mercredi 3 juin 2015

Recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada

Dans le cadre de son rapport sur les écoles où le gouvernement fédéral du Canada a tenté d’assimiler culturellement les autochtones à la majorité canadienne, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada a publié une série de recommandations, dont plusieurs en matière d’enseignement et d’éducation.  Disons d'emblée que la mise en œuvre de cette politique d'assimilation à la majorité canadienne que furent les orphelinats a constitué une tragédie qui a très durement frappé les autochtones.


Les libéraux (PLC) ont demandé la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation.

Certaines de ces recommandations sont étonnantes. (Étrangement, l’abolition de la Loi sur les Indiens ne fait pas partie des recommandations.)

Voici la première recommandation en matière d’éducation :

6. Nous demandons au gouvernement du Canada d’abroger l’article 43 du Code criminel du Canada.

L’article 43 du Code dispose que :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

On recommande ainsi d’interdire à tous les parents du Canada et du Québec de donner une fessée de force raisonnable à leurs enfants pour expier les péchés du gouvernement fédéral canadien qui désirait faire des Amérindiens de bons sujets assimilés du Dominion du Canada ? Quel rapport ?

Pour ce qui de cette recommandation :

8. Nous demandons au gouvernement fédéral d’éliminer l’écart entre le financement en matière d’éducation qu’il verse pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles dans les réserves et celui qu’il accorde pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles à l’extérieur des réserves.

Cela peut laisser penser au lecteur distrait que le financement en matière d’éducation des enfants des Premières Nations serait inférieur à celui des autres Canadiens ou que le financement dans les réserves serait inférieur à celui hors réserves pour les non autochtones. Mais, en général, c’est le contraire ! Doit-on comprendre que les enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles à l’extérieur des réserves devraient recevoir plus que leurs congères de « mauvaise origine ethnique » ?

Dépenses fédérales dans les écoles autochtones : 


En 2012-2013, le gouvernement du Canada a investi 1,62 milliard de dollars dans l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations. Un montant additionnel de 226 millions de dollars a été versé aux Premières Nations pour la construction et l’entretien d’établissements d’enseignement dans les réserves. Ce financement a permis d’aider environ 113 000 équivalents temps plein des élèves des Premières Nations de niveau primaire et secondaire résidant habituellement dans les réserves. Ce nombre exclut certaines Premières Nations autonomes. Environ 61 % de ces élèves (68 798 équivalents temps plein) fréquentaient une école située dans une réserve tandis que 36 % (40 821 équivalents temps plein) fréquentaient une école provinciale. Les élèves formant le 3 % restant (3 433 équivalents temps plein) fréquentaient des écoles privées ou une des sept écoles administrées par le gouvernement fédéral.

Dépenses totales dans les écoles non autochtones :


Moins de prisonniers autochtones dans les prisons ?

30. Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s’engager à éliminer, au cours de la prochaine décennie, la surreprésentation des Autochtones en détention et de publier des rapports annuels détaillés sur l’évaluation des progrès en ce sens.

Rappelons qu’il existe déjà un « principe Gladue » qui vise à réduire les sanctions pénales qui visent des criminels d’origine autochtone. L’article 718.2 e) du Code criminel statue, en effet, que :

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :
[...]

e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Excuses du pape, ici au Canada, dans les douze mois, églises doivent respecter la spiritualité autochtone

Sentant probablement que les médias les soutiendront dans leurs demandes, les membres de la commission n’hésitent pas à demander des excuses au Pape. Excuses publiques, ici au Canada, qu’il devra présenter dans un délai d’un an...
58. Nous demandons au pape de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique. Nous demandons que ces excuses soient semblables à celles faites en 2010 aux Irlandais qui avaient été victimes de mauvais traitements et à ce qu’elles soient présentées par le pape au Canada, dans un délai d’un an suivant la publication du présent rapport.

Les écoles de théologie et les séminaires religieux devraient également selon cette Commission enseigner à leurs étudiants l’importance de respecter la « spiritualité autochtone »... Nous ne sommes pas sûrs si ce respect exclura à l’avenir toute idée de conversion d’un certain groupe ethnique...
60. Nous demandons aux représentants de l’Église qui sont parties à la Convention de règlement ainsi qu’à toutes les autres confessions religieuses concernées, en collaboration avec les chefs spirituels autochtones, les survivants des pensionnats, les écoles de théologie, les séminaires et d’autres centres de formation, d’élaborer un programme d’études sur la nécessité de respecter en soi la spiritualité autochtone

Nouveau jour férié de la repentance ?

La commission demande au gouvernement d’instaurer un nouveau jour férié, un congé national de la culpabilité et de la repentance qui commémorerait les pensionnats pour autochtones mis en place par le gouvernement d’Ottawa :
80. Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs collectivités et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.

Enfin, les futurs journalistes devraient être forcés d’être « sensibilisés » à l’histoire des peuples autochtones, aux séquelles des pensionnats (jusqu’à quand ?) et donc aux demandes des autochtones :

86. Nous demandons aux responsables des programmes d’enseignement en journalisme et des écoles des médias du Canada d’exiger l’enseignement à tous les étudiants de l’histoire des peuples autochtones, y compris en ce qui touche l’histoire et les séquelles des pensionnats, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les traités et les droits des autochtones, le droit autochtone de même que les relations entre l’État et les Autochtones.

Des recommandations similaires sont également « demandées » (require en anglais) pour ce qui est de la formation des juristes et des infirmières. Notons que la mention à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones consiste à enseigner, à sensibiliser ces professions, à une déclaration que le gouvernement du Canada avait d’abord refusé de reconnaître, avant de la déclarer « inspirante », symbolique et non contraignante sur le plan juridique, car elle soulevait des inquiétudes notamment quant à ses dispositions sur les terres, les ressources, le droit de veto et l’autonomie gouvernementale. Le Canada et le Québec, qui avait aussi émis des réserves, se disent toutefois désormais convaincus qu’ils peuvent interpréter les principes de cette Déclaration de façon conforme à la Constitution canadienne et à leur cadre juridique.

Réconciliation ou perpétuation d’un sentiment d’injustice et racialisation croissante ?

Mais s’agit-il là vraiment de recommandations qui visent à la réconciliation ? (Interdire la fessée avec une force raisonnable, vraiment ?) Ou s’agit-il plutôt de s’assurer de la perpétuation d’un sentiment d’injustice et de futurs avantages liés à des réparations ? Il y a eu injustice, c’est indubitable, perpétrée par un gouvernement fédéral qui voulait assimiler les Amérindiens comme il a voulu assimiler, en revenant sur ses promesses, les francophones, mais aussi les Ukrainiens et les mennonites des Prairies, forçant le départ de nombre d’entre eux vers le Mexique. Dans le cas des Premières nations, cette assimilation a été plus violente qu’avec les populations d’origine européenne citées ci-dessus qu’Ottawa ou les provinces de l’Ouest voulaient également assimiler puisque les enfants indiens devaient, eux, être retirés le plus possible de l’influence de leurs parents.

Mais ces recommandations réconcilieront-elles vraiment les peuples du Canada ? Est-ce même possible tant que la Loi sur les Indiens ne sera pas abrogée ? Certaines des demandes de la Commission ne mèneront-elles pas plutôt à racialiser un peu plus le droit et les relations entre peuples du Canada ?

Parti libéral et les « progressistes » de l’époque ont voulu « civiliser », angliciser et assimiler les Amérindiens

Rappelons, enfin, que ce sont souvent les libéraux fédéraux et les « progressistes » de l’époque qui ont mis en place toutes les politiques amérindiennes. La science du XIXe siècle justifiant en quelque sorte les mesures radicales prises contre « ces peuplades sauvages », qu'il fallait civiliser et donc angliciser. (Un peu comme en France, ce sont les figures tutélaires de la gauche, comme l’anticlérical Jules Ferry, qui voulurent amener les lumières de la civilisation « aux races inférieures » en laissant d’ailleurs souvent ce travail aux congrégations religieuses chassées de France. Victor Hugo défendra, lui aussi, le même interventionnisme au nom des droits de l’homme.) Ce ne sont pas les conservateurs qui ont institué la Loi sur les Indiens (1876), mais le gouvernement Mackenzie et son Parti libéral du Canada. Ce ne sont pas les conservateurs qui ont été au pouvoir au Canada pendant la plus grande partie du siècle qui suivit cette loi et pendant la mise en œuvre des pensionnats pour autochtones, mais c’était bien le Parti libéral du Canada de l'époque.

Voir aussi

Au-delà de la Loi sur les Indiens
par Tom Flanagan, Christopher Alcantara et André Le Dressay
publié aux éditions Septentrion
à Sillery (Québec)
en 2012
260 pages.
ISBN
Papier : 9 782 894 486 825
PDF : 9 782 896 646 920
E-pub : 9 782 896 647 033

Résumé : Les Premières Nations du Canada n’ont pas fini de retenir l’attention avec leurs réclamations territoriales controversées. Leurs terres sont encore gérées selon la Loi sur les Indiens de 1876 et personne ne semble vouloir rouvrir ce dossier.

Tom Flanagan, Christopher Alcantara et André Le Dressay abordent ces sujets de front en se demandant si cette loi a vraiment profité aux autochtones. Bousculant les pratiques actuelles, leur travail éclairant propose la création d’un nouveau système qui permettrait aux Premières Nations de jouir de la pleine propriété de leurs terres, à titre individuel ou collectif, un système qui pourrait améliorer la qualité de vie dans les communautés autochtones de tout le pays.