mardi 4 février 2014

Phobie scolaire : le nouveau mal du monopole scolaire

 Ils sont entre 1 et 5 % des élèves scolarisés dans les pays occidentaux et leur maladie est encore en tabou en France. Cette nouvelle pathologie, appelée phobie scolaire, montre que le moule unique de l’éducation nationale, dans sa réalité concrète, ne convient pas à tous les enfants et même qu’il en rend malade un nombre significatif et, apparemment, croissant. Dès lors, pour les parents, le parcours du combattant commence, car il faut trouver, dans l’urgence, un nouveau mode d’instruction pour leur enfant : hors contrat [sans subventions gouvernementales, avec plus de liberté pédagogique qu'au Québec], école à la maison avec ou sans cours par correspondance, année à l’étranger, etc. Une mère décrit cette maladie trop peu connue dans un livre témoignage. C’est l’un des premiers sur la phobie scolaire.

Dans le livre Le jour où je n'ai pas pu aller au col­lège, Anne-Marie Rocco, jour­na­liste au maga­zine Challenges, et sa fille Justine Touchard, étudiante, racontent leur com­bat face à la pho­bie sco­laire, un mal méconnu qui touche de nom­breux élèves décro­cheurs. Entretien avec Anne-Marie Rocco.

Pourquoi votre fille a-t-elle cessé un jour de se rendre au collège (12-15 ans) ?

Ce n'est pas une déci­sion ration­nelle. En 2007, au début de sa classe de 3e [14 ans], Justine n'arrivait tout sim­ple­ment plus à aller au col­lège. Elle dor­mait très mal, fon­dait régu­liè­re­ment en larmes et par­tait chaque matin avec la boule au ventre. Début octobre, c'est devenu insur­mon­table. Plusieurs para­mètres se sont super­po­sés : Justine avait eu quelques mésa­ven­tures avec des cama­rades qui se moquaient d'elle et puis la pres­sion sco­laire était trop impor­tante. A mon niveau, je me sou­viens notam­ment de la réunion parents-professeurs du début d'année : le pro­vi­seur et les pro­fes­seurs ont pré­senté le bre­vet comme un objec­tif majeur. Ils en par­laient comme d'un doc­to­rat, en créant un stress inutile. Comme ma fille man­quait de confiance en elle, elle a cra­qué et s'est retrou­vée dans une situa­tion de blo­cage à la fin du pre­mier trimestre.

Comment a réagi l'équipe éducative ?

Sur le moment, elle a été assez com­pré­hen­sive. L'établissement, un col­lège privé sous contrat, se ren­dait compte du mal-être de Justine et était dis­posé à ce qu'elle reste quelques jours à la mai­son. Mais pas trop long­temps, à cause du bre­vet... [Examens facultatifs à la fin de la 3e, secondaire IV.] Son pro­fes­seur prin­ci­pal, très à l'écoute, a fait en sorte que Justine soit tenue infor­mée quo­ti­dien­ne­ment par ses cama­rades des tra­vaux effec­tués en classe. Problème : au bout de quelques semaines, Justine ne vou­lait tou­jours pas retour­ner en cours et le col­lège a com­mencé à s'impatienter.

Nous avons donc dû faire un choix et nous avons coupé les ponts avec ce col­lège. J'ai cher­ché des établis­se­ments dif­fé­rents, des péda­go­gies alter­na­tives... Et je dois dire qu'entre les « boîtes à bac » hors contrat [qui prépare principalement au bac français/D.E.C. québécois] et les établis­se­ments cal­qués sur le modèle de l'Éducation natio­nale, c'est le désert. Justine a donc ter­miné son année avec le CNED, avant de décro­cher le bre­vet en can­di­dat libre. Au bout de deux ans de cours par cor­res­pon­dance et après une psy­cho­thé­ra­pie, elle a consenti à retour­ner dans un lycée public à taille humaine, au sein d'une classe lit­té­raire en sous-effectif. Justine a eu des moments dif­fi­ciles, mais son retour en classe s'est fait en dou­ceur. Aujourd'hui, elle pré­pare un BTS en com­mu­ni­ca­tion. Elle va mieux, mais ses pro­blèmes ne sont pas encore réglés.

N'est-ce pas un effet de mode de par­ler de « pho­bie sco­laire » ? Que sait-on de cette pathologie ?

Le phé­no­mène, qui recouvre plu­sieurs types de patho­lo­gies, reste encore flou. Mais ce n'est pas un effet de mode ! Notre livre le prouve : il est le pre­mier et le seul témoi­gnage per­son­nel. Il existe un autre ouvrage sur le sujet, coécrit par deux femmes méde­cins de l'hôpital Robert Debré, beau­coup plus médi­cal. Par ailleurs, je consi­dère que je fais par­tie des parents très bien infor­més et je n'avais jamais entendu par­ler de pho­bie sco­laire avant qu'un psy­chiatre n'emploie l'expression pour qua­li­fier la situa­tion de Justine. J'ai alors com­pris que nous n'étions pas seuls : beau­coup d'autres familles sont confron­tées au phénomène.

[...]

Le jour où je n'ai pas pu aller au collège
par Anne-Marie Rocco et Justine Touchard
aux éditions Flammarion
paru le 28 août 2013
à Paris
319 pages
ISBN-13: 978-2081295926


Sources : VousNousIls et Liberté scolaire




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