jeudi 30 avril 2015

Le conservatisme, le progressisme et leur impact en éducation


Extrait d'un article de Mathieu Bock-Côté sur « qu'est-ce que le conservatisme ? » :

Il y a au cœur du progressisme une prétention à la maîtrise absolue de la vie, et plus particulièrement de la vie sociale, comme si on pouvait abolir son mystère, comme si une société absolument transparente était possible et désirable. On assiste alors à une technicisation à outrance de la vie politique. On entend resocialiser complètement l'homme, le soumettre à un conditionnement idéologique tout azimut. Un homme nouveau devrait en sortir. Mais en transformant l'homme en pure créature de la société, on écrase philosophiquement les conditions mêmes de sa liberté, de son épanouissement. L'homme n'a pas à se faire démiurge. Il ne doit pas créer le monde, encore moins créer un homme nouveau, mais conserver le monde, l'aménager et l'améliorer.

On voit alors qu'une certaine gauche, incarnée par des figures comme Christiane Taubira ou Najat Vallaud-Belkacem, fait preuve d'un véritable fanatisme dans la déconstruction. On comprend pourquoi l'homme de gauche, raisonnable, désillusionné par son propre camp, devient souvent conservateur par la question de l'école. N'est-ce pas en bonne partie à travers la question de l'école qu'Alain Finkielkraut est venu au conservatisme, non pas à la manière d'une doctrine, mais en reprenant à son compte ses inquiétudes fondamentales? C'est à travers elle qu'il découvre jusqu'où va la tentation de la table-rase qui rattrape inévitablement le progressisme, désireux d'en finir avec un monde trop vieux. Le petit individu supposé se construire intégralement par lui-même, comme s'il ne devait rien aux œuvres et à la mémoire, a toutes les chances d'être un futur barbare.





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La québécisation de l'école française : « l'excellence, voilà l'ennemi »

La place des femmes au Moyen-Âge : elles votaient, elles ouvraient boutique sans autorisation maritale


Extrait de l’essai Pour en finir avec le Moyen-Âge de l’historienne Régine Pernoud au chapitre « La Femme sans âme », pages 95-98 :
Il resterait à parler des femmes qui n’étaient ni de hautes dames, ni des abbesses, ni même des moniales : paysannes ou citadines, mères de famille ou femmes exerçant un métier. Inutile de dire que pour être correctement traitée, la question réclamerait plusieurs volumes, et aussi qu’elle exigerait des travaux préliminaires qui n’ont pas été faits. Il serait indispensable de fouiller non seulement les recueils de coutumes ou les statuts des villes, mais aussi l’énorme masse des actes notariés, dans le Midi surtout, des cartulaires, des documents judiciaires, ou encore les enquêtes ordonnées par Saint Louis ; on y relève, pris dans la vie quotidienne, mille petits détails, glanés au hasard et sans ordre préconçu, qui nous montrent hommes et femmes à travers les menus faits de l’existence : ici la plainte d’une coiffeuse, là d’une saunière (commerce du sel), d’une meunière, de la veuve d’un cultivateur, d’une châtelaine, d’une femme « croisée », etc. C’est par des documents de ce genre que l’on peut, pièce à pièce, reconstituer, comme dans une mosaïque, l’histoire réelle. Elle nous apparaît là, inutile de le dire, très différente des chansons de geste, des romans de chevalerie ou de ces sources littéraires qu’on a si souvent prises pour des sources historiques ! Le tableau qui se dégage de l’ensemble de ces documents présente pour nous plus d’un trait surprenant puisqu’on voit par exemple les femmes voter comme les hommes dans les assemblées urbaines ou celles des communes rurales.

Nous nous sommes souvent amusée, dans des conférences ou exposés divers, à citer le cas de Gaillardine de Fréchou, qui lors d’un bail proposé aux habitants de Cauterets dans les Pyrénées par l’abbaye de Saint-Savin, est seule à voter non, alors que tout le reste de la population a voté oui. Le vote des femmes n’est pas partout expressément mentionné, mais cela peut être parce qu’on ne voyait pas la nécessité de le faire. Lorsque les textes permettent de différencier l’origine des votes, on s’aperçoit que, dans des régions aussi différentes que les communes béarnaises, certains villages de Champagne ou certaines villes de l’Est comme Pont-à-Mousson, ou encore en Touraine lors des États généraux de 1308, les femmes sont explicitement nommées parmi les votants, sans que ce soit présenté d’ailleurs comme un usage particulier à la localité. Dans les statuts des villes, on indique en général que les votes sont recueillis dans l’assemblée des habitants sans préciser autrement ; parfois on fait mention de l’âge en indiquant, comme à Aurillac, que le droit de vote est exercé à l’âge de vingt ans ou, à Embrun, à partir de quatorze ans.

Ajoutons que, comme généralement les votes se font par feu, c’est-à-dire par foyer, par maisonnée, plutôt que par individu, c’est celui qui représente le « feu », donc le père de famille, qui est appelé à représenter les siens ; si c’est le père de famille qui en est naturellement le chef, il reste bien entendu que son autorité est celle d’un gérant et d’un administrateur, non d’un propriétaire. Dans les actes notariés, il est très fréquent de voir une femme mariée agir par elle-même, ouvrir par exemple une boutique ou un commerce, et cela sans être obligée de produire une autorisation maritale.

Enfin les rôles de la taille (nous dirions les registres du percepteur), lorsqu’ils nous ont été conservés comme c’est le cas pour Paris à la fin du XIIIe siècle, montrent une foule de femmes exerçant des métiers : maîtresse d’école, médecin, apothicaire, plâtrière, teinturière, copiste, miniaturiste, relieuse, etc. Ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle, par un arrêt du Parlement daté de 1593, que la femme sera écartée explicitement de toute fonction dans l’État. L’influence montante du droit romain ne tarde pas alors à confiner la femme dans ce qui a été, en tout temps, son domaine privilégié : le soin de la maison et l’éducation des enfants.

Jusqu’au moment où cela aussi lui sera enlevé de par la loi, car, remarquons-le, avec le Code Napoléon, elle n’est même plus maîtresse de ses biens propres et ne joue à son foyer qu’un rôle subalterne. Car, depuis Montaigne jusqu’à Jean-Jacques Rousseau, ce sont les hommes qui composent des traités d’éducation alors que le premier traité d’éducation publié en France qui soit parvenu jusqu’à nous émane d’une femme, Dhuoda, qui l’a composé (en vers latins) vers la date de 841-843 à l’usage de ses fils.

Il y a quelques années, certaines des discussions qui ont eu lieu lorsqu’il a été question d’autorité parentale en France, étaient assez déconcertantes pour l’historien du Moyen Âge ; en fait, l’idée qu’une loi fût nécessaire pour donner à la femme un droit de regard sur l’éducation de ses enfants eût semblé paradoxale aux temps féodaux. La communauté conjugale, le père et la mère, exerçait alors conjointement la tâche d’éducation et de protection des enfants ainsi qu’éventuellement l’administration de leurs biens. Il est vrai qu’alors la famille est conçue en un sens beaucoup plus large ; cette éducation pose infiniment moins de problèmes, parce qu’elle se fait au sein d’un tissu vital, d’une communauté familiale plus étendue et plus diversifiée que de nos jours puisqu’elle n’est pas réduite à la cellule initiale père-mère-enfant, mais comporte aussi grands-parents, collatéraux, domestiques au sens étymologique du terme. Ce qui n’empêche pas que l’enfant ait, éventuellement, sa personnalité juridique distincte ; ainsi s’il hérite de biens propres (légués par exemple, par un oncle), ceux-ci sont administrés par la communauté familiale qui, par la suite, devra lui en rendre compte.

On pourrait multiplier ainsi les exemples de détails fournis par l’histoire du droit et celle des mœurs, attestant la dégradation de la place tenue par la femme entre les coutumes féodales et le triomphe d’une législation « à la romaine » dont notre code [napoléon] est encore imprégné. [Note du carnet : Régine Pernoud écrit ses mots en 1977. La Révolution française est une régression sociale pour les femmes. L’Ancien Régime finissant apparaissait trop efféminé aux yeux des révolutionnaires qui adapteront nombre de symboles de la République romaine et restreindront le rôle de la femme.]

Si bien qu’au temps où les moralistes voulaient voir « la femme au foyer », il eût été plus indiqué de renverser la proposition et d’exiger que le foyer fût à la femme. La réaction n’est venue qu’en notre temps. Elle est d’ailleurs, disons-le, fort décevante : tout se passe comme si la femme, éperdue de satisfaction à l’idée d’avoir pénétré le monde masculin, demeurait incapable de l’effort d’imagination supplémentaire qu’il lui faudrait pour apporter à ce monde sa marque propre, celle qui précisément fait défaut à notre société. Il lui suffit d’imiter l’homme, d’être jugée capable d’exercer les mêmes métiers, d’adopter les comportements et jusqu’aux habitudes vestimentaires de son partenaire, sans même se poser la question de ce qui est en soi contestable et devrait être contesté. À se demander si elle n’est pas mue par une admiration inconsciente, et qu’on peut trouver excessive, d’un monde masculin qu’elle croit nécessaire et suffisant de copier avec autant d’exactitude que possible, fût-ce en perdant elle-même son identité, en niant d’avance son originalité.

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