À l’Université de Stockholm, la mise en place de la correction anonyme a eu un effet inattendu : les étudiants portant des noms à consonance étrangère, qui bénéficiaient auparavant d’une indulgence implicite de la part des correcteurs, ont vu leurs notes légèrement baisser. Une étude suédoise éclaire ainsi la complexité des biais en évaluation.
Lorsqu’une université décide de rendre les copies d’examen anonymes, on s’attend naturellement à ce que la réforme rende l’évaluation plus juste, en éliminant les préjugés possibles liés au nom ou à l’origine des étudiants.
Mais les résultats obtenus à l’Université de Stockholm vont à l'encontre de cette attente.
Une étude du sociologue Magnus Bygren, publiée dans la revue Assessment & Evaluation in Higher Education, montre qu’après l’introduction de la correction anonyme, les étudiants portant des noms à consonance étrangère ont vu leurs notes baisser.
Non pas parce qu’ils étaient désormais victimes d’un biais négatif, mais parce qu’ils ne bénéficiaient plus, semble-t-il, d’un léger traitement de faveur implicite dont ils jouissaient auparavant.
Une réforme conçue pour réduire les biais
Entre 2010 et 2014, l’Université de Stockholm a progressivement introduit une règle obligeant les correcteurs à évaluer les examens sans connaître l’identité de l’étudiant.
L’objectif était simple : réduire les inégalités et rendre la notation plus objective.
Bygren a analysé des milliers de résultats d’examens avant et après la réforme, en distinguant les étudiants selon la consonance de leur nom. L’idée était d’observer si la réforme — en supprimant les indices identitaires — modifiait les écarts de notes entre groupes.
Un effet inattendu
Les résultats sont clairs : après la généralisation de la correction anonyme, la probabilité pour un étudiant au nom étranger d’obtenir la meilleure note a diminué d’environ six points de pourcentage. Avant la réforme, ces mêmes étudiants réussissaient un peu mieux, toutes choses égales par ailleurs.
Aux attentes négatives que l’on aurait pu supposer — celle d’un biais défavorable envers les minorités — les correcteurs opposaient, sans doute inconsciemment, un ajustement favorable.
Autrement dit, ils tendaient à se montrer légèrement plus indulgents envers les étudiants aux noms étrangers, peut-être par souci d’équité ou pour compenser un désavantage perçu.
Un biais inversé
Ce phénomène éclaire un aspect méconnu du comportement des évaluateurs : leur désir de justice (subjective) peut lui aussi engendrer un biais.
Les correcteurs, animés par des intentions bienveillantes envers des groupes particuliers (ici étrangers), pouvaient accorder inconsciemment une petite marge de tolérance aux étudiants qu’ils imaginaient en situation d’infériorité symbolique.
L’anonymisation des copies a effacé ce réflexe, rétablissant une neutralité plus stricte — et, ce faisant, a fait apparaître une baisse relative des notes pour ce groupe d’étudiants.
Bygren reste prudent : l’ampleur de l’effet varie selon les modèles statistiques utilisés. Mais la tendance demeure. Et surtout, elle contredit l’hypothèse intuitive d’un préjugé défavorable fondé sur le nom.
Les correcteurs, animés par des intentions bienveillantes envers des groupes particuliers (ici étrangers), pouvaient accorder inconsciemment une petite marge de tolérance aux étudiants qu’ils imaginaient en situation d’infériorité symbolique.
L’anonymisation des copies a effacé ce réflexe, rétablissant une neutralité plus stricte — et, ce faisant, a fait apparaître une baisse relative des notes pour ce groupe d’étudiants.
Bygren reste prudent : l’ampleur de l’effet varie selon les modèles statistiques utilisés. Mais la tendance demeure. Et surtout, elle contredit l’hypothèse intuitive d’un préjugé défavorable fondé sur le nom.
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