer l’effroyable réalité.

Pourquoi cette baisse ? Il faut bien alors s’interroger sur les effets réels de la démocratisation de l’enseignement, et se demander si la France a gagné à ce mouvement. Ne nous leurrons pas : bien rare étaient les élèves de 17 ans qui pouvaient lire le texte de Braudel en 1963. Ceux qui étaient en terminale, et qui passaient ensuite le baccalauréat, étaient une élite, une aristocratie infime. Si en 2012 ce livre n’est plus accessible c’est entre autre parce que l’on a envoyé au lycée des élèves dont le niveau est bien trop faible pour pouvoir suivre. Il a donc bien fallu baisser le niveau pour assouvir la soif égalitaire de la démocratisation. Ce faisant, nous nous sommes rendus incapables de former une élite. Et en plus nous avons rendu impossible la formation correcte de cette masse plus nombreuse. Il n’est pas donné à tout le monde de rester 7 heures par jour assis à une table, à écouter un professeur donner un cours et à prendre des notes. Cela requiert des aptitudes, une appétence, des possibilités qui ne sont pas présentes chez tous les lycéens. Or, par la démocratisation acharnée du système éducatif, nous avons voulu faire rentrer dans le même moule, plier aux mêmes règles et aux mêmes contraintes, des personnes variées et différentes. C’est ainsi que nombreux sont les lycéens qui perdent leur temps, leurs années et leur jeunesse parce qu’on leur impose les bancs de l’école, alors qu’ils seraient plus à même de révéler leur talent et de s’épanouir si on leur proposait une formation professionnelle dès l’âge de 14 ou 15 ans.

Revoir la formation

Se former en entreprise est une réelle possibilité. C’est apprendre sur le tas, apprendre en faisant. Rien n’exclut qu’il y ait aussi des cours de mathématiques ou de français, et même de littérature ou d’histoire. Rien n’exclut que l’on cherche aussi à les élever vers des domaines plus intellectuels, mais de façon différente. La démocratisation et la massification du système éducatif ont non seulement empêché la formation d’une élite de France, ce qui est extrêmement grave, mais cela a aussi détruit des générations d’enfants à qui l’on a obligé de suivre une formation en décalage complet avec leur appétence. Dans ce jeu stupide, tout le monde fut perdant.

Un professeur latiniste me montrait le texte fameux de Paul-Émile à la bataille du lac Trasimène. Ce texte figurait dans le manuel de 4e de 1998. Aujourd’hui, c’est-à-dire quatorze ans plus tard, non seulement il n’est plus étudié en 4 e, mais il n’est même pas présent dans le manuel des lycéens. Ici aussi la baisse des exigences est quantifiable et visible. Mais peu de parents s’en doute.

Accorder la liberté

Pour y remédier il serait nécessaire de faire un secondaire à trois niveaux. Restaurer l’apprentissage dès l’âge de 12-13 ans, si utile pour des enfants inaptes à l’école mais qui ont tant de talents à développer ailleurs. Solidifier les filières professionnelles et technologiques du lycée, afin que les élèves qui s’y destinent soient réellement formés, et que cela ne soit pas vu comme des filières poubelles. Réserver les filières générales à l’élite intellectuelle, et faire de ce lycée l’antichambre des études supérieures, ou le baccalauréat soit le premier grade universitaire. Bien évidemment, il serait aussi nécessaire de supprimer l’examen du bac et de permettre à chaque établissement d’avoir une grande souplesse dans le programme à suivre. On pourrait définir un programme commun à suivre, afin de faciliter une nécessaire harmonisation, qui durerait environ la moitié de l’année, et l’autre moitié pourrait être des figures libres, afin que les établissements et les professeurs puissent s’adapter au niveau et aux espérances de leurs élèves. Cela s’appelle la liberté éducative. Hélas, l’école en France a choisi le chemin de l’égalité, ce qui la conduit à toujours rejeter la liberté.

Supprimer les concours

L’entrée dans le supérieur pourrait alors se faire sur dossier, avec éventuellement une lettre de recommandation du lycée. La première année servirait à faire un deuxième écrémage, afin d’éliminer et de réorienter les étudiants qui ne sont pas à leur place, qui ne veulent pas suffisamment travailler, ou qui ne sont pas au niveau. On pourrait ainsi supprimer les concours, qui non seulement ne permettent pas de sélectionner les meilleurs candidats, mais qui en plus transforment l’année scolaire en parenthèse de bachotage, ce qui ne permet ni d’approfondir des matières ni de se former réellement. Supprimer les concours redonnerait tout leur sens aux examens, et serait beaucoup plus utile aux étudiants.

Pour ceux qui ont peur de la formation professionnelle je les invite à regarder ce reportage sur la cuisine de l’Élysée, réalisé pour le magazine Michelin. Le chef actuel des cuisines de l’Élysée explique comment il est entré dans cette maison sous la présidence de Pompidou comme simple commis, comment il a gravi un à un les différents échelons, pour être, désormais, le chef des cuisines. Qui niera que c’est là un bel exemple de réussite professionnelle ? Cela ne fut possible que parce qu’il n’y avait pas le collège unique. Dans notre système actuel cette personne aurait été obligée de suivre l’enseignement jusqu’en terminale, de faire un bac S [cégep scientifique], et finalement de perdre son temps et ses envies. Que de talents gâchés nous perdons depuis si longtemps !

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