jeudi 30 octobre 2008

Jean-Pierre Proulx sur le sondage qui donne 72 % des parents pour le choix entre le cours ECR et un cours de religion confessionnel

Jean-Pierre Proulx, un des pères du cours ECR, commente le sondage Léger Marketing selon lequel 72 % des parents québécois sont pour le choix entre ECR et un cours de religion confessionnel.
Un sondage Léger Marketing commandé par l’Association des parents catholiques du Québec (APCQ) nous apprenait jeudi que 72 % des parents seraient « d'accord pour [qu’ils] aient le choix entre l'enseignement religieux confessionnel et le cours d'éthique et de culture religieuse ? ». Ce sondage confirme en l’amplifiant ce qu’un sondage CROP/La Presse avait déjà révélé il y a quelque temps.
En effet, ce sondage effectué en décembre révélait que 57 % des Québécois répondant à la même question étaient en faveur de cette liberté de choix.

Cette augmentation devrait troubler les gens, comme le professeur J.-P. Proulx, qui veulent imposer l'absence de choix.
Les résultats de ce sondage ne sont pas surprenants. En effet, les questions qui favorisent la liberté des gens plutôt que la contrainte reçoivent a priori plus la faveur des répondants. C’est là un phénomène normal que les spécialistes connaissent bien : c’est celui de la désirabilité sociale.
Désirabilité sociale. Le terme semble mal choisi. En psychologie, le concept de désirabilité sociale désigne le biais qui consiste à vouloir se présenter sous un jour favorable à ses interlocuteurs. C'est l'effet qui explique que les intentions de vote de certains partis extrémistes sont sous-estimées, car les gens n'osent avouer leur adhésion à ces partis. On ne voit pas trop le rapport ici à moins que Jean-Pierre Proulx veuille dire que le cours d'ECR est mal perçu dans la population alors que celle-ci a été abreuvée de slogans positifs sur ce cours « ouvert sur la diversité, qui prépare à un meilleur vivre-ensemble, à prédominance chrétienne, etc. » et ceci alors que les opposants à l'imposition du cours d'ECR étaient catalogués de catholiques les plus intégristes par Radio-Canada. Rien que cela ! On ne voit donc pas très bien la désirabilité sociale à soutenir les positions de la CLÉ !
Dire cela n’est pas dévaloriser la valeur intrinsèque de la question et de la réponse qui a été donnée; c’est plutôt une invitation à en évaluer la portée.
Bref, l'explication sur la prétendue désirabilité sociale invoquée par M. Jean-Pierre Proulx n'a guère d'importance, puisqu'on peut toujours vouloir évaluer la portée d'une question et d'une réponse d'un sondage (le en est ambigu dans la phrase du père du cours d'ECR).
D’un point de vue politique, elle constitue évidemment un argument utile en démocratie pour tenter de convaincre le décideur que la où va la majorité, là est la légitimité. Au demeurant c’est l’objectif, légitime, de l’APCQ : « Nous pensons, écrit-elle, que la manière la plus simple de résoudre la diversité des opinions est de suivre la sagesse des Québécois exprimée dans ce sondage et permettre l'option d'un enseignement religieux et moral confessionnel à l'école ».

Mais précisément, la question, au plan politique, est de décider ce qui est le plus sage. Et à cet égard, à moins de vouloir gouverner par sondage, il y a un certain nombre d’éléments à prendre en considération. Voyons voir.
Un démocrate, mais peu de gens au Monopole de l'Éducation semblent l'être ces jours-ci, penserait que faire ce que la grande majorité de la population veut est sage dans un domaine aussi subjectif que l'éducation morale et religieuse. Surtout quand ce désir ne porte ombrage à personne puisqu'il s'agit d'offrir plus de choix.
Nos valeurs et nos choix de société.

Les politiques sociales et culturelles québécoises adoptées au cours des quinze dernières années visent toutes à favoriser le vivre-ensemble dans une société de plus en plus diversifiée. L’école, dont l’une des missions, est la socialisation des élèves, vise aussi à favoriser ce vivre-ensemble. On s’est démocratiquement entendu là-dessus.
« On » ? Ah ? On ne m'a absolument rien demandé. Et, même si c'était le cas, pourquoi l'État devrait-il pouvoir imposer sa formation morale et philosophique à tous ?

En quoi le cours de religion confessionnel chrétien empêchait-il le vivre-ensemble ?
De ce point de vue, la position défendue par l’ACPQ s’éloigne de ce choix de société puisqu’elle a pour effet de séparer les enfants selon leur appartenance religieuse ou leur non-appartenance à aucune. Elle croit qu’il est préférable qu’il en soit ainsi. Mais vu les buts sociétaux déjà fixés, on peut, et c’est mon cas, estimer qu’elle fait erreur. Mais c’est ici affaire de convictions et de valeurs.
En effet, c'est l'affaire de convictions et précisément dans ce domaine le mieux est de tolérer la diversité de convictions ce que M. Proulx cherche à nier en se cachant derrière de prétendues valeurs communes québécoises que ce cours incarnerait. Ce qui n'est en rien prouvé comme l'atteste la très grande méfiance de nationalistes québécois envers ce cours dans lequel ils voient l'imposition du modèle multiculturel (ou interculturel pour faire plaisir à MM. Bouchard et Taylor).
Les règles de droit

Nos chartes québécoise et canadienne obligent l’État à ne privilégier aucune religion en particulier en raison de la norme d’égalité devant la loi qu’elle garantit aux citoyens. Comme jusqu’en septembre dernier, la loi autorisait les seules religions catholiques et protestantes à dispenser des enseignements confessionnels, il a fallu pendant plus de 20 ans déroger à ces chartes. En 2005, l’Assemblée nationale a unanimement conclu qu’il fallait mettre un terme à cet état de choses.

Pour être conforme à la lettre et à l’esprit de nos chartes, il faudrait donc, pour rendre possible la proposition de l’APCQ, offrir le choix non seulement, comme le propose la question de leur sondage, « entre l'enseignement religieux confessionnel et le cours d'éthique et de culture religieuse », mais entre plusieurs enseignements confessionnels. Ce qui nous mène au troisième élément.
Bref, les règles de droit ne sont précisément pas un obstacle, il y aurait moyen d'offrir différents cours de religion confessionnels (ou un seul dans les écoles privées que M. Proulx semble opportunément oublier alors que son cours d'ECR leur est, pour l'instant, également imposé). Cela se fait dans d'autres pays démocratiques comme la Belgique ou l'Allemagne.
La gestion pédagogique de la diversité.

Le souhait de l’ACPQ examiné dans toutes ses implications soulève la question de sa faisabilité. À cet égard, les écoles québécoises ont déjà de l’expérience. Depuis le regroupement des écoles sur une base linguistique, celles-ci étaient tenues d’offrir en option l’enseignement religieux catholique, l’enseignement religieux protestant et la formation morale non confessionnelle. Or l’expérience a montré que sur le plan de la gestion pédagogique, ce système d’options était devenu impraticable, en particulier au primaire. Il implique en effet une redistribution complexe des tâches entre les enseignantes et les enseignants et une réorganisation des horaires et des locaux qui l’est tout autant. Le résultat est connu : ce sont les groupes minoritaires qui sont mal servis. La proposition de l’ACPQ aurait comme effet prévisible d’accroître les difficultés et de rendre illusoire le droit à l’égalité.
C'est là, à mon avis, le point essentiel du long commentaire de M. Proulx, à savoir que, dans la pratique, les minorités se voient mal desservies. L'ennui, c'est qu'on n'est pas sûr que ces minorités seront mieux desservies avec un cours à prédominance chrétienne dans son volet religieux et relativiste, sous une mince couche de respect et de tolérance, dans son volet éthique.

Pire, le cours d'ECR est maintenant imposé aux écoles confessionnelles privées là où les minorités pouvaient envoyer leurs enfants pour les former dans un milieu conforme à leurs croyances. L'État s'immisce donc partout et force l'adoption d'une culture religieuse commune à dominante chrétienne partout et une vision de l'éthique dépouillée de son cadre religieux partout.

Nous savons pour avoir parlé à leur directeur qu'en pratique plusieurs de ces écoles se refuseront tout simplement à enseigner le programme d'ECR dans la forme prévue par le Monopole de l'Éducation, mais n'en disent rien de peur de perdre leur permis ou leurs subventions. Rappelons que Québec a fermé de nombreuses écoles protestantes francophones à la suite de la déconfessionalisation. Toutes ces écoles ne sont pas prêtes à engager des poursuites juridiques coûteuses contre l'État comme Loyola. Voilà l'état de coercition dans lequel certaines écoles se trouvent au Québec de par l'intolérance du Monopole et de ses « sages ».

On ne voit donc pas vraiment en quoi les minorités sont mieux traitées.

Ne parlons même pas des catholiques — même les catholiques au niveau purement socioculturel —, voudraient-ils un enseignement confessionnel que cela n'aurait quasiment aucun poids. C'est presque suspect&thinsp: sont-ils des extrémistes ?
La position de l’ACPQ soulève une autre difficulté de nature pastorale, cette fois au regard de ses propres espérances. Les évêques du Québec ont décidé qu’il était dorénavant préférable que l’éducation de la foi se fasse non plus à l’école, mais dans le cadre paroissial. La plupart des diocèses ont déjà commencé à investir temps et ressources dans cette direction. On objectera qu’ils ont pris cette décision à leur corps défendant, poussés qu’ils ont été par les décisions gouvernementales. Cette objection est en partie vraie. Mais ce qui l’est davantage, c’est qu’ils ont assumé maintenant cet état de fait et qu’ils ne vont pas revenir en arrière.
On ne voit pas pourquoi ils ne pourraient revenir « en arrière ». On a déjà vu des revirements plus étranges. On sait aussi que les évêques se sont surtout résignés à accepter mollement le cours d'ECR : il est évident qu'un bon cours de religion confessionnel à l'école donné à 80 % des enfants est préférable à un cours du dimanche donné à une dizaine de pour cent d'enfants pratiquants. À moins que les évêques aient renoncé à annoncé la Bonne Nouvelle. Ce qui serait un comble.
Au surplus, ils ne sont plus convaincus du tout que la forme de statu quo que réclame l’ACPQ au regard des catholiques, servirait bien l’éducation de la foi. Le témoignage public et récent de l’évêque de St-Jérôme, Pierre Morisette est sans équivoque à cet égard.
Mgr Morissette est un des évêques en faveur du cours d'ECR, un tiers des évêques du Québec serait contre celui-ci. Malgré cela, Mgr Morissette rappelle dans son témoignage que « les parents ont à être vigilants à l’égard de ce qui se passe avec le cours d'Éthique et culture religieuse ». Vigilance sans équivoque. Pour ce qui est du statu quo, ce que les évêques lui reprochaient surtout c'était la piètre qualité des enseignants qui étaient affectés au cours de religion : certains n'étaient visiblement pas même croyants. On peut vouloir un cours de religion confessionnel et améliorer le statu quo !
Pour ma part, j’estime que la décision de l’Assemblée nationale et du gouvernement de mettre au programme commun des écoles du Québec un cours d’éthique et de culture religieuse a été une décision pertinente et que c’est de côté que se trouve la sagesse. D’autant que ce programme, comme j’ai eu récemment l’occasion de l’écrire, rejoint les aspirations d’une majorité de Québécois.
Le père du cours ECR trouve que sa décision de ne pas admettre de choix (même dans les écoles privées) fut sage. Pourquoi ne sommes-nous pas surpris ? Pour ce qui est de la majorité, il s'agit d'une faible majorité (52 %) sondée en août alors que les manuels étaient quasi inexistants, mais les slogans favorables au cours nombreux.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Si 72 % des parents s'étaient dits en faveur de l'imposition du cours d'ECR sans possibilité de choix, Jean-Pierre Proulx se serait contenté de dire "Et voilà, la population a parlé!". Mais voilà que la population ne tranche pas en sa faveur, et on le voit se plier en 4 pour trouver une multitude de bonnes excuses pour expliquer ce résulat. Et de le voir parler de la question de la "désirabilité" est comique : quand des sondages révèlent que 70 % des Québécois sont pour le droit à l'avortement ou pour le mariage gai, faut-il en déduire -- dans ces cas-là aussi -- que ce n'est que pour dire au sondeur ce qu'il veut entendre que ces taux d'appui sont si élevés?

Voici donc à quoi se résume la pensée des idéologues de gauche : quand un sondage montre que la population pense comme eux, le sondage est un reflet exact de la vérité. Mais sinon, le sondage est trompeur, ou la population, dans les patates.

Anonyme a dit…

M. Proulx a écrit sur le blogue de Roger Girard "Éthique et culture religieuse" à propos de la désirabilité sociale:

"J’admets sans difficulté aucune que les personnes qui ont répondu à la question du sondage de l’Association des parents catholiques n’ont pas dit le contraire de ce qu’ils pensaient. J’admets tout autant que le recours au concept sociologique de « désirabilité sociale », tel que vous le rapportez n’est pas adéquat. En revanche, je soutiens qu'une question qui a pour objet la liberté induit plus spontanément une réponse favorable parce que la liberté est un bien particulièrement désirable. Cela dit et dans cette mesure, je ne conteste pas que la répartition des répondants telle qu’observée est « très probable ».


"Mais le véritable débat ne loge pas à ce niveau. Il se situe au niveau des conséquences et des difficultés qu’entraînerait la possibilité pour les parents d’un choix entre enseignement confessionnel et le programme ECER. J’ai réagi au sondage de l’APCQ pour illustrer ces conséquences."