jeudi 20 septembre 2007

Plus de quinze ans de tractations pour un permis provisoire de deux ans...

On se rappellera qu’il y a un an un membre salarié du Monopole de l’Éducation du Québec, Pierre Daoust, directeur général de la Commission scolaire au Cœur-des-Vallées, avait dénoncé une école évangélique de l’Outaouais parce qu’elle n’aurait enseigné ni l’éducation sexuelle ni la théorie de l’évolution. Cette dénonciation suivie par d’autres, après un appel du Monopole « au signalement », fit grand bruit à l’époque.

On apprit assez vite que lesdites écoles enseignaient bien la théorie de l’évolution, mais se permettaient de signaler également ses failles[1]. Notons que certains scientifiques l’ont également fait et cela jusqu’à dans la prestigieuse revue de vulgarisation française La Recherche. Apparemment, le programme officiel du Monopole ne s’étend pas sur les failles et les difficultés liées à la théorie darwinienne. À ce sujet, afin de favoriser l'ouverture d'esprit, le Monopole de l'Éducation va-t-il inviter ses élèves à aller voir le film Expelled ?

Voilà plus de quinze ans que Me Claude Grant représente les écoles évangéliques du Québec et fait un travail de coulisses pour qu’elles ne soient plus considérées « illégales » par Québec. À la suite d’une campagne médiatique dénonçant les écoles dites « clandestines » l’année passée, Québec décida de ne plus tolérer cet état de fait et força les écoles évangéliques à « négocier » avec le Monopole.

Au cours de ces négociations, le Ministère de l’Éducation a exigé la modification du programme scolaire suivi par ces écoles. Ce programme, l’ACE (Accelerated Christian Education), a été enseigné par le ministre fédéral Stockwell Day alors qu’il était encore professeur en Alberta. Québec a demandé que ce programme soit modifié : les écoles évangéliques doivent augmenter l’interaction sociale entre les étudiants (davantage de discussions de groupe par exemple) et améliorer l’éducation artistique dans le sens voulu par le Ministère. Contrairement à l’école mennonite interdite au Québec (mais autorisée ailleurs en Amérique du Nord et plus particulièrement en Ontario et en Saskatchewan), les écoles évangéliques emploient des professeurs diplômés par Québec.

Il y a quelques semaines, peu avant la rentrée, le gouvernement a indiqué qu’il allait accorder un permis temporaire de deux ans aux écoles primaires évangéliques, mais qu’il interdisait ses écoles secondaires qui regrouperaient environ 200 élèves. Plus de quinze ans de jeux de coulisses et de négociations, pour ça ! On a l’impression que le Monopole cherche à épuiser ses concurrents. Aucune nouvelle dans les « gros médias ».

Qu’est-ce qui justifie cet acharnement ?

Comment expliquer ces tractations en coulisses depuis près de quinze ans et ces négociations sous la menace d’une interdiction imminente depuis un an ? Quelles menaces représentent ces écoles et leurs élèves ? Ces écoles produisent-elles 30 % de jeunes adultes qui ne peuvent comprendre un paragraphe comme les écoles publiques ? Quarante pour cent de garçons décrocheurs, comme ceux issus des écoles « légales » de Montréal ? Quarante pour cent des élèves des écoles secondaires évangéliques se droguent-ils — même occasionnellement — comme c’est le cas de ceux qui suivent le programme approuvé par le Monopole de l’Éducation ? Ces écoles évangéliques sont-elles la proie de violences fréquentes de la part d’élèves comme c’est le cas dans des écoles « légales » ?

Comment le gouvernement du Québec peut-il justifier ces vexations qui touchent de plus en plus les écoles confessionnelles du Québec qui ne suivent pas le programme centralisé ? Québec ne voit-il aucune autre priorité dans le domaine de l’instruction ? Quelle raison pousse le gouvernement à laisser le Monopole étendre son emprise tatillonne à toutes les écoles du Québec ? Pourquoi ne peut-il pas concevoir une liberté scolaire plus grande pour mettre fin à un système d’accréditation procédurier qui, dans les faits, brime inutilement des gens honnêtes et consciencieux ? Vexations qui font fuir des citoyens modèles comme les mennonites ce qui a mérité au Québec une place au palmarès des pays où les libertés religieuses sont menacées selon le Becket Fund, organisme proche de l’ONU. Pourquoi ces tracas constants, alors que ces écoles et leurs élèves ne posent pas de difficultés ailleurs au Canada ?

Pourquoi ne pas limiter les interventions de l’État aux seuls cas où il y a maltraitance physique, persécution morale ou absence patente de scolarisation et ne plus poursuivre les écoles confessionnelles en voulant les forcer à utiliser le programme officiel intégral, car trop souvent on a l’impression que l’État cherche par là à imposer un point de vue philosophique ou des préférences pédagogiques subjectives sans réellement viser à obtenir de meilleurs résultats scolaires « scientifiques » ?

[1] Exemple de critique du manuel de biologie approuvé par le Ministère par des créationnistes québécois  http://www.creationinfo.com/Biologie534.pdf. Ce carnet ne promeut aucune opinion en la matière, il défend en revanche le droit d'enseigner la théorie de Darwin, la théorie créationnisme ainsi que le droit pour les parents de décider si on doit enseigner une de ces théories ou les deux à la fois à leurs enfants.