Selon Luc Godbout, professeur à l’Université de Sherbrooke et chercheur à la Chaire en fiscalité et en finances publiques:
Il y a de ces débats où le gros bon sens n’arrive pas à prendre le dessus. Celui entourant les frais de scolarité est manifestement l’un de ceux-là.
Dans son budget 2011-2012, le gouvernement a annoncé la hausse les droits de scolarité de 325 $ par année pendant cinq ans, les faisant passer de 2168 $ en 2011-12 à 3793 $ à 2016-17.
C’était écrit dans le ciel, la question n’était pas de savoir si le gouvernement allait augmenter les droits de scolarité, mais plutôt quelle avenue serait empruntée pour garantir l’accessibilité?
Éléments à connaître
Les étudiants d’aujourd’hui, même en majorant leurs droits de scolarité de 1625 $, paieraient en valeur réelle, tenant compte de l’inflation, l’équivalent des frais de scolarité applicables en 1968.
La contribution des étudiants aux revenus globaux des universités québécoises s’élevait à 12,7 % en 2008-2009 alors qu’elle atteignait le double dans les autres provinces canadiennes.
En 2009, plus d’un étudiant sur deux au premier cycle universitaire avait complété son diplôme sans dette d’études. Pour ceux qui en détenaient une, le montant moyen s’établissait à 15 000 $. Cette dette doit être mise en perspective, elle doit être vue comme un investissement. En effet, même s’il commencera à travailler cinq ans plus tard, sur un cycle de vie, un diplômé universitaire gagnera en moyenne un million $ de plus qu’une personne détenant uniquement un diplôme secondaire.
Enfin, avoir des frais de scolarité bas et uniforme au nom de l’accessibilité des plus démunis constitue une mesure régressive, car au passage elle subventionne les étudiants issus de familles riches qui fréquentent l’université dans une plus grande proportion.
Fiscalité fédérale et frais de scolarité
La situation actuelle de faibles frais de scolarité a aussi des interactions paradoxales avec la fiscalité.
Il faut savoir que la fiscalité fédérale contient plusieurs mesures relatives aux études passant du crédit pour frais de scolarité aux régimes enregistrés d’épargne-études.
Il est facile de comprendre qu’avec des frais de scolarité plus faible que dans les autres provinces canadiennes, lorsqu’arrive le moment de produire la déclaration fédérale de revenu, les Québécois réclament moins de crédits d’impôt au titre des frais de scolarité. Ainsi, même s’ils représentent 24% des déclarants canadiens, la valeur réclamée n’atteint que 19%. Si les Québécois réclamaient 800 millions $ de plus en frais de scolarité, la valeur serait alors proportionnelle au poids des déclarants. Ce faisant, les Québécois bénéficieraient d’une économie d’impôt fédéral de 100 millions $.
Il est également facile d’admettre que devant les faibles droits de scolarité, les Québécois voient moins la nécessité d’épargner pour les études de leurs enfants. En analysant la proportion des enfants de 0 à 17 ans qui bénéficie d’un Régime enregistré d’épargne-études, le Québec arrive en neuvième position sur 10 provinces. Encore une fois, le fédéral verse des montants au régime d’épargne-études en proportion des contributions parentales. Conséquence, la valeur de la subvention versée pour les enfants québécois ne représente que 15% du coût total.
Impact positif sur les étudiants moins fortunés
En 2007-2008, des 156 000 inscriptions à temps plein au premier et deuxième cycles universitaires, 42% recevaient un prêt et 30 % bénéficiaient également d’une bourse. Quel serait l’impact d’une hausse des frais de scolarité pour ces bénéficiaires de bourses? Devraient-ils s’endetter davantage ou recevraient-ils simplement une bourse plus élevée.
Il faut savoir que l’aide financière du régime des prêts et bourses se calcule en déterminant les dépenses admissibles desquelles sont soustraites les contributions potentielles. Comme les dépenses admissibles augmentent corollairement à la hausse des frais de scolarité et que le prêt maximal est plafonné annuellement, pour les étudiants bénéficiant d’une bourse d’études, une augmentation de frais de scolarité se traduit par une augmentation équivalente de la bourse d’études.
De plus, en sus de la majoration de la bourse pour tenir compte des frais de scolarité plus élevés, ils bénéficieraient également de crédits d’impôt pour frais de scolarité additionnels. Au net, pour une hausse de frais de scolarité de 1500 $, ils économiseraient 488 $ en impôts sur le revenu. Non seulement les bénéficiaires de bourses ne subiraient aucun problème d’accessibilité en lien avec la hausse proposée, mais au contraire ils s’enrichiraient!
En réalité, ils s’enrichiraient encore plus, puisque les universités s’engagent à reverser 25 % de la hausse des frais de scolarité aux étudiants sur la base des revenus.
En fait, ce sont les étudiants issus de familles de la classe moyenne que nous devons protéger. Pour éviter que l’augmentation des frais de scolarité soit un frein à leur accessibilité, il faut utiliser le système de prêts et bourses pour permettre de reporter le paiement des frais de scolarité actuels et la hausse prévue. Pour les étudiants bénéficiant du prêt maximal, une allocation spéciale majorera leur prêt d’une valeur égale à l’augmentation des droits de scolarité, laissant inchangé, dans leur cas, le coût immédiat de leur étude. Ce faisant, l’étudiant remboursera ses frais de scolarité à la fin de ses études lorsqu’il aura accédé au marché du travail et que ses revenus seront plus importants.
Toujours en vue d’assurer l’accessibilité, le gouvernement assouplit la contribution des parents et il facilite le remboursement différé à la fin des études.
Enfin, le budget révèle que le gouvernement ne profitera pas de la hausse des droits de scolarité pour réduire sa propre contribution. Au contraire, le cadre de financement universitaire prévoit un ajout de 850 millions $ en six ans dont la moitié provient du gouvernement lui-même.
Pour conclure, si une hausse de frais de scolarité profite à près d’un étudiant sur trois inscrit au premier et deuxième cycles universitaires, que ce n’est certainement pas pour défendre les intérêts des étudiants issus des familles riches et encore moins dans le but de laisser de l’argent à Ottawa, comment justifier alors la mobilisation contre l’idée de hausser les frais de scolarité? Mystère!
Il y a de ces débats où le gros bon sens n’arrive pas à prendre le dessus. Celui entourant les frais de scolarité est manifestement l’un de ceux-là.
Dans son budget 2011-2012, le gouvernement a annoncé la hausse les droits de scolarité de 325 $ par année pendant cinq ans, les faisant passer de 2168 $ en 2011-12 à 3793 $ à 2016-17.
C’était écrit dans le ciel, la question n’était pas de savoir si le gouvernement allait augmenter les droits de scolarité, mais plutôt quelle avenue serait empruntée pour garantir l’accessibilité?
Éléments à connaître
Les étudiants d’aujourd’hui, même en majorant leurs droits de scolarité de 1625 $, paieraient en valeur réelle, tenant compte de l’inflation, l’équivalent des frais de scolarité applicables en 1968.
La contribution des étudiants aux revenus globaux des universités québécoises s’élevait à 12,7 % en 2008-2009 alors qu’elle atteignait le double dans les autres provinces canadiennes.
En 2009, plus d’un étudiant sur deux au premier cycle universitaire avait complété son diplôme sans dette d’études. Pour ceux qui en détenaient une, le montant moyen s’établissait à 15 000 $. Cette dette doit être mise en perspective, elle doit être vue comme un investissement. En effet, même s’il commencera à travailler cinq ans plus tard, sur un cycle de vie, un diplômé universitaire gagnera en moyenne un million $ de plus qu’une personne détenant uniquement un diplôme secondaire.
Enfin, avoir des frais de scolarité bas et uniforme au nom de l’accessibilité des plus démunis constitue une mesure régressive, car au passage elle subventionne les étudiants issus de familles riches qui fréquentent l’université dans une plus grande proportion.
Fiscalité fédérale et frais de scolarité
La situation actuelle de faibles frais de scolarité a aussi des interactions paradoxales avec la fiscalité.
Il faut savoir que la fiscalité fédérale contient plusieurs mesures relatives aux études passant du crédit pour frais de scolarité aux régimes enregistrés d’épargne-études.
Il est facile de comprendre qu’avec des frais de scolarité plus faible que dans les autres provinces canadiennes, lorsqu’arrive le moment de produire la déclaration fédérale de revenu, les Québécois réclament moins de crédits d’impôt au titre des frais de scolarité. Ainsi, même s’ils représentent 24% des déclarants canadiens, la valeur réclamée n’atteint que 19%. Si les Québécois réclamaient 800 millions $ de plus en frais de scolarité, la valeur serait alors proportionnelle au poids des déclarants. Ce faisant, les Québécois bénéficieraient d’une économie d’impôt fédéral de 100 millions $.
Il est également facile d’admettre que devant les faibles droits de scolarité, les Québécois voient moins la nécessité d’épargner pour les études de leurs enfants. En analysant la proportion des enfants de 0 à 17 ans qui bénéficie d’un Régime enregistré d’épargne-études, le Québec arrive en neuvième position sur 10 provinces. Encore une fois, le fédéral verse des montants au régime d’épargne-études en proportion des contributions parentales. Conséquence, la valeur de la subvention versée pour les enfants québécois ne représente que 15% du coût total.
Impact positif sur les étudiants moins fortunés
En 2007-2008, des 156 000 inscriptions à temps plein au premier et deuxième cycles universitaires, 42% recevaient un prêt et 30 % bénéficiaient également d’une bourse. Quel serait l’impact d’une hausse des frais de scolarité pour ces bénéficiaires de bourses? Devraient-ils s’endetter davantage ou recevraient-ils simplement une bourse plus élevée.
Il faut savoir que l’aide financière du régime des prêts et bourses se calcule en déterminant les dépenses admissibles desquelles sont soustraites les contributions potentielles. Comme les dépenses admissibles augmentent corollairement à la hausse des frais de scolarité et que le prêt maximal est plafonné annuellement, pour les étudiants bénéficiant d’une bourse d’études, une augmentation de frais de scolarité se traduit par une augmentation équivalente de la bourse d’études.
De plus, en sus de la majoration de la bourse pour tenir compte des frais de scolarité plus élevés, ils bénéficieraient également de crédits d’impôt pour frais de scolarité additionnels. Au net, pour une hausse de frais de scolarité de 1500 $, ils économiseraient 488 $ en impôts sur le revenu. Non seulement les bénéficiaires de bourses ne subiraient aucun problème d’accessibilité en lien avec la hausse proposée, mais au contraire ils s’enrichiraient!
En réalité, ils s’enrichiraient encore plus, puisque les universités s’engagent à reverser 25 % de la hausse des frais de scolarité aux étudiants sur la base des revenus.
En fait, ce sont les étudiants issus de familles de la classe moyenne que nous devons protéger. Pour éviter que l’augmentation des frais de scolarité soit un frein à leur accessibilité, il faut utiliser le système de prêts et bourses pour permettre de reporter le paiement des frais de scolarité actuels et la hausse prévue. Pour les étudiants bénéficiant du prêt maximal, une allocation spéciale majorera leur prêt d’une valeur égale à l’augmentation des droits de scolarité, laissant inchangé, dans leur cas, le coût immédiat de leur étude. Ce faisant, l’étudiant remboursera ses frais de scolarité à la fin de ses études lorsqu’il aura accédé au marché du travail et que ses revenus seront plus importants.
Toujours en vue d’assurer l’accessibilité, le gouvernement assouplit la contribution des parents et il facilite le remboursement différé à la fin des études.
Enfin, le budget révèle que le gouvernement ne profitera pas de la hausse des droits de scolarité pour réduire sa propre contribution. Au contraire, le cadre de financement universitaire prévoit un ajout de 850 millions $ en six ans dont la moitié provient du gouvernement lui-même.
Pour conclure, si une hausse de frais de scolarité profite à près d’un étudiant sur trois inscrit au premier et deuxième cycles universitaires, que ce n’est certainement pas pour défendre les intérêts des étudiants issus des familles riches et encore moins dans le but de laisser de l’argent à Ottawa, comment justifier alors la mobilisation contre l’idée de hausser les frais de scolarité? Mystère!
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