Le journal Le Devoir nous apprend :
« Les tenants d’une approche plus nationaliste de l’enseignement de l’histoire seront contentés : la nouvelle mouture du cours au secondaire devrait faire une plus grande place à la trame nationale et politique de l’histoire du Québec.
C’est ce qui ressort des recommandations du très attendu rapport d’experts commandé par la ministre de l’Éducation, Marie Malavoy. Après avoir pris connaissance de ce rapport, la ministre a annoncé l'implantation de projets-pilotes en histoire dès septembre 2014 dans plus de 90 classes de 3e année du secondaire du Québec.
Sans surprise, le nouveau cours qui s’appellerait Histoire du Québec et du Canada propose un retour à l’enseignement chronologique sur deux ans (3e et 4e secondaires), l’enseignement chronologique/thématique actuel ayant été très condamné par les profs.
Quoique très critiques sur la trop grande place faite aux compétences dans l’actuel programme, au détriment des connaissances, les deux experts ne les évacuent pas complètement pour autant. Toutefois, la compétence qui introduisait la notion à l’éducation à la citoyenneté, sans être éliminée comme le souhaitaient plusieurs, est remplacée par une volonté de développer l’esprit critique des élèves.
Le rapport recommande également que soient enseignées des notions de géographie au début de chaque année, en 3e et en 4e secondaire. Il suggère aussi d’augmenter le nombre de cours d’histoire dans la formation universitaire des futurs enseignants de cette discipline. Toutefois, les experts remettent à plus tard la réflexion sur la révision du cours d’histoire au primaire. »
Le rapport rappelle certaines critiques envers le programme instauré par le Parti libéral du Québec :
« Plusieurs, y compris des spécialistes de la didactique et des enseignants, relèvent toutefois que le programme de 2006 met en avant une version trop radicale de ces principes. Plus que l’approche elle-même, c’est ce radicalisme qui pose de multiples problèmes intellectuels et pédagogiques. Cette influence négative présente deux visages :
- Elle détourne les finalités de l’histoire. En soi, l’idée que l’histoire aide l’élève à développer des aptitudes civiques ou intellectuelles n’a rien de nouveau. C’est un souhait légitime et unanime. Jusqu’ici, cependant, il semblait clair que ces retombées découlaient indirectement d’une pratique de l’histoire pour elle-même, enseignée selon ses propres règles. C’est cette vue des choses que rompt le programme de 2006. Plutôt que de prendre l’histoire comme point de départ, il définit au préalable des habiletés (des « compétences ») dont le libellé et l’économie générale paraissent mal arrimés aux exigences de la discipline historique et de son enseignement. Ainsi mise en œuvre, cette version de l’approche par compétences propose trop souvent d’envisager l’histoire non pour elle-même ou selon ses propres règles, mais comme un outil au service d’autres fins.
Dans la lettre du programme de 2006, ces « autres fins » sont doubles. D’une part, elles incluent l’« éducation à la citoyenneté », qui prévoit dans les faits l’inculcation de valeurs civiques et morales particulières. D’autre part, elles incluent des attitudes mentales qui se veulent proches de la discipline historique, comme la capacité d’interrogation et la « pensée historique », mais dont les libellés, dans le programme, s’accordent souvent mal à la réalité de l’histoire comme science.
- Le programme rompt avec l’attente commune d’un récit globalement intelligible, c’est-à-dire posé sur une trame narrative suivie et reconnaissable, bref pourvu de fils conducteurs clairs, quels qu’ils soient. En 3e secondaire, le programme prend la forme d’un récit chronologique, mais qui manque de cohérence : chaque période (ex. : 1608-1760) pose une question différente et s’organise autour de principes d’explication divergents. En 4e secondaire, il s’agit d’un programme de déconstruction reprenant plusieurs fois la même histoire sous des angles thématiques différents entre lesquels le souci d’intégration paraît bien superficiel.
Cette histoire disséquée, constamment répétée, consomme du temps : elle place l’enseignant dans une situation d’urgence permanente, malgré les deux années dont il dispose. Elle pose aussi problème sur le plan de la mémoire comme sur celui de la science. En ce qui concerne la mémoire, une plus grande intelligibilité, des fils conducteurs plus clairs (même multiples) et un sens plus aigu de la chronologie devraient aider l’élève à faire sens de l’histoire. En ce qui a trait à la connaissance, il serait plus conforme à la discipline historique d’imbriquer les évènements politiques, économiques et sociaux en une seule trame narrative qui exposerait clairement la complexité et la singularité du passé.
Ce déficit d’intelligibilité tient au visage que prend l’approche par compétences dans le programme de 2006. En effet, les compétences proposées ne requièrent pas une telle recherche d’intelligibilité et s’accommodent mieux d’une histoire morcelée. Cette déstructuration du récit explique l’occultation partielle du cadre national ou politique. Elle explique aussi la superficialité des apports de l’histoire sociale (prise en considération des femmes ou des Premières Nations, de l’économie, etc.), qui ne font souvent que saupoudrer le récit.
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