dimanche 29 octobre 2017

Un Québec à l'avenir radieux : l'euthanasie pour tous ?

Un texte de Mathieu Bock-Côté qui rejoint notre analyse à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada sur le sujet (voir Suicide assisté : décision disproportionnée de la Cour suprême dans ses effets prévisibles et potentiels ?)

Au moment de passer la loi sur le suicide assisté, pompeusement appelée « mourir dans la dignité », ses promoteurs soutenaient fièrement que les critères pour accéder aux « soins de fin de vie » étaient rigoureux et n’allaient pas changer de sitôt. L’euthanasie demeurerait une exception. Il aura fallu très peu de temps pour que cette promesse se dissipe, comme si elle n’avait jamais été faite. Est-ce parce que les promoteurs de l’euthanasie ont menti ? Peut-être. Peut-être est-ce aussi parce que cette loi a sa propre logique et qu’une fois qu’on accepte la possibilité du suicide assisté, on en vient rapidement à le banaliser ?

Banalisation

Quoi qu’il en soit, nous y sommes. On entend désormais de plus en plus de gens en appeler à ouvrir le suicide assisté aux victimes de la maladie d’Alzheimer. Et on doit s’attendre à ce que, dans les années à venir, les catégories candidates au suicide assisté se multiplient. On pourra se faire une idée de l’avenir qui nous est réservé en consultant un dossier sur l’euthanasie aux Pays-Bas, réalisé par Alain Crevier, de l’émission Second regard, à Radio-Canada, paru vendredi dernier sur Internet. On y apprend que, dans ce pays, l’euthanasie a été banalisée à un point tel qu’il s’agit d’une « façon normale de mourir ». On peut même y bénéficier du suicide assisté dans des cas de démence ou même dans des cas graves d’alcoolisme. Le critère déterminant, nous dit Crevier, c’est la souffrance. L’euthanasie est disponible pour les enfants malades de 12 ans ou plus. Et on se demande si on peut l’étendre aux moins de 12 ans. Il en faudrait moins que cela pour qu’on se dise en plein délire. Pour reprendre les mots du philosophe Christian Saint-Germain, notre civilisation est dans la logique de « l’euthanasie proactive ». Mais rien de tout cela n’est surprenant, en fait. Car à partir du moment où nous transformons le suicide assisté en droit fondamental, on est naturellement amené à en faire le droit capital. L’homme n’est-il pas en droit, dès lors, de quitter ce monde dès qu’il le juge insupportable ? N’est-il pas maître de son destin ? Et puisque la souffrance extrême sur cette terre n’est pas exclusivement physique, puisqu’elle peut être morale, n’en viendrons-nous pas, un jour, à réclamer l’euthanasie sur demande, sans même avoir à nous justifier ? C’est même inévitable. On me répondra que cette proposition n’est pas sur la table. Rien n’interdit pourtant de penser qu’elle le sera dans une quinzaine d’années. Il était bien hasardeux de transformer le suicide en droit social financé par l’État.

Barbarie


Nous subissons une telle révolution des mentalités en ce moment que ce qui semblait inconcevable la veille peut devenir évident le lendemain. Il pourrait bien y avoir demain, au Québec, des cliniques « médicales » où la mort sera vendue comme un service parmi d’autres. On accusera ceux qui afficheront quelques réserves devant ce progrès de manquer de cœur et d’être réactionnaires. Les valeurs se renversent, les repères moraux aussi. Les médecins donnent la mort. Et nous nous croyons privilégiés.

Source : le Journal de Montréal

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