dimanche 17 mai 2009

L'ainé des enfants du procès de Drummondville tombe dans les pommes alors qu'on s'apprête à le contre-interroger

Nous avions décidé de ne pas en parler pour préserver l'intimité et la dignité de l'ainé des deux enfants Lavallée (son nom de famille n'est pas Lavallée). Depuis, on nous a dit que d'autres médias en ont parlé. Nous pensons aussi qu'il faut exposer ces faits pour faire apparaître le caractère scandaleux de ce procès qui, incidemment, coûte une véritable fortune à la famille Lavallée.

L'ainé des enfants Lavallée est en secondaire V, il a seize ans, c'est un grand et beau jeune homme de six pieds deux. Il devait être contre-interrogé lundi après sa mère. Il avait assisté aux attaques répétées des procureurs contre celle-ci. Ils questionnèrent ses motifs et mirent en doute sa sincérité de catholique croyante pendant plus d'une heure (10h53 à 12h01). Pendant ce temps, le jeune homme à quelques mètres de sa mère se passa fréquemment la main sur la nuque pour se masser le cou.

Vient son tour d'être appelé à la barre. Il se présente. Décline à la greffière son nom, son âge, son occupation. Me Bélisle lui demande ensuite sa date de naissance, histoire de le mettre en confiance. Pas de réponse. Il dit « Je suis un peu étourdi. » Il titube. Puis tombe à la renverse. Me Coté se précipite pour le retenir. Le jeune homme tombe allongé au pied de Me Jacob qui au lieu de lui prêter secours passe un dossier à la greffière et déclare à 12h03 : « J'ai l'original de l'interrogatoire de M. X, moi j'avais l'intention de me référer à cela as is. » Me Boucher pour sa part croise les bras, le menton relevé, son visage émacié arbore un petit rictus aux commissures des lèvres. La séance est levée. Les avocats se réunissent avec le juge. L'aîné des enfants Lavallée est excusé, il ne devra plus témoigner. On ne le reverra plus jusqu'à vendredi.

Il faut dire ici que cet évènement fait suite à deux interrogatoires de l'aîné Lavallée qui ont eu lieu avant le procès. Lors du second, le procureur affecté à la « question » a tellement pressé le jeune homme de questions intimes ou de détails que celui-ci est resté sans voix et a perdu tous ses moyens. Ajoutons à la décharge du jeune homme que sa mère avait pleuré peu avant, lors de son deuxième interrogatoire à elle.

La famille Lavallée nous a appris que leur garçon n'avait pas dormi la veille, n'avait pas mangé lundi matin, que depuis quelques mois ses notes à l'école ont connu un fléchissement certain.

Lors de son témoignage, quelques minutes auparavant, Mme Lavallée avait relaté le fait que, l'an passé, son fils avait suivi un cours d'éthique et de culture religieuse en secondaire IV et qu'il n'avait pas aimé les discussions autour de la sexualité, étant assez timide sur la question. Il était également revenu fâché et « mêlé » par les cas de conscience qu'on lui exposait. Il n'avait pas aimé non plus la confrontation à plusieurs dieux et il en avait ressenti un malaise.

Et le comble c'est qu'à l'issue de ces épreuves, du premier refus d'exemption, du refus renouvelé d'exemption après la demande de révision, après deux longs interrogatoires et le long contre-interrogatoire imposé à la mère, la commission scolaire et la Procureure générale disent maintenant que le cours d'ECR en secondaire V n'est pas obligatoire et que, d'ailleurs, on ne le donne même pas à l'école de ce jeune homme, on y donne plutôt un cours d'« éthique et valeurs humanistes » !

On aurait donc induit la mère et l'enfant en erreur pendant une année en ne leur signalant jamais ce fait et en indiquant sur le bulletin de leur enfant qu'il s'absentait bien du cours ECR !?

Grand dérangement de journalistes pour le dernier jour du procès de Drummondville

À la fin du procès de Drummondville, il n'y avait plus dans la salle d'audience qu'un seul journaliste à couvrir celui-ci, le reporter de la Tribune de Sherbrooke.

Le juge Dubois a cependant entendu cinq autres journalistes, toutes des femmes.

Que s'est-il donc passé lors de ce dernier acte du procès ECR ?

Articles de presse refusés comme preuves par le gouvernement

On se rappellera qu'un des griefs formulés par les requérants serait que la commission scolaire a refusé les demandes de dérogation au cours d'ECR sous la dictée d'un tiers alors que celle-ci bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire en matière d'exemption aux cours inscrits au régime pédagogique et qu'elle doit exercer ce pouvoir de façon indépendante.

En d'autres termes, les commissions scolaires qui ont toutes répondu par des lettres quasi identiques ont-elles suivi une directive émanant de la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne ?

C'est ce qui semble ressortir de plusieurs articles écrits à la suite d'une rencontre de presse organisée le 18 avril 2008 par la ministre de l'Éducation, Mme Courchesne. C'est ainsi que Mme Isabelle Mathieu écrivait dans le Soleil du 19 avril 2008 :
« On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d'orteils, convenait hier la ministre Michelle Courchesne, en rencontre avec les médias. Mais elle ne fera aucune concession et refuse les exemptions pour les parents qui voudraient retirer leur enfant du nouveau cours. »
La ministre Courchesne n'a jamais démenti ces propos par la suite et ces articles ont été retrouvés dans la revue de presse de la commission scolaire des Chênes, elle était donc au courant des désirs de la ministre en la matière tels que rapportés par la presse écrite.

Conscients du caractère accablant de ce type de preuves, les avocats représentant la Procureure générale et la commission scolaire avaient refusé de les admettre, les considérant comme du ouï-dire. Il a donc fallu convoquer en catastrophe les journalistes présentes à cette rencontre.

Témoignages concordants

La première journaliste a être entendue fut Mme Isabelle Mathieu, actuellement en congé de maternité. Elle a déclaré que lorsqu'on aborda la question des exemptions, la ministre Courchesne avait répondu « Non, il n'en est pas question. »

Puis, vient à la barre Isabelle Haché de la Presse qui n'a plus souvenir de ce passage de la rencontre. Suit sa collègue plus chevronnée Michèle Ouimet qui a la suite d'un précédent procès a gardé son carnet de notes. Elle lit ses notes télégraphiques quant à la question des exemptions : « Les écoles sont linguistiques. La ministre a fait ce choix. Pas d'exemption possible. » On fait une copie de la page du carnet et on la verse comme preuve au dossier. La mine de Me Boucher s'allonge, Me Jacob gratte copieusement son front dégarni, puis jette un regard inquiet sur l'assistance.

Valérie Dufour, journaliste en lockout du Journal de Montréal et actuellement au Lac-Saint-Jean, est la suivante. Elle est assermentée par téléphone pour confirmer ce qu'elle avait compris sur les exemptions. Son témoignage concorde avec les autres journalistes. Me Boucher regarde de plus en plus sévèrement à travers ses petites lunettes rectangulaires. Il tente sa dernière carte : « Vous avez parlé de libre choix, un choix entre quoi et quoi ? » La journaliste répond : « Entre ce cours et ne pas le suivre ».

L'accablement est à son comble parmi les quatre avocats de la Procureure générale et de la commission scolaire. Me Boucher, le front plissé, se penche vers Me Jacob. Ils discutent à voix basse. Me Jacob qui est resté assis, souffle,puis penche la tête en arrière. Plus de traces de la confiance que tout avocat doit de rigueur afficher. Il est trop tard, il ne reste plus qu'un témoin et le procès devant le juge est terminé.

C'est maintenant le tour de la journaliste du Devoir, journal qui a résolument pris fait et cause pour l'imposition du cours ECR (voir son éditorial du 27 février 2008 intitulé « Vain combat »). Mme Clairandrée Cauchy qui a également assisté à la réunion du 18 avril 2008 est à Montréal. Elle commettra le lendemain un long article sur le procès de Drummondville pour s'étonner du « débat surréel qui fait intervenir le Vatican » dans une affaire concernant l'enseignement d'une culture religieuse censément neutre à des catholiques. Elle ressortira avec le plus grand sérieux dans le même article les explications habituelles en faveur du cours ECR sans considérer aucune expertise présentée devant le tribunal, voilà ce qu'on nomme du grand journalisme. Il faut dire que le Devoir n'a envoyé aucun journaliste couvrir le procès.

Ayant été assermentée, Mme Cauchy déclare en substance la même chose que les autres témoins : pas question d'exemption au cours d'ECR, pas de choix. Me Boucher attendait le mot choix et tente de lui faire dire libre choix entre différents régimes (mais toujours, sous-entendu, une possibilité d'exemption en vertu de l'article 222). Mme Cauchy commence par dire « Oui », le visage de Me Boucher affiche à nouveau un petit sourire. La journaliste du Devoir poursuit : il n'était pas question « d'ouvrir une brèche » en acceptant des exemptions, car on aurait alors abouti sur plusieurs régimes d'enseignement moral et religieux, ce que la ministre ne voulait pas. À bien y réfléchir, cet aveu ne fait que renforcer la volonté de refuser toute exemption au cours en vertu de l'article 222, car il en fournit désormais une justification. Les avocats de la partie gouvernementale le comprirent sans doute également, car leur mine était bien sombre alors que l'on remerciait Mme Cauchy et que se terminaient ainsi les derniers témoignages du procès.

Commissions scolaires inféodées

« À quoi servent les commissions scolaires ? Elles sont supposées être indépendantes et ne se plier à aucune directive de la ministre » a déclaré Me Bélisle à la sortie de la salle d'audience.

Drummondville — fin du procès, les avocats des parents ont deux semaines pour remettre leur plaidoirie

C'est par écrit que les plaidoiries des avocats mis en cause dans le procès sur le cours d'éthique et culture religieuse (ÉCR) parviendront au juge Jean-Guy Dubois.

Vendredi, à la toute fin de la dernière des quatre journées d'audience au palais de justice de Drummondville, le juge Dubois a décrété que la partie demanderesse, représentée par Me Jean-Pierre Bélisle et Me Jean-Yves Côté, aura jusqu'au 29 mai pour présenter son mémoire tandis que la partie défenderesse, c'est-à-dire la commission scolaire, et la partie intervenante, représentant la Procureure générale et le Monopole de l'Éducation, auront jusqu'au 19 juin pour le faire.

Le juge Dubois a fourni deux raisons qui justifient à ses yeux la soumission de plaidoiries écrites plutôt qu'orales : d'une part les avocats de la Procureure générale seront occupés dans les semaines à venir par une cause semblable impliquant le collège Loyola de Notre-Dame-de-Grâce à Montréal contre le ministère de l'Éducation rendant impossible toute plaidoirie orale pendant la seule semaine libre pour le juge Dubois d'ici la fin juin et, d'autre part, il s'agit ici d'une affaire complexe qui mérite de toute façon d'être écrite à l'avance que l'on plaide orale ou non.

Le mémoire de chacune des parties sera limité à 30 pages, toutefois leurs annexes comprenant, par exemple, les textes de doctrine pourront être nettement plus volumineuses. La partie demanderesse représentant les parents aura ensuite jusqu'au 8 juillet pour produire une réplique. À la suite de quoi, le juge Dubois aurait six mois pour rendre son jugement, à savoir la commission scolaire des Chênes a-t-elle agi sous la dictée d'un tiers quand elle a refusé les exemptions et le caractère obligatoire du cours ÉCR ne cause-t-il pas un préjudice grave en niant l'application de la liberté de conscience et de religion sincère et non frivole des parents ?

Avant de remercier les avocats, le juge Dubois a toutefois tenu à ce que les plaidoiries prochaines contribuent à l'éclairer sur un certain nombre de points précis :
  1. « Est-ce que le cours ÉCR va à l'encontre de la liberté de conscience et religieuse ?
  2. Est-ce que les enseignements de l'Église catholique empêchent qu'on impose un cours d'éthique et de culture religieuse ?
  3. Y a-t-il véritablement un droit d'exemption tel que le stipule l'article 222 [de la Loi sur l'instruction publique] ?
  4. Pourquoi le laisser dans la loi si les parents ne peuvent plus s'en prévaloir ?
  5. Est-ce possible que sept commissions scolaires aient toutes les mêmes réponses négatives, à quelques mots près, aux demandes d'exemption des parents dans différentes régions du Québec ?
  6. Si le tribunal décidait que le cours ECR n'allait pas à l'encontre de la liberté de conscience et de religion, le juge pourrait-il pourtant accueillir la requête des parents Lavallée ?
  7. Est-ce que dans un désir de plaire à tous et d'uniformiser, on n'enlève pas dans le matériel didactique des choses admises par tous les croyants de la confession catholique [dans ce cas-ci] ? »
La mère de deux enfants à l'origine de cette cause, Mme Suzanne Lavallée, a déclaré à la fin du procès : « Je suis très satisfaite. J'ai le sentiment qu'on a clairement démontré qu'on avait droit à un recours et que cela nous a été refusé de façon injuste. »

Calendrier
  1. jusqu'au 29 mai 16h30, plaidoirie des avocats des parents ;
  2. jusqu'au 19 juin 16h30, plaidoirie des avocats représentant la C.S. et le ministère ;
  3. jusqu'au 8 juillet 16h30, réplique des avocats des parents.

Mgr Veillette sur le programme ECR, sa lettre aux Chevaliers de Colomb et la lettre du Vatican

Écoutez ci-dessous Mgr Veillette expliquer sa position sur le cours d'éthique et de culture religieuse et son interprétation particulière de deux documents récemment publiés sur le sujet. L'intervention du président de la conférence épiscopale catholique du Québec est suivie d'une court débat entre Mme Morse-Chevrier, présidente de l'Association des parents catholiques du Québec, et Louis Rousseau, sociologue des religions.



Les deux documents dont il est question sont, d'une part, une lettre de Mgr Veillette en date du 28 avril adressée aux Chevaliers de Colomb qui rappelle et sélectionne une partie des positions officielles de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec. L'évêque de Trois-Rivières sélectionne les points positifs de cette déclaration, il n'y cite pas les craintes explicites de cette même assemblée à l'égard du programme d'éthique et de culture religieuse.

L'autre lettre est celle de la Congrégation pour l'éducation catholique où celle-ci rappelle que «  si l'enseignement religieux se limite à une exposition des différentes religions de manière comparative et "neutre", cela peut être source de confusion, ou inciter au relativisme ou à l'indifférentisme ».

Il est intéressant de décortiquer le discours du partisan du cours d'éthique et de culture religieuse qu'est Mgr Veillette. Comment d'ailleurs appeler autrement un évêque qui intervient et défend ce programme alors qu'un procès a lieu sur ce sujet ?

Mgr Veillette insiste sur les objectifs du programme (c'est-à-dire, car il ne le dit pas, la reconnaissance de l'autre et poursuite du bien commun), mais il passe sous silence la mise en œuvre et la manière dont ces objectifs sont poursuivis dans le cours d'éthique et de culture religieuse. Or, c'est justement contre cette manière qu'en ont les parents catholiques de Drummondville et la Congrégation pour l'éducation catholique, manière qui peut « être source de confusion, ou inciter au relativisme ou à l'indifférentisme ».

L'évêque de Trois-Rivières tente également de minimiser la portée du document de la Congrégation pour l'Éducation catholique en affirmant qu'il s'agirait d'un simple rappel de principes généraux adressés à l'ensemble des conférences épiscopales dans le monde et qu'il revient aux évêques de décider de l'application locale de ces principes. C'est faire l'impasse sur une déclaration précédente du cardinal Grocholewski, préfet de la Congrégation pour l'éducation catholique où il déclarait que l'imposition du cours ECR au Québec violait la liberté de choix des parents. Quant au fait que le document serait simplement produit pour l'ensemble des évêques dans le monde, nous invitons Mgr Veillette à considérer le fait que le document n'ait été diffusé qu'en français et en italien (langue de travail au Vatican).

Enfin, Mgr Veillette oublie opportunément un élément dans la hiérarchie catholique : les parents qui, en dernière analyse, sont ceux qui prennent les décisions s'éclairant des principes mis en avant par leur hiérarchie autant au Vatican que leurs évêques locaux s'ils sont en communion avec Rome...

C'est ce que rappellent pourtant clairement les textes du Magistère :
En outre les droits des parents se trouvent violés lorsque les enfants sont contraints de fréquenter des cours scolaires ne répondant pas à la conviction religieuse des parents ou quand est imposée une forme d'éducation d'où toute formation religieuse est exclue.

Dignitatis humanae, § 5

Qu'ils [les laïcs] attendent des prêtres lumières et forces spirituelles. Qu'ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu'ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission. Mais plutôt, éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement attention à l'enseignement du Magistère(17), qu'ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités.

Gaudium et Spes, § 43.2


Caractère prédominant du christianisme

Dans le débat qui suit, M. Rousseau prétend que le christianisme aurait une place majoritaire dans le programme d'éthique et de culture religieuse. C'est faux.

Reprenons ici ce que déclarait M. Bergevin de la direction des programmes du Monopole de l'Éducation (MELS) à Valcourt le 2 septembre 2008 :
C’est avec amusement que l’on a entendu M. Bergevin nous dire que la prédominance donnée au christianisme ne signifiait pas qu’une majorité du cours sur les religions serait réservée au christianisme, ni qu’il pouvait citer un chiffre précis qui correspondrait au minimum de contenu chrétien. Il a bien fait car, au 3e cycle du primaire, les manuels de Modulo ne consacrent que 27 % de leurs contenus au christianisme guère plus que les 20 % consacrés à la spiritualité autochtone au 1er cycle du primaire…

Mais alors que signifie cette promesse que le christianisme serait prédominant ? Peu de choses. Une autre manière d’endormir la méfiance de la masse de la population québécoise ? En quoi consacrer tant de temps aux minorités religieuses (souvent infimes au Québec) sert-il vraiment le Québec qui se doit de viser également à une intégration à sa culture dominante, et là dominante veut dire nettement plus que simplement majoritaire ?

Dernier jour du procès de Drummondville – fin du contre-interrogatoire de l’« expert » Gilles Routhier

La dernière journée du procès de Drummondville a débuté par la poursuite du contre-interrogatoire du théologien et prêtre, Gilles Routhier, interrompu mercredi.

On se rappellera que la troisième journée du procès, c'est-à-dire mercredi, avait vu la production d’un document daté du 5 mai provenant de la Congrégation pour l’éducation catholique. Le Vatican n'a produit cet avis qu'en français et en italien. Dans celui-ci le cardinal Grocholewski et son secrétaire, Mgr Jean-Louis Bruguès, écrivent que « si l'enseignement religieux se limite à une exposition des différentes religions de manière comparative et "neutre", cela peut être source de confusion, ou inciter au relativisme ou à l'indifférentisme ». On reconnaît dans cette description le cours d’éthique et de culture religieuse que le Monopole de l’Éducation du Québec prétend « neutre ».

Comme une précédente déclaration du préfet de cette congrégation, Zénon cardinal Grocholewski, avait déjà affirmé que l’imposition du cours ECR violait les droits des parents québécois, M. Routhier avait sa réponse toute prête mercredi : la Congrégation pour l’éducation catholique n’était pas compétente en la matière !

Voici ce qu’il disait verbatim mercredi à partir de 14h30, nous transcrivons ici le repiquage audio de son contre-interrogatoire en éliminant toutefois les hésitations.

(Nous demandons de bien vouloir nous excuser pour les réponses à rallonge de Gilles Routhier, cela donne toutefois un peu une idée du personnage.)

Routhier – Alors, en matière d’éducation catholique, il y a au moins deux autorités distinctes. Il y a, d’une part, la Congrégation pour l’éducation catholique constituée par la constitution apostolique Pastor bonus et cette congrégation qu’on appelle un dicastère, qui équivaut à un ministère dans nos États, s’occupe de trois choses. La constitution Pastor bonus dit elle s’occupe 1) de toute la formation des clercs dans les grands séminaires et dans les maisons des religieux et religieuses y compris les instituts séculiers. Première compétence. Deuxième juridiction, pour la Congrégation pour l’éducation catholique, il s’agit des universités catholiques et des écoles supérieures catholiques. Troisième champ d’autorité, les écoles catholiques. Alors, sur ces trois champs, l’autorité est la Congrégation pour l’éducation catholique. Elle ne couvre pas, l’autorité de la Congrégation ne couvre pas les écoles publiques ou les écoles non catholiques.

Deuxième autorité, c’est la Congrégation pour le clergé, d’ailleurs j’avais écrit cela dans mon texte juste un peu plus haut. La Congrégation pour le clergé s’occupe, parce qu’elle a été constituée à la suite du concile de Trente, on l’a appelé la Congrégation du concile à partir du XVIe siècle. L’appellation a été modifiée par Paul VI dans sa constitution Pastor Bonus et elle s’occupe de toute l’éducation chrétienne en plus de s’occuper naturellement du clergé. Elle s’occupe de l’éducation chrétienne. Et c’est pour ça, par exemple, que le directoire général pour la catéchèse qui s’occupe de l’éducation chrétienne des enfants est publié par la Congrégation pour le clergé.

Cela apparaît bizarre qu’il y ait deux congrégations qui s’occupent de formation, de l’éducation catholique et on pourrait penser que c’est celle qui est désignée sous le nom de Congrégation pour l’éducation catholique qui s’occupe de la formation chrétienne alors que c’est une autre, mais cela tient à des raisons historiques parce que le concile de Trente avait publié un catéchisme et on demandait au clergé d’assurer – alors, c’est tout le rôle des pasteurs –dans la formation chrétienne des fidèles. C’est pour ça que la formation chrétienne des fidèles ne dépend pas de la Congrégation pour l’éducation catholique.

14h33, Me Bélisle, avocat des parents – M. Routhier, la Congrégation pour l’éducation catholique, qui est le tenant du poste supérieur à la Congrégation pour l’éducation catholique, le 13 mai 2009 ?

M. Routhier – Alors, il s’agit encore, s’il n’y a pas eu de changements depuis ce matin, du cardinal Zenon Grocholewski.

Me Bélisle – Est-ce que vous lui avez déjà parlé ?

M. Routhier – Oui.

Me Bélisle – Quand ?

M. Routhier – Plus ou moins en 2000, à Montréal.

Me Bélisle – Depuis ce temps-là, non ?

M. Routhier – Depuis ce temps-là, non.

Me Bélisle – Est-ce que vous l’avez lu dans des écrits depuis 2000 jusqu’à ce matin ?

M. Routhier – Absolument.

Me Bélisle – Vous l’avez lu ? Plus d’une fois ?

M. Routhier – Plus d’une fois.

Me Bélisle – Est-ce que l’on peut considérer, comme vous l’avez dit tantôt, que c’est un niveau hiérarchique très important, c’est le poste le plus important relativement à l’éducation catholique à travers le monde là, à travers la planète bleue. Est-ce que vous avez eu l’occasion de le lire au cours de l’année 2008 et/ou2009 ?

M. Routhier – Oui, sans doute.

Me Bélisle – Qu’est-ce que vous avez lu provenant de celui qui est le ministre de l’Éducation de l’Église en éducation catholique ?

Me Boucher, avocat de la Procureure générale – Alors, M. le juge, si vous me permettez, je ne pense pas que c’était la réponse du témoin. Au contraire.

Le juge Dubois – Qu’il soit le ministre de l’Éducation?

Me Boucher – Non, tout à fait, ni le ministre de l’Éducation, ni le ministre catholique de l’éducation. Au contraire. Il vient d’expliquer que c’est tout le contraire.

Le juge Dubois – Il a demandé qui était le supérieur de la Congrégation pour l’éducation catholique, c’est le cardinal…

M. Routhier – Oui, le supérieur de la Congrégation pour l’éducation catholique c’est bien le cardinal Zénon Grocholewski. J’ai précisé que sous la compétence de cette Congrégation pour l’éducation catholique ne tombent pas les écoles publiques, mais sous sa juridiction tombent les écoles catholiques.

Me Bélisle, élevant la voix – Vous me dites ça en vertu de quel écrit que c’est uniquement les écoles catholiques ? Quel texte ? Quel document que la Congrégation pour l’éducation catholique ne s’occupe que des écoles catholiques ? Vous avez les textes, prenez vos textes [pointant vers les gros volumes qu’avait apportés M. Gilles Routhier].

[Le juge reprend Me Bélisle pour avoir haussé la voix alors que M. Routhier n’est pas un témoin récalcitrant.]

14h37, Me Bélisle, d’une voix calme – Pas de problème. Dites-moi donc dans le code de droit canonique ou dans l’autre document que vous avez apporté…

M. Routhier – …le concile œcuménique Vatican II…

Me Bélisle – …le concile, ou dans les lettres apostoliques, ou dans les avis envoyés aux conférences épiscopales, donnez-moi, montrez-moi un texte, montrez-nous un texte où il est dit que la Congrégation pour l’éducation catholique, c’est seulement, effectivement, pour les écoles catholiques et que cela ne s’applique pas à l’éducation des catholiques dans quelque forme de système éducationnel et de réseau scolaire que ce soit.

14h37, M. Routhier – Alors, c’est d’une part dans un texte de Paul VI, dans une constitution apostolique dont le titre est Pastor bonus, et je ne l’ai pas ici parce que ce n’est pas le droit canonique …

Me Bélisle – Vous allez nous le produire.

M. Routhier – Je pourrais le produire. [M. Routhier adore les conditionnels, même s’il les accorde parfois mal, ailleurs : « Je serais… si je ferais »].


Le contre-interrogatoire continue, pour s’interrompre lors de la production de l’avis de la Congrégation pour l’éducation catholique du 5 mai 2009, comme nous l’avons déjà relaté ici.

[Nous n’avons pas encore le repiquage audio de la séance de vendredi en voici le résumé, nous complèterons au besoin ce texte avec une transcription fidèle des échanges dès que nous aurons reçu les fichiers audios.]

Vendredi la séance reprend donc avec la fin du contre-interrogatoire de Gilles Routhier.

La crédibilité de l’expertise de Routhier fortement ébranlée

La démolition de Routhier va s’opérer en trois temps : d'abord, lui faire admettre qu’il n’est pas un spécialiste en droit canon, puis bien ferrer « l’expert » en montrant comment il interprète à sa façon les textes du droit canon pour se donner raison et enfin montrer à tous que le cas est prévu explicitement et que l'expert a mal interprété les textes soumis plus tôt.

Tout commence donc par la laborieuse admission de M. Routhier qu’il n’a pas de formation de canoniste. Il ne peut s’empêcher d’ajouter qu’il a été amené à fréquenter de nombreux canonistes lors de sa carrière… Nous sommes tous amenés à fréquenter de nombreux garagistes ou docteurs, cela ne fait pas de nous des mécaniciens, ni des médecins pour autant...

On assiste alors à la remise par Me Bélisle de cinq épais volumes du droit canon annoté par Ernest Caparros, présent dans la salle, aux avocats de la partie adverse et au juge.

On passe alors à la page 1655 et aux articles 114 et 115 de la constitution apostolique Pastor Bonus qu’avait invoquée M. Gilles Routhier.

L’article 115 dit (nous traduisons librement ici, car nous n’avons pas retrouvé la version française sur internet, mais nous fournissons ci-dessous la version originale latine et une traduction officielle en anglais à des fins de vérification) :
« La Congrégation se rend disponible aux évêques diocésains afin que des écoles catholiques, là où cela est possible, soient fondées et promues avec un soin extrême et que dans toutes les écoles on offre une instruction catéchétique et un soin pastoral aux élèves chrétiens. » [1]
Me Bélisle a essayé de faire comprendre à M. Routhier qu’on parlait bien ici de toutes les écoles et non seulement des écoles catholiques. Mais, M. Routhier n’a pas voulu l’admettre et s’est plutôt engagé dans de longs développements pour maintenir son point de vue que la Congrégation pour l’éducation catholique ne s’occupait pas des écoles publiques.

On a alors abordé la description de la Congrégation du clergé en se fiant à la description qui se trouve sur le site du Vatican :
« 2) l'Office Catéchétique [une des trois parties de la Congrégation pour le clergé, les deux autres étant l'Office Clergé et l'Office Administratif] promeut la formation religieuse des fidèles de tout âge et de toute condition ; il publie les normes opportunes pour que l’enseignement de la catéchèse soit convenablement imparti ; il veille à ce que la formation catéchétique soit correctement menée ; il concède l’approbation du Saint-Siège qui est prescrite pour les catéchismes et les directoires publiés par les conférences d’Evêques ; il assiste les bureaux catéchétiques, il suit les initiatives de caractère international concernant la formation religieuse, il en coordonne les activités et leur propose son aide si nécessaire. »
Me Bélisle a souligné que cette congrégation s’occupait de la catéchèse et non des écoles publiques.

Mais M. Gilles Routhier insistait qu’il avait toujours raison.

Il a fallu alors lui sortir la description (en anglais, elle n'existe pas en français) de la Congrégation pour l’éducation catholique tirée du site du Vatican :
« Some of the issues treated by this office regard the teaching of sex education in Catholic schools, problems related to the teaching of moral or religious matters in public schools, the closing of Catholic schools in some countries or, in others, the juridical recognition of Catholic schools and ecclesial goods and properties. »
Me Bélisle a vainement tenté de faire admettre à M. Routhier qu'il s’était trompé. Impossible. On ne pouvait s'empêcher de penser au témoignage de M. David Mascré quand celui-ci avait cité les Évangiles « que ton oui soit oui, ton non soit non » et d'être saisi du contraste en voyant M. Routhier se lancer dans une tentative alambiquée d’explications en prétendant que – comme il l’avait dit – la Congrégation pour l’éducation catholique collabore uniquement, mais n’avait pas le monopole de l’éducation dans les écoles publiques et qu’avant 2005 au Québec quand la catéchèse était donnée dans les écoles publiques au Québec, la Congrégation pour le clergé avait aussi son mot à dire…

Plus personne n’écoutait M. Routhier alors qu’il s’enfonçait de plus en plus dans des arguties de moins en moins crédibles même pour les gens les moins versés en droit canon.

Le reste du contre-interrogatoire ne fut qu’un pénible déballage des sections coupées, omises ou interprétées de manière particulière par M. Routhier. On était partagé entre un sentiment d’agacement devant tant d’ergotage inutile et de la pitié pour cet expert dont l’impartialité et la crédibilité étaient manifestement très entamées. Mais cela devait faire partie de la « kénose », l'abaissement que réclame si librement M. Routhier pour autrui et même l'Église.

Lors de la suspension de séance, Me Boucher sort en compagnie de M. Routhier et demande qui est cet annotateur du Code de droit canonique, ce M. Capparos, assis à la première travée. M. Routhier répond sotto voce « Opus Dei ». Me Boucher lève les yeux. Puis le mot passe de manière étouffée dans la colonne d’avocats – ils sont quatre – et les témoins de l’État qui sortent de la salle d’audience : Opus Dei, Opus Dei, Opus Dei… Derrière eux, alors qu’il passe devant Me Caparros, un membre du public dit bien fort : « Alors comme cela vous êtes de l’Opus Dei, monsieur ? » Me Caparros sourit, n’ayant — après vérification de notre part — jamais caché la chose.

Il ne s'agirait donc pas d'entêtement et d'incompétence de la part de Gilles Routhier, mais d'un ténébreux complot... Comme c'est commode.




[1] « Episcopis diœcesanis adest, ut scholæ catholicæ ubi fieri potest, constituantur, et summa sollicitudine foveantur utque in omnibus scholis educatio catechetica et pastoralis cura alumnis Christifidelibus per opportuna incepta præbeantur. »

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_constitutions/documents/hf_jp-ii_apc_19880628_pastor-bonus-roman-curia_lt.html

« It is available to diocesan bishops so that, wherever possible, Catholic schools be established and fostered with the utmost care, and that in every school appropriate undertakings bring catechetical instruction and pastoral care to the Christian pupils. »

http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_constitutions/documents/hf_jp-ii_apc_19880628_pastor-bonus-roman-curia_en.html