mercredi 22 octobre 2008

Salmigondis de la ministre Courchesne à l'Assemblée nationale sur fond de cours ECR et de drapeau québécois sans croix

Nous reproduisons ci-dessous l'échange qui a eu lieu cet après-midi à l'Assemblée nationale de Québec vers 15 h 37.
— M. Proulx (ADQ) : Oui, M. le Président. D'abord, je vous salue pour cette première journée. Ma question sera à la ministre de l'Éducation. Vous savez, dans le cours d'éthique et culture religieuse, beaucoup de gens se font entendre depuis un certain temps peut-être parce que le cours est commencé, les gens apprennent à connaître le contenu. Je ne sais pas si, M. le Président, vous avez eu la chance ou si la ministre a lu la chronique de Richard Martineau la semaine dernière qui s'intitulait Dessine-moi un drapeau . Je vous fais lecture d'un paragraphe, M. le Président. « Discussion dans l'auto, l'autre jour, avec une de mes filles. C'est Richard Martineau qui dit: Comment tu trouves ça ton cours d'éthique. Alors, elle répond qu'elle trouve le prof très dynamique et elle dit: Cette semaine, on va redessiner le drapeau québécois, le prof dit qu'il n'est plus représentatif de la nouvelle réalité parce qu'il y a une croix dessus, il faut en créer un autre qui refléterait mieux le Québec d'aujourd'hui. »

M. le Président, le drapeau québécois, c'est celui qui est à côté de vous, c'est celui pour lequel tous les parlementaires devraient avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup de respect. Est-ce que la ministre tolère qu'un enseignant au Québec dise à des étudiants que ce drapeau-là n'est pas digne de tous les Québécois ?

— Le Président : Mme la ministre de l'Éducation.

Des voix ...

— Le Président : S'il vous plaît. S'il vous plaît, la question a été posée. Mme la ministre de l'Éducation.

— Mme Courchesne : M. le Président, c'est bien sûr que je veux réitérer en cette Chambre que nous avons un profond respect pour le drapeau québécois et ça va tout à fait de soi par ailleurs que nous puissions dans nos salles de classe pouvoir enseigner à nos jeunes tout autant ce respect, mais aussi d'enseigner dans ce cours ce que veut dire la participation citoyenne et comment on devient un citoyen responsable et on peut apprendre à devenir un citoyen responsable dès le plus jeune âge, M. le Président.
Quel rapport y a-t-il entre la suppression de la croix du drapeau et la formation de citoyen responsable, etc. ?

Puisqu'on parle du cours d'éthique religieuse, je tiens à souligner à cette Assemblée qu'il se peut – qu'il se peut – qu'il y ait des accrocs de parcours, puisque c'était un défi énorme de pouvoir changer un cours sur 11 années d'enseignement.
Pourquoi ce manque de prudence ?
Mais, M. le Président, moi, je suis très reconnaissance à l'égard de tous les enseignants du Québec qui ont relevé le défi et qui relèvent le défi en ce moment
Le gouvernement leur a enlevé le droit de ne pas relever le défi (abrogation de l'article 20 de la Loi sur l'instruction publique) !
et je sais que nous avons davantage – davantage – je dirais, rassurer les parents sur ce cours-là. Et autant il y a certains qui puissent encore ne pas être d'accord..., moi, j'ai, à mon bureau, une très grande majorité de parents qui apprennent à fréquenter ce cours et qui sont très positifs...
Euh. Tous ces parents en faveur du cours d'ECR sont au bureau de Mme Courchesne ? A-t-elle ne fût-ce que reçu des gens opposés à ce cours comme ceux de la CLÉ ? Est-ce là une manière de dialoguer ?
— Le Président: En conclusion, Mme la ministre.

— Mme Courchesne: ...à cet égard-là, M. le Président.

— Le Président: Merci, Mme la ministre. M. le député de Trois-Rivières, pour l'additionnelle.

— M. Proulx: Oui, M. le Président. Mme la ministre n'est pas sans savoir, M. le Président, que, la semaine dernière, il y avait entre 1 500 et 2 000 personnes qui marchaient à Montréal pour justement décrier le cours d'éthique et de culture religieuse.

Est-ce que la ministre à tout le moins s'engage à ce que des événements comme celui-là ne se reproduise plus? Quelles démarches avez-vous faites, M. le Président, pour que cela ne se reproduise plus et qu'un enseignant montre à des enfants que notre drapeau, il est dépassé aujourd'hui?

— Le Président: Mme la ministre, à vous la parole.

— Mme Courchesne: M. le Président, c'est évident que, lorsque nous avons... on attire à notre attention sur des éléments comme celui-là, c'est évident que nous remontons la filière et que nous allons à la source pour nous assurer des propos qui doivent être correctement tenus dans toutes les salles de classe.
Bref, d'être plus sournois dans l'imposition de l'interculturalisme ?
Mais, M. le Président, je tiens à dire à cette Assemblée, pour votre information, que, sur 1 million d'enfants qui fréquentent nos écoles aujourd'hui, il y a 1 112 qui ont fait une demande d'exemption.
Dans les écoles publiques uniquement, il n'y a pas 1 million d'enfants dans le secteur public. Plus de mille demandes de dérogation dans le secteur public, malgré l'assurance que toutes les demandes seraient refusées !
M. le Président, c'est à peu près 1 %.
Alors, je pense qu'on doit encore une fois dire que, comme société québécoise, nous relevons un très beau défi pour apprendre à mieux vivre ensemble au Québec.
Slogans d'une vacuité totale. Comment vivait-on mal ensemble auparavant, en quoi l'intimidation et les menaces pour imposer ce cours montrent que « nous relevons un très beau défi pour apprendre à mieux vivre ensemble au Québec » ?

Hans Küng passé sous silence dans Le Devoir ?

Patrice Perreault, « bibliste » de Granby a fait publier un même texte dans la Voix de l'Est et dans le Devoir. Chose intéressante c'est la Voix de l'Est — qui limite pourtant le plus la longueur des textes (au maximum 600 mots) — qui a publié l'intégralité de la lettre de ce « bibliste ». Le Devoir, pour sa part, a raccourci la lettre pour en omettre un passage qui invoque Hans Küng, théologien interdit d'enseigner la théologie par le Vatican. Pour ne pas effrayer certains catholiques qui croient vraiment encore que les partisans du cours d'ECR sont des catholiques orthodoxes ? Un peu comme le passage sous silence systématique dans Le Devoir de l'opposition d'une école catholique privée, Loyola, au cours d'ECR.

À des fins pédagogiques, nous reproduisons ci-dessous la lettre de M. Perreault dans son intégralité avec le passage supprimé par le Devoir en rouge.
La manifestation orchestrée par la Coalition pour la liberté en éducation (CLE) le 18 octobre suscite une perplexité certaine. Comment expliquer une telle opposition au nouveau programme? Est-il possible que celle-ci tire son origine d'une certaine compréhension du phénomène religieux?

Celui-ci, comme toute dimension humaine, est marqué par une ambiguïté produisant des effets opposés. Il peut tout aussi bien libérer qu'asservir. Autrement dit, le religieux peut se nourrir de valeurs d'exclusion ou d'inclusion. Le philosophe Henri Bergson parlait de la dimension plus conservatrice du phénomène religieux qui prône la sécurité face à l'angoisse existentielle.
Il n'est pas certain que l'angoisse existentielle libère !
Les gens adhérant à cette dynamique religieuse cherchent à conformer le réel à leur conception de l'Absolu ou de la religion. En général, ces personnes adoptent des valeurs éthiques axées sur des repères limpides et considérés comme immuables. Un certain pessimisme anthropologique caractérise cette approche du phénomène religieux au point de renforcer une forme de conservatisme social.
Oui, ce pessimisme anthropologique est bien conforme à la nature pécheresse des hommes pour les chrétiens. On ne sait pas trop d'où les optimistes anthropologiques tirent leur optimisme, mais ce n'est pas dans le christianisme ni même la triste réalité historique.
Une orientation première

L'autre dimension du religieux met l'accent sur des normes d'ouverture à l'altérité. Elle reconnaît la complexité du réel, établit une relation inclusive plutôt qu'antagonique avec la différence.

Cette relation donne naissance à la conscience sociale et suscite l'engagement avec d'autres pour transformer le monde. Il importe, ici, de faire observer qu'il s'agit d'une typologie et qu'aucune personne ne correspond entièrement à l'une ou à l'autre dimension. Cependant, il existe fréquemment une composante majeure qui détermine, en grande partie, l'orientation première.

À cet égard, le nouveau Programme d'éthique et de culture religieuse constitue un excellent test de Rorschach. Les réactions manifestées à ce programme s'avèrent fort révélatrices des tendances fondamentales. Par exemple, l'opposition farouche de parents trahit une attitude religieuse bien spécifique. Elle s'appuie sur un modèle culturel «d'exclusion» décrit plus haut. Ce modèle dessine une frontière hermétique entre le monde «extérieur» considéré comme hostile et l'univers «intérieur» de la communauté perçu comme un havre de paix et d'harmonie.

Or, le nouveau programme ECR s'inscrit dans la compréhension du phénomène religieux comme espace inclusif.
On ne sache pas que le volet éthique du programme ECR s'inscrive dans une quelconque compréhension du phénomène religieux.
Pour le programme, la différence ne constitue pas une menace à l'identité personnelle, mais en représente un aspect incontournable puisqu'elle incite à entrer en relation avec l'altérité. La frontière devient poreuse et inclusive entre le monde «extérieur» et le monde «intérieur» de la communauté. Au lieu d'observer un antagonisme du binôme monde-communauté, le paradigme privilégié par le programme, conçoit plutôt la communauté comme une partie intégrante du monde en relation étroite avec d'autres communautés humaines incarnées au cœur d'une biosphère dynamique en changement perpétuel.
On ne voit pas très bien où ce « bibliste » veut en venir. Croit-il vraiment que les gens contre le programme d'ECR ne considèrent pas que leur communauté est dans le monde changeant ? Mais ce « bibliste » ne connait-il pas la distinction entre le « dans le monde» et « de ce monde » dont le Christ parle ?

Voir Jean 15, 19 : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait; mais vous n'êtes pas du monde : c'est moi qui vous ai mis à part du monde et voilà pourquoi le monde vous hait. »

Voir aussi Jean 17, 14-18 :«14 Je leur ai donné ta parole et le monde les a pris en haine, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde. 15 Je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les garder du mauvais. 16 Ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde. 17 Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. 18 Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. »

Fin des certitudes

Un tel paradigme implique la fin des certitudes absolues. Cela explique l'accusation fausse de relativisme du programme.
Facile d'affirmer que cette accusation est fausse, il faudrait encore le prouver. Car, quand il n'y a plus de certitudes absolues, comme c'est le cas par exemple dans le volet d'éthique du cours, que reste-t-il ? Un relativisme borné en classe par le respect, la non-violence et l'esprit des Chartes de droits au mieux. C'est maigre et n'aura pas nécessairement d'effet en dehors de la classe pour les jeunes adultes devenus autonomes ou plutôt « anomes ».
Ses visées cherchent davantage à permettre à l'enfant de comprendre le phénomène religieux et de lui donner les outils pour écouter les représentations différentes tout en le situant dans la tradition culturelle et historique de la société.
En les situant de quelle façon et dans quelle tradition culturelle de quelle société ? La tradition judéo-chrétienne de la société québécoise ? Ou une autre « tradition » plus récente et privilégiée par certains pédagogistes et partisans de ce cours ? Bref, l'arbitraire.
En d'autres termes, le programme permettra de saisir que l'autre ne pense pas nécessairement comme soi et que sa différence est légitime.
Toutes les différences sont d'ailleurs légitimes (mais attention on n'est pas relativistes !), sauf celles des gens de le CLÉ ?
Pour les parents qui entrevoient le phénomène religieux comme un espace délimité par une frontière stricte, le paradigme du nouveau programme suscite tout un choc culturel. Dès lors, peut-on se surprendre qu'ils souhaitent préserver à tout prix leurs enfants de ce programme? [...]
Cette ellipse ([...]) remplace ce passage publié, lui, dans la Voix de l'Est mais pas dans le Devoir :

Le grand théologien Hans Küng résume bien les causes de ce choc culturel par la concomitance de paradigmes socioreligieux qui fait se côtoyer des personnes croyantes qui ne partagent pas la même mentalité. Cela suscite un conflit des représentations face au réel et à la société.

Est-il possible que l'opposition face au nouveau programme ECR résulte de la collision entre divers paradigmes, l'un moderne et l'autre plus «écohumaniste» qui intègre le pluralisme dans un système ouvert? Si cela s'avère, il importe dès lors d'accompagner, avec sollicitude et par le dialogue, tant les personnes opposées à ce programme que leurs enfants dans ce douloureux passage.
Euh, pour les forcer à passer contre leur gré ?
Cependant, rappelons que dans tout vrai dialogue, les personnes acceptent la possibilité de se laisser transformer complètement par l'échange afin de créer, espérons-le, une société plus inclusive, égalitaire, solidaire et unie dans la diversité.
Il semble pourtant simple d'assurer cette diversité : laisser le choix comme le demande justement la CLÉ&thinsp!

En passant, la transformation semble être un but en soi pour ce « bibliste ». On ne voit pas pourquoi quand tout est devenu légitime.

Plus de précisions sur les menaces et intimidations faites à l'encontre de parents de Granby

La Voix de l'Est du 21 octobre rapporte plus de détails sur les menaces et intimidations faites à l'encontre des parents de Granby qui, inquiets de l'éducation morale et religieuse de leurs enfants, les ont retirés du cours d'éthique et de culture religieuse imposé par l'État à tous les enfants du Québec.
« Un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Voilà de quoi sont menacés les parents qui refusent que leur enfant assiste au cours d'éthique et culture religieuse. Julie Clément n'en revenait pas, vendredi, en lisant une lettre que lui a adressée Paul André Boudreau, directeur de l'école secondaire Paul-Germain-Ostiguy à Saint-Césaire. […] Si votre enfant persiste à ne pas assister au cours d'éthique et culture religieuse, je devrai signaler son absence à la DPJ avec les conséquences qui en découleront, écrit-il. »
Menaces, appel à la DPJ
« C'est un signe d'intimidation. On embarque dans les menaces, c'est insensé, lance Mme Clément. Je suis étonnée, je m'attendais à ce qu'on me parle d'abord d'une retenue. »
Menaces de renvoi !
« Si c'est vrai cette menace, la DPJ viendra à la maison et on discutera en prenant un café, lance Diane Gagné. La menace de DPJ n'est pas ce qui choque le plus cette mère, dont le fils étudie en 4e secondaire. La directrice a rencontré mon fils sans que je sois là, soutient Diane Gagné. Ça lui a fait peur. Il ne veut pas se faire sortir de l'école. »
Notons que cette direction menace également de renvoi de l’école publique cet étudiant sans problème… alors que le Gouvernement investit des millions de dollars contre le décrochage scolaire !

Intimider les enfants en l'absence des parents

Linda Foisy reproche également à la direction d'avoir intimidé ses jumeaux qui sont en 4e secondaire.
« Moi et mon conjoint avons écrit à la directrice pour lui dire que c'est à nous qu'elle devait s'adresser, note Mme Foisy. C'était de l'intimidation de rencontrer mes fils. »
Du bluff ? Commission scolaire s'en remet à la justice

Ces tentatives d'intimidation ne visent qu'à effrayer les parents, selon Sylvain Lamontagne insitigateur du mouvement de boycottage à Valcourt. Certains ont abandonné la bataille, trop inquiets des représailles. « C'est un jeu de patience, lance-t-il. Le plus patient des deux va gagner. » Sandra Thibodeau, agente de communication à la commission scolaire du Val-des-Cerfs, admet qu'un signalement à la DPJ n'est peut-être pas approprié. « On sait que nous ne sommes pas devant des cas de négligence parentale, dit-elle. On n'en est même pas encore à des suspensions. » À quoi doivent s'attendre les parents ? « Je ne suis pas en mesure de dire quelle est la suite des choses, répond Mme Thibodeau. Il est trop tôt pour dire quelles seront les sanctions. »

Pourquoi alors toutes ces menaces officielles de sanctions ?

Selon la Voix de l'Est, la commission scolaire du Val-des-Cerfs espère que la Cour supérieure lui donnera une piste de solution. Le juge Jean-Guy Dubois déterminera, le 6 novembre au palais de justice de Drummondville, quand la cause sera entendue.