dimanche 17 mai 2009

Grand dérangement de journalistes pour le dernier jour du procès de Drummondville

À la fin du procès de Drummondville, il n'y avait plus dans la salle d'audience qu'un seul journaliste à couvrir celui-ci, le reporter de la Tribune de Sherbrooke.

Le juge Dubois a cependant entendu cinq autres journalistes, toutes des femmes.

Que s'est-il donc passé lors de ce dernier acte du procès ECR ?

Articles de presse refusés comme preuves par le gouvernement

On se rappellera qu'un des griefs formulés par les requérants serait que la commission scolaire a refusé les demandes de dérogation au cours d'ECR sous la dictée d'un tiers alors que celle-ci bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire en matière d'exemption aux cours inscrits au régime pédagogique et qu'elle doit exercer ce pouvoir de façon indépendante.

En d'autres termes, les commissions scolaires qui ont toutes répondu par des lettres quasi identiques ont-elles suivi une directive émanant de la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne ?

C'est ce qui semble ressortir de plusieurs articles écrits à la suite d'une rencontre de presse organisée le 18 avril 2008 par la ministre de l'Éducation, Mme Courchesne. C'est ainsi que Mme Isabelle Mathieu écrivait dans le Soleil du 19 avril 2008 :
« On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d'orteils, convenait hier la ministre Michelle Courchesne, en rencontre avec les médias. Mais elle ne fera aucune concession et refuse les exemptions pour les parents qui voudraient retirer leur enfant du nouveau cours. »
La ministre Courchesne n'a jamais démenti ces propos par la suite et ces articles ont été retrouvés dans la revue de presse de la commission scolaire des Chênes, elle était donc au courant des désirs de la ministre en la matière tels que rapportés par la presse écrite.

Conscients du caractère accablant de ce type de preuves, les avocats représentant la Procureure générale et la commission scolaire avaient refusé de les admettre, les considérant comme du ouï-dire. Il a donc fallu convoquer en catastrophe les journalistes présentes à cette rencontre.

Témoignages concordants

La première journaliste a être entendue fut Mme Isabelle Mathieu, actuellement en congé de maternité. Elle a déclaré que lorsqu'on aborda la question des exemptions, la ministre Courchesne avait répondu « Non, il n'en est pas question. »

Puis, vient à la barre Isabelle Haché de la Presse qui n'a plus souvenir de ce passage de la rencontre. Suit sa collègue plus chevronnée Michèle Ouimet qui a la suite d'un précédent procès a gardé son carnet de notes. Elle lit ses notes télégraphiques quant à la question des exemptions : « Les écoles sont linguistiques. La ministre a fait ce choix. Pas d'exemption possible. » On fait une copie de la page du carnet et on la verse comme preuve au dossier. La mine de Me Boucher s'allonge, Me Jacob gratte copieusement son front dégarni, puis jette un regard inquiet sur l'assistance.

Valérie Dufour, journaliste en lockout du Journal de Montréal et actuellement au Lac-Saint-Jean, est la suivante. Elle est assermentée par téléphone pour confirmer ce qu'elle avait compris sur les exemptions. Son témoignage concorde avec les autres journalistes. Me Boucher regarde de plus en plus sévèrement à travers ses petites lunettes rectangulaires. Il tente sa dernière carte : « Vous avez parlé de libre choix, un choix entre quoi et quoi ? » La journaliste répond : « Entre ce cours et ne pas le suivre ».

L'accablement est à son comble parmi les quatre avocats de la Procureure générale et de la commission scolaire. Me Boucher, le front plissé, se penche vers Me Jacob. Ils discutent à voix basse. Me Jacob qui est resté assis, souffle,puis penche la tête en arrière. Plus de traces de la confiance que tout avocat doit de rigueur afficher. Il est trop tard, il ne reste plus qu'un témoin et le procès devant le juge est terminé.

C'est maintenant le tour de la journaliste du Devoir, journal qui a résolument pris fait et cause pour l'imposition du cours ECR (voir son éditorial du 27 février 2008 intitulé « Vain combat »). Mme Clairandrée Cauchy qui a également assisté à la réunion du 18 avril 2008 est à Montréal. Elle commettra le lendemain un long article sur le procès de Drummondville pour s'étonner du « débat surréel qui fait intervenir le Vatican » dans une affaire concernant l'enseignement d'une culture religieuse censément neutre à des catholiques. Elle ressortira avec le plus grand sérieux dans le même article les explications habituelles en faveur du cours ECR sans considérer aucune expertise présentée devant le tribunal, voilà ce qu'on nomme du grand journalisme. Il faut dire que le Devoir n'a envoyé aucun journaliste couvrir le procès.

Ayant été assermentée, Mme Cauchy déclare en substance la même chose que les autres témoins : pas question d'exemption au cours d'ECR, pas de choix. Me Boucher attendait le mot choix et tente de lui faire dire libre choix entre différents régimes (mais toujours, sous-entendu, une possibilité d'exemption en vertu de l'article 222). Mme Cauchy commence par dire « Oui », le visage de Me Boucher affiche à nouveau un petit sourire. La journaliste du Devoir poursuit : il n'était pas question « d'ouvrir une brèche » en acceptant des exemptions, car on aurait alors abouti sur plusieurs régimes d'enseignement moral et religieux, ce que la ministre ne voulait pas. À bien y réfléchir, cet aveu ne fait que renforcer la volonté de refuser toute exemption au cours en vertu de l'article 222, car il en fournit désormais une justification. Les avocats de la partie gouvernementale le comprirent sans doute également, car leur mine était bien sombre alors que l'on remerciait Mme Cauchy et que se terminaient ainsi les derniers témoignages du procès.

Commissions scolaires inféodées

« À quoi servent les commissions scolaires ? Elles sont supposées être indépendantes et ne se plier à aucune directive de la ministre » a déclaré Me Bélisle à la sortie de la salle d'audience.

Aucun commentaire: