mercredi 13 octobre 2010

Bock-Côté sur l'approche comptable en éducation

Texte intéressant de Mathieu Bock-Côté paru dans le journal 24h. Cette semaine, il analyse une tentation qui pourrait rapidement s'emparer du « nouveau parti » dont parle la rumeur publique : la tentation des « vraies affaires ».

« La rumeur concernant la création d’un nouveau parti sous la direction de François Legault s’est emparée des médias. Jusqu’ici, on en sait peu de choses, sinon qu’il évacuera la question nationale pour s’occuper des « vraies affaires », comme les finances publiques, l’éducation et la santé.
Pour plusieurs, il y a là la possibilité d’un déblocage attendu de la politique québécoise. Et c’est un fait que prédomine actuellement au Québec une morosité sans précédent dont l’impuissance politique est la cause et le cynisme la conséquence la plus visible.
Mais ce nouveau parti errera s’il se contente d’une approche étroitement comptable, comme si la politique était une entreprise strictement gestionnaire. Le renouveau dont a besoin le Québec est bien plus considérable.
Prenons l’exemple de l’éducation. Selon le discours officiel, le seul problème serait celui d’un financement insuffisant. Quelques milliards de plus, et tout irait mieux. C’est la solution des syndicats et des bureaucrates du ministère.
Cela est évidemment insensé. Le problème en est plutôt un de philosophie. C’est la conception dominante de l’école qu’il faut remettre en question, où l’autorité est bafouée, où les connaissances sont dévaluées, où la pédagogie égalitaire de l’estime de soi domine tout.
On pourrait généraliser ce constat. Notre société dévalorise le bon sens et survalorise une technocratie supposément éclairée pour résoudre les problèmes qu’elle a elle-même créés. À ce niveau, que les technocrates soient au centre-gauche ou au centre-droit change peu de choses.
Il nous faut moins nous convertir aux solutions comptables que réhabiliter des valeurs comme l’excellence, le mérite, l’effort, la responsabilité individuelle et l’enracinement national sans lesquelles les meilleures des politiques ne valent rien. Bien gérer importe. Mais bien gérer ne suffit pas.
Cela nous amène à la question nationale. La rumeur dit que ce parti n’entend pas inscrire la souveraineté à son agenda. Fort bien. Mais il y a une différence entre opérer un repli stratégique et oblitérer une question vitale au cœur de l’expérience historique québécoise.
D’ailleurs, la question nationale se transforme. Elle ne pose plus seulement la place du Québec dans le Canada mais aussi des Québécois francophones au Québec, pour assurer la défense de leur identité contre la religion des chartes et de l’accommodement. La question nationale n’est pas une « fausse affaire ».
La chose est claire : si ce nouveau parti réduit les « vraies affaires » aux seules affaires comptables, il ne parviendra pas à prendre son envol. Il échouera. »

Bock Coté est revenu plus longuement sur la question dans la revue L'Action nationale. Il y montre comment le créneau que pourrait occuper un nouveau parti est moins celui du « centre-droit gestionnaire » que d'un conservatisme authentiquement québécois. Extraits :

« la révolte électorale de 2002 dévoilait la disponibilité de l’électorat nationaliste pour une nouvelle offre politique, moins marquée à gauche, et favorablement disposé envers la critique de l’héritage de la Révolution tranquille. Les partielles de 2002 ont surtout révélé une première fissure dans l’espace politique associé à la culture politique post-référendaire, de plus en plus décroché des préoccupations populaires ne se retrouvant plus dans les termes habituels du débat public.
Ce malaise populaire n’était pourtant pas réductible à la remise en question du modèle québécois. D’ailleurs, il n’est parvenu à prendre forme électoralement qu’au moment de la crise des accommodements raisonnables. À la différence d’un PQ versé dans le souverainisme hypermoderne, l’ADQ de 2006-2007 a su investir le nationalisme d’une charge culturellement conservatrice, moins porté sur une critique aseptisée du fédéralisme que sur celle d’un multiculturalisme relayé par les élites québécoises.
La crise des accommodements raisonnables mettait en scène la fracture profonde entre l’espace public et la mutation conservatrice des préférences populaires. En fait, elle représentait l’expression la plus radicale d’un malaise culturel et politique plus profond, d’une révolte du sens commun, qui n’est pas sans lien avec les ratés de la modernisation québécoise et le progressisme culturel obligatoire qui domine médiatiquement. Elle annonçait la possibilité d’une recomposition à grande échelle de la politique québécoise.
Malgré le retour à un bipartisme de façade en 2008, le malaise québécois ne s’est pas résorbé : il a plutôt pris la forme de l’abstention. L’offre électorale ne correspond plus à la demande politique. L’espace public inhibe le débat politique davantage qu’il ne le met en scène. On comprend pourquoi se développe alors un sentiment d’impuissance politique dont le cynisme actuel est la conséquence bien davantage que la cause.
[...]
De ce point de vue, on peut comprendre l’exaspération de plusieurs envers le Parti Québécois. À sa fondation, ce parti s’est constitué à la manière d’une coalition. Il ne l’est plus depuis longtemps. Prisonnier d’alliances syndicales, communautaires et bureaucratiques, il se laisse aussi intimider par la rectitude politique dominante qui l’empêche de s’aventurer sérieusement sur la question identitaire, sinon de manière strictement rhétorique. Il ne parvient plus à coaliser les nationalistes et plusieurs d’entre eux n’y voient plus un véhicule approprié pour rassembler la grande famille du Québec d’abord.
[...]
D’ailleurs, le « centre-droit » fait souvent concurrence à la gauche dans le modernisme social et culturel. Le centre-droit tel qu’on se l’imagine dans les médias est une forme de désaccord poli mais tolérable avec le système idéologique dominant, qu’on se propose d’amender discrètement sans le congédier. Mais si le social-libéralisme a beaucoup de chroniqueurs, il a peu d’électeurs. S’il s’agit seulement de flexibiliser le modèle québécois sans remettre en question son progressisme culturel dont le désastre de l’éducation est probablement le meilleur exemple, on se demande bien pourquoi les néolucides ne vont pas simplement s’investir au PLQ.
[Note du carnet : ou à l'ADQ dont des rumeurs persistantes veulent que des nouveaux venus du PLQ peu contents des derniers scandales qui affecte le PLQ veulent refonder l'ADQ en un parti de « centre-droit » moderne, bref un PLQ sans les scandales.]
[...]  »





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