samedi 27 juillet 2024

Non, les Jeux olympiques antiques n'ont pas disparu à cause d'un édit antipaïen de l'empereur Théodose Ier

Selon l'historien Jean-Manuel Roubineau dans le Figaro Histoire (6 juillet 2024) :

On a longtemps donné de cette disparition une lecture politico-religieuse, les concours grecs ayant été prétendument interdits par un rescrit antipaïen de l'empereur chrétien Théodose Ier, en 393. Mais cette hypothèse, fondée sur une remarque isolée de l'érudit byzantin Kédrénos, ne résiste pas à l'examen : certains concours persistent jusqu'au début du VIe siècle, à l'exemple des Olympia d'Antioche de Syrie.

Les Olympia d'Olympie, quant à eux, disparaissent probablement dans les années 420-430, sous le règne de Théodose II, à la suite de l'incendie du temple de Zeus et du déplacement de la statue de Zeus à Constantinople. Les concours sportifs, victimes au Bas Empire d'une désaffection progressive, laissent la place, à un rythme variable d'une région à l'autre, à d'autres divertissements plus populaires, sans que la christianisation de l'empire ait joué un rôle majeur dans ce processus.

Dans Ouest-France du 27 juillet 2024, il revient sur cette disparition : 

 Le sport disparaît de manière graduelle à partir de la fin du IIIe siècle après J.-C. Le nombre de compétitions diminue. Le dernier concours documenté, les Olympia d’Antioche de Syrie, est encore attesté au début du VIe siècle. Le modèle d’explication longtemps en vigueur consistait à considérer que le sport aurait disparu dans le cadre de la lutte anti-païenne des empereurs chrétiens au IVe siècle. Une disparition supposément soudaine et verticale.

En fait, ça n’a pas du tout fonctionné ainsi. On observe un processus de très longue durée, variable d’une région à l’autre. Les concours disparaissent progressivement, sous l’effet de la désaffection dont fait l’objet le spectacle gymnique. En revanche, les concours hippiques vont continuer de passionner les Grecs de l’époque byzantine.

À cette évolution des goûts s’ajoute une autre raison : l’argent. Les notables qui trouvaient un intérêt à financer les compétitions – c’était un moyen pour eux de construire une carrière politique – se tournent de plus en plus vers les carrières de l’administration impériale romaine, qui n’impliquent pas ce type d’investissement. Ce paramètre fait partie des multiples raisons qui ont conduit à la désagrégation progressive du phénomène sportif à la fin de l’Antiquité, avant sa renaissance dans le courant de l’Ancien Régime en Europe.

Roubineau parle d'Olympia pour désigner ces concours antiques plutôt que de Jeux olympiques. Les Romains distinguaient le certamen, concours, du ludus, le jeu, activité de la jeunesse.

Jean-Manuel Roubineau est l'auteur de Le sport: Récit des premiers temps paru 13 mars 2024 aux PUF (Presses universitaires de France).

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