samedi 26 novembre 2016

Immigration en France et éducation prioritaire : « Pourquoi les écoles françaises vont-elles aussi mal ? »

À l’approche de la publication du nouveau classement PISA sur les performances scolaires des pays de l’OCDE, Euronews s'est intéressé au système éducatif français considéré depuis quelques années, comme inégalitaire. Une dernière étude parue en septembre est venue le confirmer et l‘état des lieux est accablant, notamment pour l‘éducation prioritaire.

Au collège Jean Moulin de Marseille, dans l’un des quartiers les plus défavorisés de la ville, on lève la main, on pose des questions et on y répond. On essaie d’instaurer la discipline et le respect comme le proclame une affichette sur le mur de l’une des classes. Ici, la plupart des élèves sont boursiers. L‘établissement fait partie du nouveau Réseau d‘éducation ultra-prioritaire (REP +) et bénéficie de ce fait, de certains aménagements.

« On est un petit peu moins nombreux par classe, explique Arnaud Sallaberry, professeur. Dans un collège lambda, on peut être jusqu‘à 27, 28, 29, 30 alors que là, les élèves sont maximum 24 élèves par classe : c’est plus confortable, estime-t-il. En plus, poursuit-il, on a mis en place des groupes de besoins, de compétences ; avec deux classes, on fait trois groupes de compétences. »




Refonte de l‘éducation prioritaire

La mise en place de l‘éducation prioritaire date de 1982 et visait à donner plus de moyens aux écoles des quartiers immigrés. Elle a été révisée à plusieurs reprises. La dernière fois en 2015 quand l’Etat a alors redistribué les ressources et privilégié les établissements les plus en difficulté comme le collège Jean Moulin.

« Avant la réforme, on avait 40% des élèves qui réussissaient leur examen et à peine, 50% des élèves qui allaient au lycée, précise Dominique Duperray, principal du collège. Maintenant, on a 70% – voire plus les bonnes années – d‘élèves qui réussissent leur examen et on a 100% des élèves qui vont au lycée, certains en général, d’autres en professionnel, dit-il. Donc le fait d’avoir ces moyens complémentaires en enseignement prioritaire, l’implication, la réflexion des équipes sur des méthodes pédagogiques innovantes permettent d’améliorer le parcours scolaire des élèves, » indique-t-il.

Des politiques éducatives qui aggravent les inégalités


Mais ces bons résultats ne peuvent pas occulter la situation dramatique de l‘école française. Elle est devenue depuis quelques années, la plus inégalitaire des pays développés et en septembre dernier, le CNESCO – le Conseil national d‘évaluation du système scolaire – a conclu après deux années d‘étude que depuis trente ans, les politiques éducatives n’ont fait qu’aggraver les inégalités.

L‘échec de l‘éducation prioritaire est pointée du doigt. Elle qui concerne aujourd’hui un millier de collèges, 8000 écoles et un élève sur cinq en France. Suite à la publication de ce rapport accablant, les académies de Lyon et de Créteil ont rejetté nos demandes de tournage.

« Des écoles ghettoïsées »

Dans l‘école de Véronique Decker, tous les élèves appartiennent à des familles issues de l’immigration et en difficulté sociale. Bien que son établissement soit classé “Éducation prioritaire”, elle dit que peu de moyens supplémentaires lui ont été affectés.

Non-remplacement des professeurs

“Le non-remplacement des professeurs est un gros problème, insiste Laurence Blin dont les fils sont scolarisés dans la banlieue à forte immigration de Bobigny. Puisque mon fils en 6ème, pendant tout un trimestre, n’a pas eu de professeur d’anglais ; en 5ème, à chaque fois, le premier trimestre, pas de prof d’histoire-géographie et pendant deux trimestres, toujours en cinquième, pas de professeur d’arts plastiques et là, en 4ème, le premier mois, pas de professeur de sciences de la vie et de la terre, c’est énorme, déplore la mère de famille. Là aussi, en termes de réussite, comment veut-on que les enfants de collège où il y a de tels manques puissent avoir le même niveau que ceux qui ont des profs des années entières ?” lance-t-elle.